Le nouvel ambassadeur de l’Union Européenne Peter Schadek vient d’effectuer sa première tournée dans la région de l’Extrême-Nord. Dans l’interview parue dans L’Œil du Sahel du 24 janvier 2018, le diplomate présente les actions de l’UE en faveur de cette région du pays et notamment les jeunes.
Question : Que retenez-vous de votre premier séjour dans la région de l’Extrême-Nord
Peter Schadek : Je crois que c’était un programme très dense et très riche avec toute une série de sujets, de rencontres et de lieux visités. Donc pour moi, c’était extrêmement intéressant et enrichissant. La dernière visite d’un ambassadeur européen à l’Extrême-Nord du Cameroun remonte à plusieurs années.
Il était donc utile de venir ici pour montrer notre engagement, notre intérêt dans les secteurs que vous avez cités et voir quelle contribution l’Union Européenne peut apporter à la résolution des problèmes liées au développement de cette importante région du pays.
Compte tenu du contexte sécuritaire, êtes-vous satisfait de la manière dont sont conduits les projets bénéficiant des appuis de l’Union Européenne
Dans l’ensemble, je dirais oui. Nous sommes par exemple très heureux de pouvoir contribuer au fonctionnement de la Force Multinationale Mixte qui est basée à N’Djamena, mais qui intervient et sécurise une bonne partie de cette région, à partir de Mora. Il était intéressant d’être briefé comme ça a été le cas, par les autorités militaires, sur ce qu’elles font pour pacifier cette partie du territoire et sur la situation actuelle sur le terrain.
Nous avons aussi visité un projet destiné à l’appui, à la fois de la police aux frontières et au corps national des sapeurs-pompiers. Ici, nous avons pu constater qu’il y a beaucoup de choses pratiques et très concrètes qui sont faites et qui sont susceptibles de produire de bons résultats dans le cadre des interventions d’urgence. En termes de protection civile, nous avons vu entre autres, des équipements susceptibles de produire de l’eau potable en cas de difficulté d’accès à cette denrée ; des équipements pour intervenir en cas d’accidents routiers etc.
Pour ce qui est de la police des frontières, certains postes frontaliers ont été réhabilités, avec l’appui européen ; des équipements ont été fournis et des formations ont été dispensées. Ce sont, à notre avis, des contributions très importantes qui devraient bientôt améliorer le fonctionnement de ce volet de la sécurité.
Quel est votre avis sur la situation humanitaire
C’était impressionnant pour moi de voir le camp des réfugiés de Minawao. Faire fonctionner cet immense centre d’accueil et de prise en charge, avec plus de 60 000 réfugiés nigérians, constitue une prouesse organisationnelle exceptionnelle que nous saluons à juste titre. Le HCR, qui opère avec entre autres, des financements européens, y fait en effet, un travail remarquable qu’il faut encourager.
A travers notre service humanitaire (ECHO), nous sommes fiers de contribuer au fonctionnement de différentes agences humanitaires du Système des Nations Unies et des autres organisations non gouvernementales. Il est par ailleurs important de noter, pour s’en féliciter, l’hospitalité des populations autochtones.
L’essentiel des projets soutenus par l’Union Européenne tourne autour de la jeunesse. Comment expliquez-vous l’intérêt de l’UE pour cette couche de la population ?
Notre intérêt pour la jeunesse s’explique d’abord par la volonté d’éloigner cette couche importante de la population du phénomène de radicalisation. Si des centaines de jeunes qui ont rejoint les rangs de Boko Haram avaient une vraie alternative, ils n’auraient peut-être pas basculé du côté des terroristes. Nous soutenons et nous allons continuer de soutenir les projets qui offrent une alternative et une possibilité pour ceux-ci de s’autodéterminer.
Au-delà de cet aspect sécuritaire, il faut dire que nos projets d’appui à la jeunesse interviennent dans un contexte marqué par de nombreux défis qui interpellent la région de l’Extrême-Nord et le Cameroun en général. Nous en sommes convaincus – et le récent Sommet Afrique-UE tenu à Abidjan – que la jeunesse est un potentiel sur lequel l’Afrique doit investir, pour multiplier les chances d’accéder à la croissance économique et à l’émergence.
Il faut travailler à aménager les conditions pour lui permettre de s’installer et de s’auto-déterminer. Et donc pour permettre aux jeunes d’éviter entre autres l’aventure de la migration clandestine dont les conséquences sont de plus en plus graves. Il y a aussi bien entendu, des défis structurels liés aux changements climatiques et aux perspectives de développement global.