Jean-Rameau Sokoudjou né en 1940 est un chef traditionnel des Bamendjou qui succéda son père le 26 décembre 1953 et est passionné d'agriculture. Il s’est taillé une réputation de trublion et ne manque jamais une occasion de ruer dans les brancards. Majestueux du haut de ses deux mètres, Jean Rameau Sokoudjou Tchendjou II, est un doyen des chefs traditionnels au Cameroun. Il porte ses colères et sa liberté de ton sur les plateaux de télévision et sur les réseaux sociaux. D’une voix de stentor qui ne trahit pas ses 85 années, se jouant délicieusement des règles de grammaire et de syntaxe, le chef supérieur des Bamendjou (Ouest) s’impose en chroniqueur grinçant et révolté d’un Cameroun « malade, gangréné par la corruption, l’injustice et la tricherie ». Baptisé roi rebelle, maquisard, contestataire ou hors-la-loi selon qu’il irrite ou attendrit, l’homme se sait peu écouter, mais reçoit sans discontinuer les politiques de tout bord et les membres de la société civile. Il a toutefois conscience que le temps presse et a déjà en partie consigné ces fameuses vérités qu’il brûle de livrer dans un livre d’entretiens qu’il prépare avec le journaliste Jean-Bruno Tagne.
Au milieu des années 1940, il est envoyé à l’école loin de chez lui, à Yaoundé. Un jour, pris par le mal du pays, il décide de revenir dans sa famille. Pour cela, pense-t-il, il lui suffit d’abord de rallier Douala à pied en longeant la voie de chemin de fer. Mais il s’égare. Alors qu’il erre dans un village aux abords de la capitale, il est recueilli par une famille ewondo, celle de Simon Atangana, qui l’héberge pendant huit longues années sans se préoccuper de ses origines. Né Sokoudjou, il est baptisé Esso dans ce village dont il maîtrise la langue. Également désigné successeur de son père adoptif, Sokoudjou-Esso s’enorgueillit d’être chef dans deux tribus distinctes, à Bamendjou, en pays bamiléké, et à Bikok, en terre beti Deux tribus que certains voudraient à tout prix opposer aujourd’hui.
Le 13 août 1975, il est reçu par le pape Paul VI à Rome; il plaide alors pour la canonisation d'un africain ayant payé de sa vie pour sauver un membre du prélat catholique.
Homme public : Il a refusé de faire de sa chefferie un bastion et un relais de l'administration camerounaise durant la guerre du maquis dans le Pays Bamiléké. Maurice Delauney, futur maire de Cannes, supervise la sécurité dans la région de l'Ouest après Jean Lamberton. Il construit le Camp d'internement de Bangou ou il met Samuel Tanga Fouotsop, chef supérieur Balatchi avec sa cours et les 9 notables aux arrêts. Avec moins de moyens que Jean Lamberton, il délègue une partie du travail contre les maquisards aux chefs traditionnels du Pays Bamiléké et à leurs serviteurs qui veulent coopérer et peuvent régler leurs comptes avec leurs adversaires. Dans ce contexte, Joseph Kamga, chef de Bandjoun, est loyaliste et lie comme certains autres chefs son son destin à celui de l'administration.
Jean Rameau Sokoudjou, réputé chef nationaliste, voit sa chefferie occupée entre novembre 1957 et juin 1958, ses femmes furent violées sous ses yeux par des soldats camerounais (sous commandement français). Il reçoit en 2020 des hommes politiques camerounais et est mis en garde par le préfet de son département. Laissant aux hommes du maquis l'accès à son territoire. Ce qui lui vaut de la méfiance des autorités de Yaoundé qu'il critique librement. Il est un avocat de l'anti tribalisme au Cameroun et lutte en particulier contre la Bamiphobie. Il donne librement ses opinions sur la gestion des affaires du Cameroun et se qualifie de réformateur. Il a fait partie, comme plusieurs chefs traditionnels du pays Bamiléké, du conseil d'administration de plusieurs sociétés coopératives locales dans l'agrobusiness.
Il se prononce pour la restitution des œuvres d'arts, objets du patrimoine, tels le tangué, la reine porteuse de coupe et plusieurs autres œuvres pillées dans son palais pendant la colonisation. Il évoque aussi l'incendie de son palais, phénomène commun aux chefferies Bamiléké, presque toutes brulées pendant le maquis du Cameroun et qu'il a reconstruit. Il exprime sa tristesse à voir les héritiers se déchirer après le décès de Victor Fotso.
Œuvre : Il est régulièrement consulté pour ses opinions et son expérience. En 2019, il donne, avec la collaboration du groupe Kadji, des éléments de son parcours à Jean-Bruno Tagne pour la rédaction d'une biographie. L'œuvre est préfacée par le cardinal Christian Tumi, postfacée par Charly Gabriel Mbock et commenté par la presse (Le quotidien le jour et Canal 2 International). Fotué et Perrois le consultent pour leur travail sur les sociétés secrètes des royaumes Bamiléké. D'autres chercheurs et thésards font appel à ses souvenirs.
Jean-Rameau est l’époux de 36 femmes et père d’une nombreuse progéniture de 360 enfants, qu’il dit « connaître grâce à leurs mères » et se vante d’avoir aidé à figurer dans l’élite du pays, il veut replacer les traditions au centre de la vie des Camerounais.