Assassinat de Martinez Zogo : Et si on tenait le coupable ?

Les investigations menées dans ce cadre ont à ce jour permis l’arrestation de plusieurs personnes

Fri, 3 Feb 2023 Source: Roland Tsapi

Les investigations menées dans ce cadre ont à ce jour permis l’arrestation de plusieurs personnes dont l’implication dans ce crime odieux est fortement suspectée. D’autres restent recherchées. Les auditions en cours et les procédures judiciaires qui s’en suivront permettront de circonscrire le degré d’implication des uns et des autres et d’établir l’identité de toutes les personnes mêlées à un titre ou à un autre à l’assassinant de de Martinez Zogo.»

Ces propos emprunts de détermination, extraits du communiqué du Secrétaire général à la présidence de la république Ferdinand Ngoh Ngoh, lu au journal radio de la Crtv le 02 février 2023, ont sonné comme une rupture. Rupture de l’habitude de garder le silence lors des enquêtes dans les affaires qui tiennent l’opinion en haleine comme celle de l’assassinat sauvage du journaliste Martinez Zogo suivi de l’abandon de son corps aux intempéries sur un terrain désert. Rupture également par rapport au scepticisme légitime exprimé par l’opinion quant à la sincérité du gouvernement.

Par ce communiqué, le gouvernement camerounais vient de donner pour une fois un gage de bonne gouvernance et transparence dans la conduite des affaires publiques, ce qui est souvent exigé. De plus, la suite des évènements a conforté l’opinion. Dans la même nuit, Jean-Pierre Amougou Belinga, dont le nom avait été régulièrement cité par les premiers suspects comme étant celui qui a passé la commande, a été interpellé à son domicile déjà encerclé depuis des heures, et conduit au Secrétariat d’Etat à la défense où sont auditionnés les suspects. Il y rejoint désormais d’autres gros poissons suspectés d’avoir livré la commande, à savoir exécuter la basse besogne.

Malgré le sentiment de puissance et d’intouchable qui animent souvent ces professionnels du crime, ils prennent également des précautions pour ne pas embarrasser leurs soutiens dans le système, ou s’attirer les foudres de la justice institutionnelle ou populaire.

Prudence

Il y a à ce stade beaucoup d’avancées dans la recherche des auteurs de l’assassinat de Martinez Zogo, dont les supplices infligés à son corps encore vivant ou déjà inerte sont inhumaines. Des avancées à saluer et à encourager. Pour autant, la prudence reste de mise. Ceux qui sont interpellés et gardés à vue le sont encore dans le cadre de l’enquête préliminaire, leur interpellation ne fait pas d’eux les coupables, pas encore. Selon les dispositions judiciaires internationales, reprises par les lois nationales, « Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie au cours d’un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense. »

Il reste encore que les enquêteurs réunissent les preuves intangibles sur lesquels un juge pourra s’appuyer pour inculper les suspects, parce qu’il n’est pas exclu qu’après les auditions, ceux déjà en garde à vue rentrent chez eux libres pour insuffisance de preuves, parce que la justice fonctionne en principe sur les preuves, pas sur les émotions ni sur les simples déclarations d’accusation. C’est là où tout va se jouer. L’histoire judiciaire apprend que les tueurs professionnels sont aussi des experts en dissimulation des preuves. Les auteurs de l’assassinat de Martinez Zogo ne peuvent avoir dérogé à la règle. Malgré le sentiment de puissance et d’intouchable qui animent souvent ces professionnels du crime, ils prennent également des précautions pour ne pas embarrasser leurs soutiens dans le système, ou s’attirer les foudres de la justice institutionnelle ou populaire.

Plus encore quand après la commission de l’acte, ils ont un temps probatoire pour corriger les erreurs qui ont été commises et effacer les traces. De l’enlèvement de Martinez Zogo le 17 janvier 2023 suivi de son assassinat, au 27 janvier date de l’ouverture officielle de l’enquête telle qu’indique le communiqué du Sgpr répercutant les « hautes instructions » du président de la république, il s’est passé au moins 10 jours, pendant lesquelles tout était possible. La dextérité des enquêteurs est donc davantage sollicitée à ce niveau de l’information judiciaire, un travail méticuleux qui permettrait d’éviter toute erreur judiciaire éventuelle. Dans cette affaire, l’opinion réclame pour que justice soit faite, le ou les commanditaires de ce crime et leurs bras séculiers, mais pas des boucs émissaires qui serviront à contenter l’opinion et calmer les cris. Pour ce faire, il peut être loisible de reprendre à l’attention de ceux qui sont aux commandes de l’enquête cette phrase du président de la république : « Un seul mot, continuez »

Objectif

Au demeurant, les enquêteurs en charge de ce dossier devraient avoir constamment à l’esprit cette image d’un corps en état de décomposition, méconnaissable, mutilé et envahi par les asticots, et se dire qu’il s’agit dans la recherche de la vérité, de restaurer la dignité humaine. Martinez était le père des enfants, le mari d’une femme, le fils d’un père et d’une mère, le frère de ses frères et sœurs, l’ami de ses amis, le cousin, le collègue…ils l’ont arraché à la vie, sans remords.

C’était Martinez, ça pourrait être n’importe qui. Au-delà de la dignité humaine, il s’agit également pour les enquêteurs de rester concentrés pour permettre que les Camerounais puissent marcher dans la rue en toute quiétude, sans se dire qu’ils peuvent impunément être enlevés à tout moment et mourir sans que cela n’émeuve personne. Il s’agit aussi de ne pas laisser traîner plus longtemps à l’extérieur cette idée selon laquelle le Cameroun est un pays de non droit, où les libertés sont allègrement piétinées. Le communiqué du Secrétaire général à la présidence de la république du 02 février annonçant l’arrestation des premiers suspects, précise :

« le président de la république réaffirme sa détermination à continuer avec le gouvernement, ainsi que les Camerounais et les Camerounaises de bonne volonté, son combat en faveur de la démocratie, des droits de l’homme, de la bonne gouvernance et du progrès. » Le mot combat utilisé ici n’est pas anodin, car il est permanent, et l’ennemi de toutes ces valeurs est partout, même à l’intérieur. Raison de plus pour ne pas crier victoire trop tôt avec l’arrestation des premiers suspects dans l’assassinat de Martinez Zogo. De même, l’arrestation des supposés intouchables de la république, devrait faire comprendre à tous les adeptes de telles pratiques imbus d’eux-mêmes, dans le but de protéger des fortunes douteuses que la roue tourne, et qu’un adage africain dit : « le baobab que la tornade va renverser ne voit pas le ciel s’assombrir. »

Source: Roland Tsapi
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