Cameroun :vivre ensemble sans s’entretuer

Martinez Zogo a été torturé avant d'être assassiné

Wed, 15 Feb 2023 Source: Le Calame N°0027

Nous avons tous été choqués par l’assassinat d’Arsène Salomon Mbani Zogo dit Martinez Zogo, journaliste travaillant pour Amplitude FM, une station de radio basée à Yaoundé. A la suite de ce crime odieux, un de plus perpétré au Cameroun, nous faisons part de notre vive préoccupation face à la tournure violente du débat public dans ce pays pivot d’Afrique centrale dont la stabilité est menacée par d’âpres luttes de clans rivaux au sommet de l’Etat, du fait d’une fin de cycle à la fois proche et inéluctable.

L’assassinat d’un journaliste va toujours au-delà du fait d’ôter la vie à une personne. C’est un crime contre la société parce qu’il porte atteinte à la liberté d’expression. Dès lors, exhorter la justice à rechercher sans relâche, à arrêter et à juger les auteurs de tels actes ne suffit plus.

L’assassinat de Martinez Zogo intervient à la suite de dizaines d’autres non élucidés à ce jour : Engelbert Mveng, Mgr Yves Plumey, Joseph Mbassi, Antony Fontegh, les sœurs Marie Germaine et Marie Leone, Mgr Jean-Marie Benoit Bala, Germain Cyrille Ngota Ngota et plusieurs autres. Il vient s’ajouter à la longue liste d’autres crimes commis au détour de la guerre qui, depuis plusieurs années, ravage les régions anglophones.

L’« addiction » à la violence contre les corps intermédiaires, à l’instar notamment de la presse, des syndicats, du clergé et des associations a également pour effet de susciter le dégoût ou l’indifférence du peuple vis-à-vis de la politique. La puissance des images de corps profanés et l’impuissance de la justice forment un cocktail de psychotropes anesthésiants.

Le projet ourdi par les auteurs de ces crimes est de nous dégoûter de la démocratie en la faisant passer pour un système anarchique où règnent violence et impunité. Ils veulent nous détourner de notre rêve de bâtir un Etat de droit garantissant aussi bien la séparation des pouvoirs que les droits de l’homme, les libertés publiques et individuelles. Le temps est venu d’un dialogue national exigeant, sincère et inclusif. Pour que notre pays se relève et recommence sa marche en avant, il est urgent de procéder à un audit de conformité de la gouvernance en cours eu égard au contrat social initial. Le temps est venu de remettre sur la table les règles qui régissent les grands moments de notre démocratie en construction, à savoir : une authentique palabre, suivie d’un consensus autour de la règle du jeu électoral, une redéfinition des modalités de la reddition des comptes et des conditions de la délibération.

Il est impératif d’ouvrir un dialogue pour réaffirmer ce que c’est qu’être camerounais et africain si nous voulons éviter le piège mortifère du repli identitaire. Il nous semble capital de rediscuter de notre rapport au bien commun, du sens à donner au service public, de la restauration de la confiance dans les transactions économiques et commerciales, du respect de la règle commune, de l’égal accès aux ressources publiques, de l’urgence climatique et environnementale et de notre intégration à notre juste place aussi bien dans notre continent que dans ce monde en mutations.

N’en doutons pas, quelles que soient leurs opinions politiques ou leurs convictions religieuses, la majorité des Camerounais aspire à vivre dans un pays paisible et uni. Nous gagnerions à les préparer dans la douceur, sans ingérence externe, dans le cadre d’une vaste concertation nationale. Nous demandons aux gouvernants et à toutes les forces vives de notre peuple d’en adopter le principe et d’en fixer les modalités.

Source: Le Calame N°0027
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