Chambre de Commerce : des membres élus se rebellent contre Christophe Eken
Dans une démarche inédite, les nouveaux élus des instances dirigeantes de la CCIMA interpellent directement le Président Paul Biya pour dénoncer "16 années d'une gestion opaque" de l'institution. Alors que le chef de l'État doit nommer le prochain président pour la mandature 2024-2028, cette fronde pourrait compromettre les chances de reconduction du président sortant.
L'avenir de la Chambre de Commerce, d'Industrie, des Mines et de l'Artisanat (CCIMA) est au cœur d'une bataille institutionnelle qui ne dit pas son nom. Depuis les élections du 23 juillet 2024 visant au renouvellement des instances dirigeantes, les 160 membres nouvellement élus attendent avec impatience la nomination du futur président par le chef de l'État.
Mais cette attente, qui dure depuis près de neuf mois, se transforme en contestation ouverte contre l'actuel président Christophe Eken, dont la possible reconduction suscite l'indignation de nombreux opérateurs économiques.
Dans une démarche inhabituelle, les nouveaux membres élus ont adressé une lettre au Président Paul Biya pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme "des dérives de gestion et de décrédibilisation de la chambre de commerce" sous la direction de Christophe Eken.
Leur réquisitoire est sans appel : "Une gestion opaque et non collaborative avec le Bureau Exécutif et l'Assemblée Plénière, un manque de transparence, une centralisation excessive des pouvoirs, des conflits d'intérêts répétés." Ces pratiques auraient, selon eux, conduit à l'érosion progressive de la crédibilité de l'institution aussi bien auprès des opérateurs économiques que des pouvoirs publics.
Plus grave encore, selon ces membres, la CCIMA aurait perdu sa place privilégiée de partenaire historique de l'État. "Les pouvoirs publics se détournent progressivement de notre Institution, jugée inefficace et peu représentative. Les organisations patronales ou syndicales sont désormais privilégiées pour un dialogue direct, privant la chambre de sa légitimité", alertent-ils.
La perte d'influence se manifesterait également par la réattribution de plusieurs postes stratégiques dans les conseils d'administration de structures importantes telles que le Port Autonome de Douala (PAD), l'Agence pour la Promotion de l'Investissement (API), la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) ou encore la Caisse de Stabilisation des Prix des Hydrocarbures (CSPH).
"Le dernier exemple en date est la nomination de Tawanba, président du GECAM, comme membre du Conseil d'Administration de la Société Nationale d'Investissement (SNI)", précisent les signataires.
Au-delà des aspects institutionnels, les élus de juillet 2024 pointent également l'impact économique néfaste de cette situation. "Ces dérives managériales pénalisent l'ensemble des acteurs économiques, en particulier les TPE/PME qui comptaient sur la chambre de commerce pour porter leurs voix", affirment-ils.
Pour eux, la priorité donnée à "des intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général" nuirait également à l'attractivité globale du Cameroun pour les investisseurs.
Face à cette situation qu'ils jugent critique, les nouveaux élus appellent à une intervention urgente du chef de l'État. Ils espèrent la nomination d'un nouveau dirigeant capable de "restaurer la transparence et la confiance au sein de l'institution" et de "renouveler le dialogue avec l'État afin de réaffirmer le rôle essentiel des Chambres Consulaires".
Leur plaidoyer se conclut sur une note d'urgence : "Il y va de la survie d'une institution centenaire et de l'intérêt de nos entreprises."
Alors que des rumeurs persistantes évoquent un choix déjà arrêté par le Président Biya, cette fronde interne pourrait-elle influencer la décision finale ? La publication du décret présidentiel attendu depuis plusieurs mois apportera bientôt la réponse à cette question cruciale pour l'avenir économique du Cameroun.