Depuis le début de la campagne présidentielle camerounaise, des contre-vérités circulent sur les réseaux sociaux, amplifiées par l’usage de plus en plus généralisé d’Internet. Une bataille digitale qui a provoqué des dégâts "réels" dans les états-majors de certains candidats.
Jeudi 11 octobre, le ministre de la Communication réunit les acteurs camerounais du web dans les locaux de son département. Devant la trentaine de jeunes blogueurs, influenceurs et autres Youtubeurs présents, Issa Tchiroma Bakary annonce la création prochaine d’une Agence d’informations virtuelles, dont l’objectif sera notamment de contrer la prolifération des « fake news », omniprésentes en amont comme en aval de l’élection présidentielle du 7 octobre.
Même si le ministre s’est défendu d’avoir rassemblé les activistes du web dans le cadre de la guerre de l’information qui se joue actuellement sur le web, l’opinion a rapidement établi un lien avec la bataille électorale. D’autant plus que le même jour, une vidéo d’un député allemand faisait le tour des réseaux sociaux, avec une fausse traduction indiquant que le Parlement germanique reconnaissait la victoire autoproclamée de Maurice Kamto. La séquence a été visionnée des milliers de fois, induisant en erreur des journalistes.
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Pour Libii, une influence certaine
Au sein de l’équipe du candidat Cabral Libii, l’une des principales victimes de ces fake news, une équipe dédiée a été mise en place. Celle-ci ne manque pas d’activité. Pas plus tard que jeudi 11 octobre, un faux compte Twitter attribué au candidat du parti Univers prétendait que ce dernier reconnaissait le triomphe de Maurice Kamto.
« Camerounais et camerounaise, après analyse des 23 225 procès-verbaux scannés, il en ressort que M. Kamto est bel et bien le vainqueur de l’élection présidentielle de 2018 au Cameroun », pouvait-on lire sur la capture de ce tweet qui a fait le tour du web…avant que le candidat ne fasse un démenti formel.
Pour Melvin Ndongo, membre de l’équipe digitale de Cabral Libii, les fausses informations sont leur « quotidien ». « Bien avant le début de la campagne, notre candidat subissait déjà les attaques de nos adversaires sur le web. C’est extrêmement regrettable que la politique se fasse de manière aussi abjecte (…) Le plus nocif pour nous a été le fait qu’on dise que notre candidat est un pion du RDPC. Jusqu’à la dernière minute, nous avons perdu des votes venant d’indécis qui se disaient, à force de l’entendre dire, que c’était la vérité. Pourtant, il n’en est rien », explique-t-il, estimant « qu’il est temps qu’on régule ce secteur ».
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Pour s’en prémunir, l’équipe veille 24 heures sur 24 sur l’image de Cabral Libii, et se concerte régulièrement pour réagir aux différentes rumeurs.
La vraie fausse tentative de corruption de Kamto
Comme celle de Cabral Libii, l’équipe de Maurice Kamto a elle aussi dû affronter le phénomène. Le fake le plus viral relayait une tentative de corruption entreprise par le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) à l’endroit du concurrent Serge Espoir Matomba, dans le cadre des négociations pour la coalition de l’opposition. « Complètement incongru » pour Emmanuel Simb, 2e vice-président de la formation politique.
« Mon camarade Okala Ebode allait prendre la somme d’un million de francs pour me la remettre, en tant que responsable de la campagne du MRC dans la région de l’Est. Un individu a pris une photo de haut, et tout de suite la machine du faux s’est mise en branle », explique à Jeune Afrique Me Simb, tout en déplorant les messages de « haine » diffusés derrière les fake news. « C’est ça le drame. C’est très grave », déplore-t-il.
Le président Biya pas épargné
Les fake news ont également affecté le camp du candidat sortant, le président Paul Biya. Ce dernier a notamment été annoncé en visite à Buéa, à Bamenda et à Kribi. Or, il n’a effectué qu’une seule sortie dans la ville de Maroua.
Pour l’activiste Florian Ngimbis, la prolifération des rumeurs en ligne trouve son explication dans l’usage qui a été fait d’Internet par les candidats : « Pendant cette campagne, ils ont été très peu présents sur les réseaux sociaux. Il n’y a pas eu d’interactions entre eux et leurs militants ou sympathisants. De ce fait, l’essentiel du débat a été alimenté par ces militants eux-mêmes, dans des groupes qui ont ravi la vedette aux espaces officiels des candidats », analyse-t-il.
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Quoi qu’il en soit, cette élection aura définitivement fait entrer la politique camerounaise dans l’ère du digital.