Le mouvement "école morte" lancé par le Collectif des organisations des enseignants du Cameroun (Corec) menace de paralyser complètement le système éducatif national à l'approche des examens. Cette mobilisation sans précédent, qui réunit enseignants du public et du privé, pourrait avoir des conséquences dramatiques sur l'année scolaire en cours.
Ce mardi 22 avril devait marquer la reprise normale des cours pour le troisième et dernier trimestre de l'année scolaire 2024-2025. Or, de nombreuses salles de classe sont restées vides à travers le pays. Le mot d'ordre "école morte" lancé par le Corec a été largement suivi, plongeant des milliers d'élèves dans l'incertitude à quelques semaines des examens blancs et officiels.
Selon nos sources, des centaines d'enseignants se sont mobilisés, brandissant des pancartes et refusant de reprendre leur service jusqu'à satisfaction de leurs revendications. "Nous ne pouvons plus continuer à enseigner dans ces conditions indignes", témoigne un professeur de lycée à Douala qui a souhaité garder l'anonymat. "Le gouvernement doit comprendre que l'éducation nationale est en danger."
Le cahier de charges du Corec comprend plusieurs points essentiels dont la revalorisation effective du statut spécial des enseignants, l'organisation urgente d'un forum national sur l'éducation, l'établissement d'une convention collective pour les enseignants du secteur privé, l'amélioration des infrastructures scolaires et des conditions de travail, ainsi que le paiement des arriérés de salaires et des primes.
"Ces demandes ne datent pas d'hier", explique Mme Nguefack, porte-parole du collectif. "Nous avons multiplié les alertes et les tentatives de dialogue, mais les réponses concrètes se font toujours attendre."
Des réunions ont bien eu lieu au ministère de la Fonction publique, notamment celle du 17 avril dernier, mais elles n'ont pas abouti à des engagements concrets susceptibles d'apaiser la colère des enseignants. "On nous sert toujours les mêmes promesses vagues", déplore un représentant syndical. "Cette fois, nous ne céderons pas sans des garanties écrites et un calendrier précis de mise en œuvre."
Cette mobilisation rappelle douloureusement le mouvement "On a trop supporté" (OTS) qui avait sévèrement perturbé les examens officiels en 2023. Les conséquences de cette précédente crise avaient été désastreuses pour de nombreux élèves, avec des taux d'échec record et des accusations de fraude massive.
"Nous ne voulons pas revivre le chaos de 2023, mais le gouvernement doit comprendre que la situation est devenue intenable", affirme un membre du Corec. "L'avenir de notre jeunesse est en jeu."
Face à cette situation, les associations de parents d'élèves expriment leur inquiétude. "Nous comprenons les revendications des enseignants, mais nos enfants sont les premières victimes de cette crise", déclare Jean-Paul Mbarga, président d'une association de parents d'élèves à Yaoundé. "Le gouvernement doit prendre ses responsabilités avant qu'il ne soit trop tard."
Le Corec a donné jusqu'à la fin de la semaine au gouvernement pour entamer des négociations sérieuses. Sans réponse satisfaisante, le mouvement pourrait se durcir, avec des manifestations prévues dans les grandes villes du pays.
Pour l'heure, le ministère de l'Éducation nationale n'a pas souhaité commenter officiellement la situation, se contentant d'appeler les enseignants "au sens des responsabilités".
Au-delà de l'impact immédiat sur les élèves, cette crise risque d'avoir des répercussions économiques importantes. Plusieurs secteurs dépendant du rythme scolaire, comme les transports, la restauration et le commerce de proximité des établissements, subissent déjà les effets du mouvement. "Mon chiffre d'affaires a chuté de moitié depuis le début de la grève", témoigne Alain Fotso, propriétaire d'une papeterie près d'un lycée de Bafoussam.
Cette nouvelle crise s'ajoute aux nombreux défis que rencontre déjà le système éducatif camerounais : sureffectifs dans les classes, manque d'infrastructures et de matériel pédagogique, et disparités importantes entre zones urbaines et rurales. "Nous ne pouvons plus accepter de travailler dans un système qui nous méprise alors que nous formons l'avenir du pays", affirme un enseignant gréviste.
À quelques semaines des examens, c'est tout le système éducatif camerounais qui se retrouve une nouvelle fois suspendu à l'issue d'un bras de fer dont personne ne peut prédire l'issue. Les prochains jours seront décisifs pour l'avenir de milliers d'élèves et pour la crédibilité d'un système éducatif déjà fortement ébranlé.