Une guerre ouverte oppose désormais deux des hommes les plus puissants du régime de Paul Biya. Selon des révélations exclusives de Jeune Afrique, Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence, et Laurent Esso, ministre de la Justice, sont passés du froid diplomatique à un conflit ouvert qui fracture les hautes sphères du pouvoir camerounais.
L'incident le plus révélateur de cette tension s'est produit début juin, comme le rapporte Jeune Afrique : Laurent Esso a purement et simplement boycotté une rencontre des militants du RDPC "convoquée" par Ferdinand Ngoh Ngoh. Un affront public qui traduit l'ampleur du différend entre les deux hommes.
Cette absence remarquée du ministre de la Justice n'est pas un simple caprice diplomatique, mais l'expression d'une exaspération profonde face à ce qu'il perçoit comme une mainmise excessive de Ngoh Ngoh sur l'appareil d'État.
Selon les informations exclusives révélées par Jeune Afrique, les deux hommes étaient "déjà en froid depuis l'affaire Martinez Zogo". Cette affaire, qui avait défrayé la chronique, semble avoir constitué le premier accroc sérieux dans leurs relations, préparant le terrain aux affrontements actuels.
Le journaliste Martinez Zogo, directeur d'Amplitude FM, avait été enlevé et assassiné en janvier 2023, provoquant une onde de choc nationale et internationale. Les circonstances de cette affaire auraient ainsi créé les premières frictions entre le secrétaire général de la présidence et le garde des Sceaux.
Le point de rupture est survenu en mai dernier, révèle Jeune Afrique. Laurent Esso, "excédé par ce qu'il considère comme une ingérence de Ngoh Ngoh dans son domaine de compétence, a vivement critiqué les 'hautes instructions' adressées par le secrétaire général de la présidence aux magistrats."
Cette sortie publique du ministre de la Justice constitue un événement rarissime dans un système où la critique ouverte entre hauts dignitaires est généralement proscrite. Elle témoigne du niveau d'agacement atteint par Laurent Esso face aux interventions de Ferdinand Ngoh Ngoh dans le secteur judiciaire.
Face à cette escalade, Jeune Afrique rapporte que "après avoir ainsi ravivé la guerre des clans qui se joue dans les couloirs du pouvoir, Laurent Esso s'est mis en retrait médiatique." Ce silence stratégique du ministre de la Justice contraste avec l'hyperactivisme médiatique de son rival.
Cette stratégie du retrait pourrait s'avérer payante dans un contexte où Ferdinand Ngoh Ngoh fait l'objet de critiques internes pour sa surexposition. Comme le souligne Jeune Afrique, "l'activisme médiatique déployé depuis plusieurs mois par Ferdinand Ngoh Ngoh en a crispé certains."
Au cœur de ce conflit se dessine une bataille pour l'influence et le contrôle des leviers de l'État. D'un côté, Ferdinand Ngoh Ngoh, fort de sa position de secrétaire général de la présidence et de l'appui de la première dame Chantal Biya selon Jeune Afrique, étend son emprise sur différents secteurs.
De l'autre, Laurent Esso défend farouchement son pré carré judiciaire contre ce qu'il perçoit comme des empiètements inadmissibles. Cette guerre des territoires illustre les tensions profondes qui traversent un régime vieillissant où les ambitions personnelles se télescopent.
Cette guerre ouverte entre deux piliers du régime intervient à un moment crucial, alors que Paul Biya prépare sa campagne pour un huitième mandat. Jeune Afrique révèle d'ailleurs que dans l'équipe de campagne officielle récemment constituée, les membres "sont tous des alliés, des soutiens ou des proches de Ferdinand Ngoh Ngoh."
Cette hégémonie de Ngoh Ngoh dans l'appareil de campagne ne peut qu'attiser davantage les tensions avec Laurent Esso et ses partisans, fragilisant l'unité affichée du RDPC à l'approche de l'échéance électorale d'octobre 2025.
La révélation de ces dissensions internes par Jeune Afrique éclaire d'un jour nouveau les difficultés du parti au pouvoir à maintenir une façade d'unité, malgré les apparences soigneusement orchestrées lors des événements publics.