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Victoire de Kamto: Me Eteme Eteme du Barreau du Cameroun réagit

Réaction Akere Muna Kamto 'La sortie du candidat Maurice Kamto peut être assimilée aux commentaires tendancieux'

Thu, 11 Oct 2018 Source: Essingan N°127

Au lendemain de l’élection présidentielle du 07 octobre dernier le Pr Maurice Kamto a fait une déclaration de victoire claire dont l’illustration est donnée à travers, entre autres, cet extrait : « J’ai reçu mission de tirer le penalty, je l’ai tiré et je l’ai marqué ». Un autre extrait plus précis encore énonce : « J’ai reçu du peuple un mandat clair que j’entends défendre jusqu’au bout. J’exhorte le président sortant à œuvrer pour une transition pacifique du pouvoir ».

Au-delà de l’effet d’annonce, et sans qu’il soit besoin de pousser trop loin l’analyse, l’on peut retenir une déclaration portant sur le résultat du vote suivie d’une appropriation dudit résultat par le candidat à l’élection, en termes de positionnement comme président élu y compris l’édiction des actes relevant d’une telle posture. La question qui divise se situe, ce faisant, au niveau de la légalité ou la licéité de cette déclaration qui résonne déjà comme une «pré-sentence» sur le résultat du scrutin, ce dans un contexte où la loi a prévu un acteur pour le faire en plus des délais et une certaine forme pour le tout.

En effet, aux termes de l’article 48(1) de la Constitution camerounaise, « le Conseil constitutionnel veille à la régularité des élections présidentielles, des élections parlementaires, des consultations référendaires. Il proclame les résultats». Cette disposition est complétée et précisée par l’article 137 du Code Électoral camerounais selon lequel, « le Conseil Constitutionnel arrête et proclame les résultats de l’élection présidentielle dans un délai maximum de quinze (15) jours à compter de la date de clôture du scrutin ».

Publicité du dépouillement

De la sorte, si c’est le Conseil Constitutionnel qui «arrête et proclame les résultats de l’élection présidentielle», un acteur du processus électoral autre que ledit Conseil peut-il, sans nuire au processus global, à la paix sociale et surtout à l’office du juge constitutionnel, déclarer urbi et orbi qu’il est déjà élu? Cette question manquerait d’intérêt si l’élection présidentielle n’avait qu’un seul candidat en course. En revanche, elle (la question) prend un relief tout particulier dans le contexte de pluralité de candidatures qui est le nôtre, chacun des candidats étant fondé à espérer le vote de la majorité des électeurs. D’où l’urgence d’attendre que le juge constitutionnel vienne les départager en proclamant un seul des candidats vainqueur, au détriment de tous les autres.

Certains ont convoqué les dispositions du Code électoral sur la publicité du dépouillement pour justifier une déclaration de victoire anticipée du candidat. Il s’agit précisément de l’article 113 selon lequel « immédiatement après le dépouillement, le résultat acquis dans chaque bureau de vote est rendu public ». Entendons-nous bien! Ces dispositions ont une fonction normative bien précise : assurer la transparence du dépouillement lequel se fait sur place et aussitôt que les opérations de vote sont clôturées au niveau de chaque bureau de vote. Loin d’être une invitation tacite à l’ « auto-proclamation » des résultats du vote, de telles dispositions légales doivent davantage être comprises comme une garantie de la loi contre d’éventuels tripatouillages ultérieurs puisque à l’occasion, « les résultats du scrutin sont immédiatement consignés au procès-verbal (et) un exemplaire du procès-verbal est remis à chaque membre présent de la commission locale de vote l’ayant signé » (art.115, Code électoral).

Source de désordre

Et il ne saurait en être autrement pour au moins deux raisons principales: D’une part, la loi ne peut stipuler une chose et son contraire. Elle ne peut avoir prévu à la fois une procédure, un organe et des délais de proclamation des résultats tout en laissant ouverte la brèche des auto-proclamations à caractère individuel et potentiellement source de désordre.

D’autre part, en toute chose, il faut considérer l’esprit de la loi lequel donne toujours à se renseigner sur la volonté du législateur aux travers des buts recherchés par la loi. Sur ce point précis, que l’on se souvienne bien qu’au commencement, le Code électoral impartissait à Elecam, entre autres missions, celle de publier les tendances des résultats, mais que cette disposition qui fit long feu, fut par la suite purement et simplement supprimée ! On peut aisément en déduire que dans l’esprit de cette loi la publication des tendances n’est nullement agréée. Or, s’autoproclamer vainqueur comme l’a fait un candidat procède nécessairement bien qu’implicitement de cette logique des tendances si décriée par le législateur camerounais.

Au demeurant, si l’une des fonctions normatives de la Loi reste de fixer et d’encadrer nos comportements tout en régulant nos relations en société, se déclarer vainqueur, alors même que le processus de vérification des votes par les organes habilités et le Juge constitutionnel, est en cours, est constitutif d’une grave atteinte à la Loi.

A y regarder de près, ne tombe-t-il pas sous le coup de la loi pénale au titre de l’infraction qualifiée «commentaires tendancieux» quiconque relate publiquement une procédure judiciaire non définitivement jugée dans les conditions telles qu’il influence même non intentionnellement l’opinion d’autrui… Je termine par cet autre débat!

Source: Essingan N°127
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