Dieudonné Essomba sort la sulfateuse et crache les quatre vérités

Dieudonne Essomba Gare A Toi Image illustrative

Sun, 18 May 2025 Source: www.camerounweb.com

À quelques jours des célébrations du 20 mai, journée dédiée à la commémoration de l'unité nationale au Cameroun, l'économiste et analyste politique Dieudonné Essomba a lancé un pavé dans la mare lors de sa récente intervention dans l'émission "CLUB D'ÉLITES" sur Vision 4. Il y a remis en question les fondements mêmes du concept d'unité nationale, suscitant un débat passionné sur les plateaux et dans les réseaux sociaux.

"Aujourd'hui, quel est l'état de votre unité nationale par rapport à il y a deux ans, à il y a cinq ans, à il y a vingt ans ? Vous êtes incapables de répondre à cette question. Vous parlez donc de quoi ? Quand vous voulez bâtir un projet comme l'unité nationale, et que vous n'avez même pas de quoi mesurer l'évolution de ce projet, vous bâtissez quoi ? C'est ça, le premier problème de l'unité nationale : finalement, personne ne sait exactement ce que c'est", a déclaré Dieudonné Essomba avec sa verve caractéristique.

Dans son intervention qui a fait réagir aussi bien les autres invités du plateau que les téléspectateurs, l'analyste n'a pas hésité à remettre en cause le caractère presque sacré attribué à cette notion dans le discours politique camerounais. "On a adopté le concept parce que le premier chef d'État en a parlé, on l'a repris, on y a mis un tabou, et personne ne s'est donné la liberté d'interroger même ce concept. Qu'est-ce que l'unité nationale ? Chacun a sa propre définition", a-t-il poursuivi.

Cette critique fondamentale d'un des piliers idéologiques de l'État camerounais intervient dans un contexte particulier, alors que le pays traverse des crises multiformes, notamment dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où une partie de la population conteste justement cette vision de l'unité nationale.

Pour Jean-François Medjo, politologue à l'Université de Yaoundé II, la question soulevée par Essomba est loin d'être anodine. "En sciences politiques, l'évaluation des politiques publiques repose sur des indicateurs mesurables. Si nous ne pouvons pas mesurer les progrès ou les reculs en matière d'unité nationale, comment pouvons-nous prétendre que nos politiques sont efficaces ?", interroge-t-il.

Cette absence d'indicateurs clairs soulignée par Essomba pose effectivement la question de la finalité même du concept. "Est-ce une fin en soi ou un moyen pour atteindre d'autres objectifs comme le développement économique ou le bien-être social ?", poursuit le politologue.

Le flou entourant la définition de l'unité nationale, également pointé par l'analyste, se manifeste dans les interprétations diverses qui en sont faites selon les contextes et les acteurs.

"Pour certains, l'unité nationale signifie l'uniformisation culturelle et politique, tandis que pour d'autres, elle devrait plutôt représenter la reconnaissance et la valorisation des diversités au sein d'un ensemble cohérent", explique Marie-Claire Ekomo, sociologue spécialiste des questions identitaires au Cameroun.

Cette polysémie n'est pas sans conséquences sur les politiques publiques qui en découlent. "Comment mettre en œuvre efficacement un concept dont la définition même fait l'objet de désaccords profonds ?", s'interroge la sociologue.

Les propos de Dieudonné Essomba ont suscité des réactions diverses dans la classe politique camerounaise. Certains cadres du parti au pouvoir y voient une "provocation gratuite" visant à "saper les fondements de la nation camerounaise".

"Remettre en question l'unité nationale, c'est jouer avec le feu", estime un député du RDPC qui a souhaité garder l'anonymat. "Particulièrement dans le contexte actuel où notre pays fait face à des menaces sécessionnistes."

Du côté de l'opposition et de la société civile, en revanche, l'intervention d'Essomba est perçue comme une invitation nécessaire à la réflexion. "Il est temps d'avoir un débat franc et ouvert sur ce que nous entendons réellement par unité nationale", affirme Jean-Michel Nintcheu, figure de l'opposition. "Ce n'est pas en évitant les questions difficiles que nous résoudrons les problèmes profonds qui minent notre vivre-ensemble."

Au-delà des cercles politiques, la sortie médiatique de Dieudonné Essomba semble avoir touché une corde sensible auprès de nombreux Camerounais, comme en témoignent les réactions sur les réseaux sociaux.

"Enfin quelqu'un qui ose poser les vraies questions !", peut-on lire dans un commentaire largement partagé sur Facebook. "Depuis que je suis né, on nous parle d'unité nationale sans jamais nous dire ce que ça signifie concrètement dans notre quotidien."

Pour d'autres, cependant, le concept garde toute sa pertinence malgré ses imperfections. "L'unité nationale, c'est avant tout un idéal vers lequel tendre, même s'il est difficile à définir précisément", défend un internaute.

Face à ce débat relancé par les propos d'Essomba, certains intellectuels et acteurs de la société civile appellent à saisir l'occasion pour engager une réflexion nationale sur le sujet.

"Peut-être est-il temps d'organiser des assises nationales sur la question de l'unité, où toutes les composantes de la société camerounaise pourraient s'exprimer librement", suggère Richard Kemleu, président d'une ONG œuvrant pour la promotion du dialogue intercommunautaire.

Cette proposition fait écho à une aspiration qui semble de plus en plus partagée : celle de passer d'une unité décrétée à une unité construite collectivement, avec des objectifs clairs et des moyens d'évaluation transparents.

Source: www.camerounweb.com