Le ministre évoque le "syndrome de Stockholm" des Camerounais et appelle à un "au revoir décent" au chef de l'État
Yaoundé - Dans une interview accordée au journal Mutations, le ministre Garga Haman Adji a livré une analyse surprenante de la relation entre Paul Biya et le peuple camerounais, n'hésitant pas à évoquer un "syndrome de Stockholm" tout en prédisant que le président ne terminera pas son prochain mandat.
Le ministre dresse un parallèle audacieux entre la longévité politique de Paul Biya et une forme d'accoutumance collective. "Nous avons eu Monsieur Biya à la tête du pays pendant plus de 40 ans. Il est devenu pour nous comme un voisin, voire un proche voisin, avec lequel nous nous sommes habitués, au point d'en être des complices", analyse-t-il.
Cette métaphore du "syndrome de Stockholm", où "les prisonniers et leurs geôliers avaient fini par sympathiser et vivre en osmose", offre une grille de lecture inédite de la part d'un membre du gouvernement sur la relation entre le pouvoir et la population camerounaise.
Garga Haman Adji se montre particulièrement audacieux en évoquant l'avenir politique immédiat du Cameroun. "Ma conviction personnelle est qu'il ne finira pas ce mandat", affirme-t-il, estimant que Paul Biya "va céder le pouvoir" avant la fin de son septennat, "après avoir corrigé certaines erreurs, arrondi certains angles et préparé démocratiquement son départ en douce".
Cette prédiction, formulée par un ministre en exercice, suggère l'existence de discussions internes au sein du pouvoir sur les modalités d'une transition politique.
Le ministre plaide pour un accompagnement "humaniste" du départ du chef de l'État, invoquant des considérations à la fois pragmatiques et symboliques. "Nous devons, soit par charité, soit par habitude, soit même pour certains par ironie, lui dire au revoir d'une manière décente", déclare-t-il.
Cette approche vise explicitement à éviter "qu'on ne retombe pas dans notre situation actuelle, avec les restes d'Ahmadou Ahidjo, qui reposent à Dakar, au Sénégal", faisant référence à l'exil forcé du premier président du Cameroun.
Garga Haman Adji inscrit sa réflexion dans une perspective plus large de cohésion sociale, appelant à "faire enjamber la phase de l'unité nationale pour celle d'une osmose nationale". Il estime que cette transition politique pourrait permettre au Cameroun de franchir "le cap de l'intégration nationale pour atteindre l'osmose", plus de 60 ans après l'indépendance.
Le ministre évoque également la nécessité de préparer l'avenir politique du pays, suggérant que la prochaine élection présidentielle pourrait intervenir "probablement en 2028 ou en 2029", soit avant la fin théorique du mandat de Paul Biya prévu en 2032.
Cette chronologie anticipée confirme sa conviction que le chef de l'État ne mènera pas son mandat à terme, ouvrant ainsi la voie à une transition politique anticipée.
Ces révélations d'un ministre en exercice sur l'avenir politique immédiat du Cameroun soulèvent de nombreuses questions sur les discussions internes au sein du pouvoir et sur les modalités concrètes d'une éventuelle transition. Elles témoignent également d'une réflexion en cours au sommet de l'État sur les conditions d'un passage de témoin politique.