Le directeur est-il le premier responsable du niveau d'un étudiant "nul" ?
Par Serge Olama
La récente scène d'humiliation d'un étudiant lors d'une soutenance à l'École Supérieure des Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication (ESSTIC) continue de soulever des interrogations. Au-delà de l'indignation légitime face à l'attitude du Pr François Marck Medzom, directeur de l'établissement et auteur de Les silences de Paul Biya, une question fondamentale demeure : comment un étudiant jugé "nul" a-t-il pu franchir toutes les étapes académiques jusqu'à la soutenance publique ?
Selon le site officiel de l'ESSTIC, l'admission se fait par concours écrit et oral pour les candidats nationaux, et sur étude de dossier pour les étrangers et auditeurs libres. Un processus supposément rigoureux pour une école qui se veut d'excellence.
Première question : comment un étudiant aussi "nul" réussit-il un concours d'entrée à l'ESSTIC ?
Si les critères de sélection sont effectivement appliqués, cet étudiant devrait avoir démontré des capacités académiques suffisantes dès le départ. Son "niveau zéro" révèle-t-il des méthodes de recrutement parallèles ? Le directeur et son établissement ne sont-ils pas rattrapés par des pratiques autres que celles prévues par la réglementation ?
À l'ESSTIC, les étudiants obtiennent des Licences professionnelles (Bac+3) ou des Masters professionnels et de recherche (Bac+5). Chaque niveau comprend des examens, des évaluations continues et des validations obligatoires.
Deuxième question : comment un étudiant aussi "nul" parvient-il à passer du niveau 1 au niveau 3 en Licence, ou du Master 1 au Master 2 ?
Pour atteindre l'étape de la soutenance, cet étudiant a nécessairement validé plusieurs années d'études, multiplié les examens et obtenu des notes suffisantes. Soit il n'était pas "nul" durant son cursus, soit le système de validation est complètement défaillant. Dans les deux cas, la responsabilité administrative est engagée.
La validation du mémoire : une étape cruciale négligée ?
Le processus académique est clair : un mémoire doit être validé par l'encadreur avant toute soutenance. Un exemplaire est même transmis au jury en amont pour lecture et préparation. L'encadreur, dont l'avancement professionnel dépend également de la qualité des travaux supervisés, doit exiger des modifications avant le dépôt final.
Troisième question : comment le mémoire d'un étudiant aussi "nul" a-t-il été validé par son encadreur, lui-même enseignant à l'ESSTIC ?
Si ce mémoire était effectivement de qualité médiocre, pourquoi l'encadreur l'a-t-il autorisé à être présenté devant un jury ? Où était le contrôle qualité ? Qui a supervisé ce travail ?
Un étudiant peut effectivement connaître des difficultés académiques. Mais qu'un étudiant qualifié de "nul" franchisse successivement :
Le concours d'entrée
Trois années de Licence ou cinq années jusqu'au Master
La validation de son encadreur
L'acceptation par le jury
...cela ne témoigne pas de l'incompétence d'un étudiant, mais de la défaillance systémique d'une institution.
Si un étudiant aussi "nul" peut soutenir publiquement à l'ESSTIC, le premier des nuls, c'est le directeur de cette école.
Un symptôme d'un mal plus profond
Les récents scandales autour du concours de l'École Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM) ont mis en lumière le favoritisme et le clientélisme qui gangrènent nos grandes écoles. L'ESSTIC n'échappe manifestement pas à cette tendance.
Comment s'étonner ensuite de l'état de délabrement de nos institutions ? Comment espérer bâtir une nation solide sur des fondations aussi corrompues ?
Un appel à la responsabilité
Plutôt que d'humilier publiquement un étudiant — démarche aussi gratuite que contre-productive — le Pr François Marck Medzom devrait interroger le système qu'il dirige. L'échec d'un étudiant est d'abord l'échec de l'institution qui l'a accompagné (ou pas) pendant des années.
Monsieur le Directeur, fichez la paix à cet étudiant !
Assumez plutôt la responsabilité du système que vous dirigez. Si votre école laisse passer des étudiants "nuls" jusqu'à la soutenance, c'est que le problème ne vient pas d'eux, mais de vous.
Il est urgent de nettoyer ces grandes écoles qui, au lieu de former l'élite camerounaise, reproduisent les tares d'un système à bout de souffle.