Dans une interview explosive à paraître prochainement, le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, exprime sa tristesse après le décès de Georges Anicet Ekane et pointe indirectement du doigt son collègue Paul Atanga Nji, ministre de l'Administration territoriale. Une sortie qui révèle les tensions au sein du gouvernement camerounais sur la gestion de la crise postélectorale. C'est ce que le lanceur d'alerte Boris Bertolt a publié sur sa page Facebook.
Une déclaration inattendue secoue le landerneau politique camerounais. René Emmanuel Sadi, ministre de la Communication et figure historique du régime de Paul Biya, brise le silence officiel sur les circonstances de la mort d'Anicet Ekane dans une interview dont les premières révélations circulent déjà.
"Anicet Ekane était mon ami"
Contrairement au ton administratif et froid du communiqué publié par le ministère de la Défense dimanche, René Sadi adopte un registre personnel et émouvant. Le ministre affirme être "triste" suite au décès du président du Manidem et révèle : "Anicet Ekane était mon ami."
Cette déclaration d'amitié entre un pilier du régime et une figure emblématique de l'opposition nationaliste surprend, mais elle témoigne des liens anciens tissés pendant les décennies de vie politique camerounaise, au-delà des clivages partisans.
Plus explosive encore est la mise en cause indirecte mais claire de Paul Atanga Nji, le puissant ministre de l'Administration territoriale, connu pour sa ligne dure face à l'opposition. Commentant l'arrestation d'Anicet Ekane et ses conditions de détention, René Sadi lâche une phrase lourde de sens : "Certaines décisions sont prises sans consultation."
Le ministre de la Communication va plus loin en se démarquant explicitement de la gestion du dossier : "S'il avait été à la place d'Atanga Nji, il n'aurait pas agi de cette manière", selon les propos rapportés.
Cette sortie publique d'un membre du gouvernement contre un autre constitue un événement rarissime dans le système camerounais, où la solidarité gouvernementale est habituellement de mise, particulièrement sur les questions sécuritaires et la gestion de l'opposition.
Un désaveu politique majeur
En pointant du doigt le ministre de l'Administration territoriale, René Sadi soulève implicitement plusieurs questions cruciales :
Les décisions concernant l'arrestation et la détention d'Anicet Ekane ont-elles été prises de manière unilatérale par Atanga Nji ?
D'autres membres du gouvernement ont-ils été tenus à l'écart de décisions aussi sensibles ?
La confiscation de l'extracteur d'oxygène d'Ekane a-t-elle été décidée ou avalisée par le ministre de l'Administration territoriale ?
Ces déclarations interviennent alors que Paul Atanga Nji est largement identifié comme l'architecte de la répression de la contestation postélectorale. Le ministre de l'Administration territoriale, connu pour son discours musclé et ses méthodes autoritaires, a été en première ligne dans la gestion sécuritaire de la crise qui a suivi la réélection contestée de Paul Biya.
La prise de position de René Sadi, ministre en poste depuis des décennies et considéré comme un proche du président Biya, révèle des tensions internes au sein de l'exécutif camerounais. Elle suggère que la mort d'Anicet Ekane en détention pourrait avoir créé une ligne de fracture au sein même du gouvernement.
Cette sortie publique pourrait également être interprétée comme une tentative de René Sadi de se distancier de la responsabilité collective du gouvernement dans cette affaire, alors que les appels à une enquête indépendante se multiplient.
L'intégralité de l'interview du ministre de la Communication, annoncée pour les prochaines heures, est désormais attendue avec impatience. Elle pourrait apporter des précisions sur les circonstances exactes de l'arrestation d'Anicet Ekane, sur les conditions de sa détention, et surtout sur les processus décisionnels qui ont conduit à la confiscation de ses équipements médicaux vitaux.
Cette affaire prend une tournure politique explosive alors que le Cameroun traverse déjà une grave crise postélectorale. La mort d'Anicet Ekane, combinée aux divisions apparentes au sein du gouvernement, pourrait intensifier la pression sur le régime de Paul Biya et alimenter les appels de l'opposition à un changement de système.
Pour l'heure, le ministre Paul Atanga Nji n'a pas réagi publiquement à ces accusations indirectes de son collègue de la Communication. Mais cette mise en cause publique d'un ministre par un autre sur un dossier aussi sensible constitue un précédent rare dans l'histoire politique récente du Cameroun et témoigne de la gravité de la crise en cours.