La disparition de l'ancien président nigérian Muhammadu Buhari en juillet dernier a scellé la rupture diplomatique entre Abuja et Yaoundé. L'affaire Tchiroma Bakary révèle l'ampleur du fossé entre Bola Tinubu et Paul Biya.
C'est une révélation explosive de Jeune Afrique qui éclaire d'un jour nouveau les relations entre le Cameroun et le Nigeria. Depuis la mort de Muhammadu Buhari en juillet dernier, les échanges directs entre Abuja et Yaoundé auraient purement et simplement cessé. Cette rupture silencieuse explique pourquoi Issa Tchiroma Bakary a pu bénéficier d'une protection aussi efficace de la part des autorités nigérianes, malgré les multiples demandes camerounaises.
Selon les informations obtenues par Jeune Afrique, Bola Tinubu entretenait des relations cordiales avec Paul Biya uniquement par égard pour son prédécesseur Buhari, qui était proche du président camerounais. Le président nigérian avait ainsi accédé à quelques demandes de Yaoundé, notamment sur les dossiers sensibles de l'Ambazonie ou de l'ancien ministre Basile Atangana Kouna. Mais la disparition de Buhari a emporté avec elle les derniers liens de confiance entre les deux chefs d'État.
Le signe le plus visible de cette dégradation des relations reste l'absence de félicitations officielles du Nigeria à Paul Biya après sa réélection contestée d'octobre 2025. Jeune Afrique révèle que malgré les multiples démarches entreprises par le Cameroun pour obtenir une simple lettre de félicitations adressée au président Biya, les autorités nigérianes ne s'y sont jamais résolues. Ce refus constitue un camouflet diplomatique majeur, pratiquement inédit entre deux pays voisins et partenaires au sein de la CEMAC et de la CEDEAO.
Cette froideur explique pourquoi toutes les démarches officieuses de Yaoundé auprès de responsables militaires et sécuritaires nigérians pour obtenir l'extradition de Tchiroma Bakary et de ses proches sont restées lettre morte. Selon une source à Abuja citée par Jeune Afrique, les relations entre Tinubu et Biya sont actuellement loin d'être au beau fixe, un euphémisme diplomatique qui masque une rupture bien réelle.
Cette brouille entre les deux géants de l'Afrique centrale et de l'Ouest a des implications qui dépassent largement le cas Tchiroma Bakary. Elle remet en question la coopération sécuritaire dans la lutte contre Boko Haram, la gestion des flux migratoires et commerciaux transfrontaliers, et fragilise l'architecture de sécurité régionale patiemment construite au fil des décennies.
L'affaire Tchiroma Bakary n'est donc pas qu'un simple dossier d'opposant politique en exil. Elle est devenue le révélateur d'une transformation profonde des équilibres diplomatiques en Afrique de l'Ouest, où les anciennes solidarités s'effritent et où de nouveaux axes se dessinent, parfois au détriment des relations bilatérales traditionnelles.