Le Vatican sous pression : pourquoi la visite du pape Léon XIV au Cameroun divise en coulisses

Atanga Nji En Italie Image illustrative

Thu, 25 Dec 2025 Source: www.camerounweb.com

Alors que les rumeurs d'une visite papale au Cameroun se multiplient, Jeune Afrique révèle les véritables enjeux diplomatiques et religieux qui compliquent l'organisation de ce déplacement historique.

La fuite d'une lettre de l'archevêque de Douala en octobre dernier n'était que la partie visible de l'iceberg. Selon les informations exclusives obtenues par Jeune Afrique, le Vatican traverse actuellement une période de tractations diplomatiques intenses concernant un éventuel voyage du pape Léon XIV au Cameroun. Une visite qui, loin d'être une simple célébration religieuse, cristallise les tensions entre l'Église catholique et le régime de Paul Biya.

Jeune Afrique a pu constater que l'absence de communication officielle du gouvernement camerounais contraste brutalement avec les préparatifs fastueux qui avaient entouré les visites de Jean-Paul II et Benoît XVI. Cette discrétion inhabituelle traduit, selon nos sources au sein de la diplomatie vaticane, un malaise profond. "Le Saint-Siège attend des garanties que le gouvernement camerounais peine à fournir", confie un diplomate proche du dossier qui s'est exprimé sous couvert d'anonymat auprès de Jeune Afrique.

Le message lapidaire adressé par Monseigneur Andrew Nkea Fuanya, président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun, à Jeune Afrique est révélateur : "Je sais qu'il y a des échanges avec le Saint-Siège [...] Pour le moment, je ne peux pas m'exprimer davantage". Une prudence qui tranche avec l'enthousiasme habituel des prélats camerounais.

Jeune Afrique a appris que le Vatican surveille de très près l'évolution politique du Cameroun depuis l'élection présidentielle contestée d'octobre. La nomination récente par Léon XIV de Ronald Hicks, prélat ouvertement critique envers les politiques migratoires de Donald Trump, comme archevêque de New York, a envoyé un signal clair : ce pape n'hésitera pas à défier le pouvoir temporel.

"Le choix du nom Léon XIII par le nouveau pontife n'est pas anodin", explique à Jeune Afrique un théologien spécialiste de la doctrine sociale de l'Église. "C'est une référence au pape qui a forgé la doctrine sociale catholique, celle qui place la justice et la dignité humaine au cœur de l'action de l'Église."

L'enlèvement de deux prêtres le 15 novembre à Ndop, suivi de la prise en otage de quatre autres religieux partis négocier leur libération, a marqué un tournant. Jeune Afrique révèle que la réaction du pape Léon XIV, qui a exprimé son "immense tristesse" et sa "grande douleur", a été accompagnée de démarches diplomatiques discrètes mais fermes auprès des autorités camerounaises.

"Le Vatican exige des résultats concrets sur la sécurité des religieux dans les zones anglophones avant toute visite papale", nous confie un membre de la Curie romaine. Cette exigence s'ajoute aux préoccupations du Saint-Siège concernant la gestion de la crise anglophone, huit ans après son déclenchement.

Si Jeune Afrique a pu constater des divergences au sein de l'épiscopat camerounais entre partisans de la fermeté et tenants de la modération, une ligne rouge semble unir la majorité des prélats : le refus de cautionner des résultats électoraux jugés peu crédibles.

La relation privilégiée entre Monseigneur Nkea et le pape Léon XIV, révélée par Jeune Afrique, pourrait jouer un rôle déterminant. Les deux hommes ont travaillé ensemble lors du Synode sur la synodalité en octobre 2023, et le prélat camerounais aurait même été reçu en audience privée par le nouveau pape peu après son élection. Une proximité qui pourrait influencer la décision finale du Vatican.

Pour le régime de Paul Biya, une visite papale représenterait une forme de légitimation internationale bienvenue après une élection contestée qui a fait au moins 16 morts et conduit à plus de 800 arrestations. Mais pour l'Église catholique, comme le souligne un prêtre interrogé par Jeune Afrique, "la mission de vérité ne peut se négocier, même avec le pouvoir politique".

Le Vatican se trouve donc face à un dilemme : maintenir le dialogue avec un régime catholique historiquement proche du Saint-Siège, ou affirmer ses principes au risque d'une rupture diplomatique. La décision qui sera prise dans les prochaines semaines, promet mi-janvier Monseigneur Nkea à Jeune Afrique, dessinera les contours d'une nouvelle ère dans les relations entre l'Église et les pouvoirs africains.

Source: www.camerounweb.com