Face à l'état de santé critique de l'ancien ministre de la Santé publique Urbain Olanguena Awono, actuellement détenu, les élites et chefs traditionnels de la Lékié ont décidé d'intercéder directement auprès du président Paul Biya. Une démarche humanitaire qui place Etoudi face à un dilemme délicat entre justice et compassion.
L'émotion est à son comble dans la région de la Lékié. Urbain Olanguena Awono, ancien ministre de la Santé publique du Cameroun, voit son état de santé se dégrader dangereusement en détention. Une situation qui a poussé une importante délégation d'élites et de notables de sa région natale à solliciter l'intervention du Chef de l'État.
Les notables de la Lékié, terre d'origine de l'ancien ministre, tirent la sonnette d'alarme. L'état de santé d'Urbain Olanguena Awono serait désormais "critique" et "fragile", selon les informations qui filtrent de son lieu de détention. Une dégradation inquiétante qui nécessiterait des soins médicaux urgents et appropriés, que les conditions carcérales ne permettraient pas d'assurer convenablement.
Cette situation préoccupante a poussé les dignitaires de Monatélé et des environs à sortir de leur réserve pour interpeller les plus hautes autorités du pays.
La délégation composée de chefs traditionnels et d'élites de la Lékié a décidé de s'adresser directement au président Paul Biya, qu'ils appellent le "Père de la Nation". Leur requête est claire : obtenir une mesure de clémence et une grâce présidentielle qui permettrait à leur "fils" de recevoir les soins médicaux appropriés à son état.
Cette démarche s'inscrit dans la tradition camerounaise où les communautés régionales s'organisent pour défendre l'un des leurs dans les moments difficiles, particulièrement lorsque la vie est en jeu.
Au-delà du cadre judiciaire qui a conduit à la détention de l'ancien ministre, les chefs traditionnels de la Lékié placent délibérément leur demande sur le terrain de l'humanité et de la solidarité nationale. Leur argumentaire se veut avant tout compassionnel, invoquant la dignité humaine et le droit fondamental à des soins de santé décents.
"Il ne s'agit plus d'un dossier administratif ou judiciaire, mais d'une question de vie ou de mort", confie un membre de la délégation sous couvert d'anonymat. Pour ces notables, quelle que soit la faute reprochée à Urbain Olanguena Awono, sa vie ne doit pas être mise en danger par des conditions de détention inadaptées à son état de santé.
Cette mobilisation place désormais le président Paul Biya face à un choix difficile. D'un côté, la nécessité de maintenir l'autorité de la justice et de ne pas donner l'impression d'un deux poids, deux mesures dans le traitement des dossiers judiciaires. De l'autre, l'impératif humanitaire et la tradition de clémence présidentielle qui a souvent caractérisé le chef de l'État camerounais dans des situations similaires.
Tous les regards sont désormais tournés vers Etoudi. Le président accordera-t-il cette main tendue au nom de la cohésion sociale et de la compassion ? Ou considérera-t-il que le cours de la justice doit suivre son chemin sans interférence, même dans des circonstances humanitaires ?
L'affaire Urbain Olanguena Awono dépasse désormais le simple cadre administratif ou judiciaire pour toucher la fibre sensible de l'opinion publique nationale. Les réseaux sociaux bruissent de commentaires sur cette mobilisation, certains y voyant une démarche légitime de solidarité régionale, d'autres s'interrogeant sur l'équité du traitement des détenus selon leur statut social.
Cette mobilisation intervient dans un contexte où 963 personnes arrêtées lors de la crise post-électorale d'octobre 2025 sont toujours détenues, situation que Mgr Samuel Kleda, archevêque de Douala, a récemment dénoncée comme "anormale" pour la cohésion nationale.
La santé d'un ancien ministre devenu prisonnier, l'intercession de toute une région auprès du Chef de l'État, le poids de la tradition face à l'exigence de justice : l'affaire Olanguena Awono cristallise les tensions entre plusieurs logiques qui traversent la société camerounaise. La réponse du palais présidentiel sera scrutée comme un signal politique important sur la manière dont le pouvoir entend gérer ces situations délicates à l'intersection de la justice, de la santé et de la cohésion nationale.