Élection présidentielle : finalement, quelle est la meilleure solution pour les partis ?

Cameroonelections Presidential Le sujet de l'institutionnalisation

Mon, 19 May 2025 Source: www.camerounweb.com

Le refus de l'institutionnalisation : le boycott de 2020 comme gage de survie et de durabilité du MRC dans le champ politique camerounais… Par Serge Éric Dzou.

Dernièrement M. Dougueli affirmait dans un texte que : "dans la mise en œuvre de sa stratégie pour la conquête du pouvoir, un parti politique devrait éviter tout dogmatisme et se montrer rassurant. Pour rassurer il doit s'institutionnaliser".

S'institutionnaliser par formalité, une corde au cou de l'ambition nationale de tout parti. De manière générale, s'institutionnaliser désigne le processus par lequel l'on se dote, ou l'on acquiert une place au sein d'une institution en s'y maintenant. Au Cameroun, c'est l'intégration des institutions placées sous le contrôle absolu du régime lui-même partisan, jusqu'à confusion entre les deux.

Jusqu'ici, tout semble simple et normal. Seulement, les institutions démocratiques sont l'émanation d'une coexistence diverse et plurielle. Dans le cas de l'institution parlementaire, dépositaire du pouvoir législatif, la nécessaire cohabitation montre la prédisposition à la maintenir dans une fonction d'assimilation. C'est le régime qui procède subtilement par annexion.

Les institutions que sont le parlement et les CTD sont des armes politiques, au sens concurrentiel, entre les mains du régime. En dépit d'être une chambre d'enregistrement, le parlement est un champ de recrutement progressif des alliés pour le régime. À bien observer, le régime en question ici n'est pas nécessairement le RDPC, qui n'est lui-même qu'un pendentif pour la bureaucratie patrimonialiste adossée à la respiration d'un individu. Le patrimonialisme traduit l'acte habituel de transformation des biens et services publics, en patrimoine privé.

En s'institutionnalisant dans ces conditions, aucun parti ne peut s'appliquer une discipline aussi rigide que nécessaire lui permettant de garder son homogénéité. Si oui les formations confinées dans un champ électoral réduit et à caractère communautaire. Ou encore seul le RDPC l'outil partisan du régime, car tel est le but de la manœuvre.

Observons bien que tous les partis importants ayant eu une ambition nationale après le retour du multipartisme, sont soit passés à l'alliance avec la majorité (l'UNDP, l'UPC), soit confrontés à une chute d'influence dues à de multiples crises et divisions internes (l'UNDP, l'ANDP, le FSNC, le SDF) soit les deux, l'un entraînant l'autre (l'UNDP, l'UPC). La conséquence pour tous ces partis étant cet institutionnalisme d'accommodation qui arrive à neutraliser l'ambition nationale des formations politiques comme un habitus d'adaptation à une cartographie politique et électorale de confinement communautaire. Observons bien toutes les formations politiques institutionnalisée. L'UDC, malgré son effort d'extension au-delà du Noun natal de son charismatique fondateur, notamment au Sud, au littoral et au centre, elle n'a toujours été réduite qu'à une capacité électorale communautaire, quand bien même des résultats lui auraient été favorables dans la CTD de Kyeossi.

Cette institutionnalisation est à la fois matérielle, mais elle vise également à construire une évidence dans les consciences : Seul le parti du régime dispose d'une intention et d'une capacité nationales.

Quid des trajectoires historiques des partis institutionnalisés dans ce contexte ?

Les institutions politiques camerounaises n'obéissent pas à l'idéal de co-construction républicaine, ni de réalisation consensuelle respectée, mais sont, a contrario, des instances d'adhésion à portion limitée pour la nuance, la différence et la concurrence.

Le procès sommairement fait au SDF sur son boycott des législatives de 1992, semble injustifié et infondé. Ce dernier n'ayant pas participé aux élections, cela n'a pas empêché les partis d'opposition d'avoir le bénéfice de la comptabilité majoritaire parmi les élus.

Les analystes ont toujours cru bon de devoir blâmer le SDF pour son boycott, omettant que sa participation aurait peut-être cristallisé une partie importante de l'électorat induisant de ce fait une division dans l'électorat des deux pôles importants de l'opposition dans cette élection incarnée par le SDF et l'UNDP. Précisons que la consultation suivante de 1997 a vu une chute des chiffres de l'UNDP avec le retour du SDF. Rien ne peut non plus assurer qu'avec la participation du SDF le jeu d'alliance mis en place entre le RDPC et le MDR ne se serait arrêté qu'à ce dernier ?

Mieux encore, entre le 1er mars et le 11 octobre 1992, qu'est-ce qui justifie qu'une coalition solide se soit structurée autour d'un parti et de son chairman boycotteurs des élections législatives passées seulement sept mois plus tôt ?

La proclamation officielle de ces élections fait état d'une différence de 4,01 % entre Biya et Ni John Fru Ndi.

Entre 1996 et 1997, le SDF fait son entrée tant dans plusieurs conseils municipaux qu'il contrôle, mais aussi à l'assemblée nationale. Cette période signe aussi paradoxalement le début du déclin du SDF. Il ne s'agit pas de suggérer que le parti aurait dû demeurer en mage des institutions, mais le parti a clairement choisi de se soumettre à une logique institutionnelle produite par la bureaucratie du régime. Les cadors (SDF et l'UNDP) n'ont pas pu peser à l'AN, pour influer sur la révision de la loi électorale, si bien qu'ils ont boycotté l'élection présidentielle du 12 octobre 1997. Depuis cette période, tout semblait indiquer l'institutionnalisation d'une distribution des quasi fiefs, qui correspond également à une consécration des partis à compétences locales exclusives. Voilà donc les mastodontes du phénomène partisan au Cameroun, définitivement réduits à leurs bases ethno communautaires (UPC, SDF, UNDP). Et les perceptions sont moulées par des laborantins du régime qui prescrivent des concepts performatifs à l'opinion exacerbant la méfiance (perpétuation d'un legs colonial) contre certains groupes communautaires. Résultat de courses, le fief dévolu au SDF est sinistré par une guerre civile depuis 2016, et malgré sa possession d'un groupe parlementaire, le parti n'a jamais réussi à inscrire ce problème à l'ordre du jour de l'agenda parlementaire. Le seul parlementaire qui a eu l'audace de s'imposer au perchoir pour décrire le ressenti d'une partie de la nation sur cette question, s'était mis le régime à dos. Il s'est retrouvé directement en exil avant la fin de son mandat, pour avoir dit au lieu où il faut le dire ce qu'ils éludent, bien qu'il soit protégé par le principe de l'immunité parlementaire. Les collègues du même groupe parlementaire sont demeurés institutionnalisés et ont reconduit l'institutionnalisation sous ce régime de strangulation de leur parti.

La dernière fois que monsieur Dougueli a posé sa plume sur un sujet du SDF bien institutionnalisé c'était à la faveur de quelle actualité ?

Tous les partis institutionnalisés sont pris dans l'étau de la carotte et du bâton. Et celui qui refuse de cette institutionnalisation est cousu sous une camisole de force de figure du déviant social et politique.

Le PCRN, un parti institutionnalisé qui coche toutes les cases du parti menant une politique cohérente, par un leader cohérent, n'en est pas moins perpétré en son sein dans un bicéphalisme de facto. Avec d'une part un président fondateur reconnu par le Minat, et d'autre part le président consacré par une la décision de justice issue du TPI de Kaele.

Observons que dans ce cas aussi, s'institutionnaliser veut dire se rendre l'obligé des "propriétaires" des institutions. Le leader et les cadres du jeunisme institutionnalisé n'auraient jamais disposé de la liberté de fonder leur propre organisation partisane. Ils ont le mérite de n'avoir pas cédé au découragement. Seulement, vers quelle issue ont-ils été précipités, sinon vers une réalité contrôlée par ceux qui contrôlent l'institution et l'institutionnalisation ?

Le cas de l'UPC est particulier. Il s'agit d'un patrimoine qui a la légitimité historique de réconciliation des camerounais. L'histoire lui donne raison face à cette guerre dans les régions anglophones, et bien d'autres choses. Sa mémoire agit comme une mauvaise conscience pour le régime, et un risque d'influence nationaliste pour la puissance derrière le régime. Or l'upcisme est et doit être partagé entre les camerounais, pour que la politique ne soit plus vidée de sa substance idéologique, et n'accorde la prédominance qu'à l'intérêt national.

La polarisation qui s'impose à l'épreuve du refus d'être institutionnalisé

La polarisation sociopolitique c'est la solidification des positions politiques et sociales différenciées par des acteurs de divers bords. La polarisation n'exclut pas le dialogue et la coopération.

Dans le cas du Cameroun, la polarisation constitue une déclaration de guerre pour les contrôleurs absolus des institutions. S'institutionnaliser pour un pôle qui parvient à conserver sa discipline est un parcours du combattant, tant le mandat représentatif ne lie pas les élus, et la corruption constitue une arme de destruction massive dans le champ politique camerounais.

La polarisation sert d'outil de démarcation pour le MRC. Il s'agit d'une polarisation nécessaire et composite. Nécessaire parce qu'elle structure l'opinion sur le jeu d'antagonisme du champ partisan. Composite parce qu'elle est l'émanation de plusieurs facteurs dont l'application d'une marginalisation par la violence symbolique et matérielle institutionnalisée. Il y 'a une désignation politique de la figure de l'ennemi intérieur. L'autre facteur est l'usage intelligent par le MRC de l'hostilité permanente contre lui. La dialectique des intelligences consiste à exposer le régime tout en ne lui donnant aucune possibilité d'annexion (s'institutionnaliser).

L'influence que le MRC et son leader ont sur la scène politique est indéniable. Au niveau de la préfectorale c'est l'interdiction systématique des manifestations. Pour les médias, il ne se passe presque pas de dimanche où le débat politique se fait sans publicité bonne ou mauvaise pour le MRC et son leader. Les soutiens soudain du régime aux démissionnaires et exclus du MRC sont un signe que pour un tel parti, s'institutionnaliser sans la maturité et la fermeté nécessaires pour garder une homogénéité de corps et de vision politique, aurait été une erreur.

À la conquête des perceptions visant à maintenir le monopole du caractère national de son parti, il n'aurait pas manqué d'appliquer sa recette de localisation communautaire des autres partis.

Pour illustrer cette simulation, en 2013, le MRC remporte dans les urnes au moins trois communes sur sept à Yaoundé (Onambele Zibi, un patriarche cacique du régime, autochtone de Yaoundé l'a avoué quelque temps avant sa mort). Le MRC a également remporté les élections dans la commune de Deuk dans le Mbam et Inoubou qui appliquait un vote sanction contre le pouvoir pour son oubli de cette commune. De tels scores que le parti n'avait pas fait à l'ouest, tant il n'était qu'encore en phase d'implantation. Le seul siège obtenu à l'AN le fut de haute lutte, car dans les disputes d’un partage mal apprécié par un camp entre le RDPC et le SDF, l'un des camps a vendu la mèche en exposant le stratagème.

Les partis disposant des élus méritent d'être respectés, mais il faut aussi reconnaître qu'ils ne disposent pas de marge de manœuvre ou d'une influence impactant les institutions dans lesquelles ils siègent. En fait, le pouvoir est situé ailleurs et c'est un fait indéniable qui s'affirme désormais sans complexe. Le baptême de l'édifice symbole du pouvoir législatif au nom du chef de l'exécutif en est l'illustration à juste titre.

Même s'il y'a comme un partage de bon sens politique à faire croire aux uns et aux autres que boycotter une élection est contreproductif, il faut le dire, le cas échéant il ne s'agit pas d'un caprice, c'est un gage de survie et une clé pour le développement avenir du parti.

Ce qui est par contre inédit, c'est qu'en sept ans la conquête des esprits s'est faite jour pour jour. L'influence d'un parti déclaré mort et enterré s'est plutôt démultipliée et gagner en croissance dans un contexte d'hostilité politique contre lui. Faut-il rappeler qu'il a subi la dissuasion et la violence de tous les appareils idéologiques et répressifs de l'État tout ce temps ? Contre lui, les discours de diabolisation les plus extrêmes possibles avec des éléments de langage radicaux "MRC- BAS- Ambazonie", préconiser un coup d'État au cas où le MRC arriverait au pouvoir. Tribaliser à outrance avec le levain discursif et inclusif de ceux qui savent lire dans une boule de cristal : "un bamiléké ne sera jamais président".

L'effet escompté de la polarisation entre le MRC qui a été en marge de l'institutionnalisation tout ce temps, et le régime qui confisque le processus d'institutionnalisation, c'est le contexte de transition incontournable : "Tout empire périra". Le temps du déclin pointe à l'horizon, et l'épouvantail d'une force partisane tombe progressivement, comme à Bertoua et Maroua. Et surtout le régime a été si personnifié qu'il a fini par se convaincre de son éternité, il a du mal à se reproduire, il baigne dans l'incertitude. De toutes les façons il se dessine un interstice qui constituera une source d'incertitude exploitable pour tous les acteurs politiques préparés à la concurrence. Soyez juste attentif et participatif de ce qui arrive très prochainement.

Source: www.camerounweb.com
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