Le Premier ministre Ousmane Sonko a dévoilé vendredi un nouveau plan de relance économique pour le Sénégal (PRES), s'engageant à financer 90 % de cette initiative à partir de ressources nationales et à éviter tout endettement supplémentaire.
Ce plan, qui vise à stabiliser les finances de ce pays d'Afrique de l'Ouest qui a commencé à produire du pétrole et du gaz l'année dernière, intervient alors que le Sénégal est confronté à des difficultés financières et à une surveillance accrue en raison de déclarations erronées concernant le montant réel de sa dette.
Le plan de redressement économique et social visant à réduire les dépenses publiques et à augmenter les recettes, s'inscrit dans une " vision de refondation économique, adossée à la souveraineté nationale, à la justice sociale et à la transparence dans la gestion des ressources publiques."
Il a pour objectif de ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB d'ici 2027, contre 12 % en 2024.
Il prévoit notamment la fusion et la réduction des institutions publiques, ce qui, selon les estimations du gouvernement, pourrait permettre d'économiser environ 50 milliards de francs CFA, ainsi que la suppression des exonérations fiscales dans certains secteurs, en particulier dans l'économie numérique, largement non imposée.
Les leviers identifiés pour générer des ressources internesLe PRES repose sur trois piliers fondamentaux : la souveraineté économique, l'équité sociale et la rationalisation de la dépense publique. Il s'articule autour de mesures concrètes telles que :
Parmi les mesures annoncées figurent la réduction des charges et du train de vie de l'Etat, la réduction des coûts des voyages à l'étranger, la taxation de niches de financement "sous-fiscalisées" comme le numérique, le "mobile money", les jeux de hasard et en ligne, ou le foncier.
La renégociation des contrats dans le pétrole, le gaz et les mines, la réduction des frais d'eau et d'électricité dans l'administration publique et un ciblage des bénéficiaires des subventions dans l'énergie font aussi partie des volets de ce plan.
Le Premier ministre a évoqué la réorientation du budget de l'État vers les services essentiels (éducation, santé, formation professionnelle) et la fin des dépenses superflues et protocolaires. Il a également plaidé pour un dialogue économique ouvert et permanent avec les acteurs du secteur privé, afin de bâtir une économie résiliente et inclusive.
Pour redresser l'économie sénégalaise, il mise sur un financement majoritairement endogène avec une batterie de mesures sur trois ans.
Le chef du gouvernement a aussi évoqué une réduction de la taille de l'État et une meilleure optimisation des dépenses, ou encore un appel public à l'épargne qui a déjà commencé ces derniers mois.
Le gouvernement cherche ainsi à adapter ses politiques aux besoins quotidiens des citoyens tout en préservant l'intérêt général.
A l'origine, le Sénégal avait pris cette mesure pour limiter l'âge des véhicules importés dans le but de réduire la pollution atmosphérique et de garantir un parc automobile plus sûr. Cette politique s'est progressivement ajustée au fil des années, en fonction des contextes économiques, sociaux et politiques.
Historiquement, en 2000, le président Abdoulaye Wade avait fixé une limite stricte à 5 ans. En 2012, son successeur Macky Sall avait relevé cette limite à 8 ans, avant de la ramener à 5 ans en 2019. Toutefois, face à une forte pression populaire, la limite a été à nouveau portée à 8 ans, illustrant les tensions entre impératifs environnementaux et réalités économiques et sociales.
« Le Premier ministre, ancien inspecteur des impôts, semble reproduire un réflexe professionnel mal adapté au rôle de chef de gouvernement », déplore Thierno Bocoum sur sa page Facebook.
« Il fait de la fiscalité l'outil principal d'un redressement qui devrait d'abord passer par l'investissement, la confiance et la stimulation de l'activité productive. »
Selon le Rapport d'exécution budgétaire du premier trimestre 2025, l'investissement public a chuté de 30,3 % par rapport à la même période en 2024. Pendant ce temps, le gouvernement ambitionne de faire passer le taux de pression fiscale de 16,9 % à plus de 20 % du PIB, sans accompagnement massif de politiques de relance.
« Cela signifie que l'État investit moins mais prélève plus », résume Thierno Bocoum.
Au lieu d'un plan ambitieux d'injection de capitaux dans les secteurs stratégiques — agriculture, industrie, numérique, emploi des jeunes — le gouvernement semble avoir opté pour une stratégie de mobilisation fiscale accrue. Une orientation qualifiée d'« économiquement contre-productive » par les deux hommes.
« Les gens vivent au jour le jour. Toutes ces taxes annoncées seront répercutées sur des consommateurs qui sont déjà en mode survie. Nul ne sera épargné, même les quelques abonnés à Netflix », fustige de son côté, Abdou Mbow, député de l'APR, parti de l'ex président Macky Sall.
« Une véritable stratégie de redressement doit passer par la reconstruction des moyens de subsistance, l'amélioration de l'accès au financement et aux marchés, la relance des investissements productifs », écrit Abdou Mbow.
« Ce qu'on nous a présenté, c'est du PowerPoint en lieu et place de politiques publiques solides. » conclut Mbow.