Cela fait 17 mois officiellement que le journaliste est mort en détention. Les résultats de l’enquête prescrite par le chef de l’État restent toujours attendus.
Me Ewule Lywanga, l’avocat de la famille de Samuel Wazizi, est pessimiste sur les promesses faites par les autorités camerounaises de faire la lumière sur le décès, dans des circonstances troubles, du journaliste. C’est le 2 juin 2020 que sa mort a été officiellement annoncée alors qu’il était en détention entre les mains des forces de défense et de sécurité engagées dans la crise sécuritaire des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. L’avocat espère que la Commission des droits de l’homme des Nations-unies qu’il a saisie depuis plus d’un an va contraindre les autorités camerounaises à faire la lumière dans cette affaire.
17 mois après, le flou persiste toujours sur les causes du décès de l’employé de la Chilen Music Television, alors qu’une enquête pour faire la lumière sur ce décès avait été prescrite par le président de la République en juin 2019. Compte tenu de cette situation, Me Ewule Lywanga pense que même la dépouille de son client n’existe plus, contrairement aux déclarations du responsable de la communication du ministère de la Défense. Dans une émission télévisée, celui-ci avait affirmé que le corps de Samuel Wazizi est à la morgue de l’hôpital militaire de Yaoundé. Plus tard, il ajoutera que la dépouille avait été scellée suite à l’enquête prescrite par le président de la République « Depuis le décès de Wazizi, aucun membre de la famille ni les avocats n’ont jusqu’à présent aucune preuve que le corps est gardé à la morgue de l’hôpital militaire de Yaoundé. Nous pensons que ce corps n’existe plus. La famille n’a jamais pu organiser le deuil parce que nous attendons la restitution du corps, qui devait intervenir après les résultats de l’enquête prescrite par le président de la République », affirme l’avocat. Lequel a réussi à nous mettre en contact avec un membre de la famille qui préfère rester anonyme.
Ce proche du disparu soutient que depuis l’annonce du décès de son frère, la famille attend au moins que justice lui soit rendue. Il espère une justice en leur faveur qui leur permettra d’organiser les obsèques du journaliste. Le chef de la Division de la communication du ministère de la Défense n’a pas répondu à notre message dans lequel nous demandions les résultats de l’enquête prescrite par le chef de l’État. Une source sécuritaire affirme « qu’étant donné que l’enquête a été prescrite par le Haut commandement, il revient uniquement au président de la République de déterminer le moment où ces résultats seront communiqués au public ».
La promesse du ministre face aux députés
En avril 2021 lors d’une plénière devant l’Assemblée nationale, le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense avait affirmé que le journaliste Samuel Wazizi a été arrêté le 3 août 2019 dans la région du Sud-Ouest pour intelligence et complicité d’actes de terrorisme. « Après avoir été transféré à Yaoundé pour investigation, il est malheureusement mort à l’hôpital militaire des suites de septicémie. Une enquête a été ouverte sur haute instruction du chef de l’État », précisait Joseph Beti Assomo.
Lors d’une audience, l’ambassadeur de France au Cameroun déclarait avoir interpellé le chef de l’État pour que la lumière soit faite sur ce décès. Une disparition qui, selon Reporters sans frontières, va à l’encontre des dispositions de l’article 19 sur la déclaration universelle des droits de l’homme, qui dispose : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit » Le décès de Wazizi a suscité une vague d’indignations au sein de la corporation des journalistes.
L’ONG Reporters sans frontières est montée au créneau pour exiger une enquête indépendante. Le Syndicat des journalistes du Cameroun (SNJC), avait décidé de lancer des mouvements de protestation dans plusieurs villes du pays pour exiger que lumière soit faite suite à ce décès. Denis Nkwebo, le président du SNJC, affirme que les mobilisations initiées par le SNJC dès la mort du journaliste avaient pour objectif d’amener les autorités à faire la lumière sur cette affaire. Il ajoute que les mobilisations ont été suspendues compte tenu du caractère complexe de l’affaire.
Depuis le déclenchement de la crise anglophone en 2016, au moins trois journalistes ont été emprisonnés pour complicité avec les séparatistes. Plusieurs autres ont été enlevés et tués par les groupes armés. Le 2 novembre 2021 était journée internationale pour mettre fin à l’impunité des crimes contre les journalistes. A l’occasion de cette commémoration, plusieurs organisations internationales ont attiré l’attention des autorités camerounaises sur l’importance de protéger les journalistes.