Interrompu pendant 45 jours afin de permettre aux avocats commis d'office pour la défense de prendre connaissance du dossier, le procès de l’ancien président tchadien Hissène Habré a repris lundi devant le tribunal des Chambres africaines extraordinaires (CAE) à Dakar au Sénégal.
Comme ce fut le cas les 20 et 21 juillet derniers à l’entame de ce procès, l’accusé a refusé non seulement de comparaître, mais a rejeté tout contact avec ses trois avocats commis d’office par le tribunal. Maintenu au dépôt du tribunal par quatre surveillants pénitentiaires, Hissène Habré refuse de se présenter devant la barre.
Face à ce refus, le procureur Mbacké Fall demandera au tribunal d’«user des prérogatives du Code de procédure pénale pour faire comparaître l’accusé». La collégialité, dirigée par le Burkinabè Gustave Gberdao Kam, a aussitôt commis un huissier pour servir à l’ancien chef de l’Etat tchadien une «sommation à comparaître immédiatement».
Devant son refus insistant, il sera finalement amené de force devant la barre. Son entrée dans la salle d’audience a entraîné une certaine confusion, d’autant plus que ses partisans, qui tenaient à dénoncer l’usage de la force par ses geôliers, ont manifesté bruyamment leur mécontentement. Certains d’entre eux ont du être évacués manu militari de la salle.
Dans un propos dur, l’ancien président déchu qualifiera la Cour d’«organisme illégal, hors la loi», avant de lancer par la suite : « A bas l’impérialisme!» Son conseil, dirigé par Mes Ibrahima Diawara et François Serres, a brillé par son absence à l’audience d’hier.
Mais, dans un communiqué publié dimanche, les deux avocats ont fait savoir que leur client « ne reconnaît ni les Chambres africaines extraordinaires, ni les avocats commis d’office qu’il a refusé de recevoir, au motif qu’ils ne sont là que pour sauvegarder les apparences d’une parodie de justice et ne sauraient prendre la parole contre sa volonté.»
Par contre, les trois avocats commis d’office par la Cour pour sa défense ont bel et bien répondu présent. «Hissène Habré n’est pas notre client, mais nous allons le défendre», ont déclaré ces derniers. Détenu depuis deux ans au Sénégal où il vit depuis son renversement en décembre par Idriss Déby Itno, Hissène Habré est poursuivi pour «crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes de torture».
Des crimes qu’il aurait commis durant son règne de 1982 à 1990 à travers la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), sa police politique, qui aurait fait 40.000 morts, selon les estimations d'une commission d'enquête tchadienne.
2 446 parties civiles tchadiennes ont été auditionnées par les juges des CEA et 100 victimes et témoins devront prendre la parole au cours de ce procès. Agé de 73 ans, l’accusé risque entre 30 ans de réclusion et les travaux forcés à perpétuité.