Actualités

Sport

Business

Culture

TV / Radio

Afrique

Opinions

Pays

Kamto président de la République: voici ce qui manque au leader du MRC

Le MRC a une faiblesse

Ven., 16 Sept. 2022 Source: The Politics Hebdo

« Franck Biya, est d’une discrétion exceptionnelle, contrairement aux progénitures d’autres dirigeants en Afrique et même dans le monde, et cette discrétion joue en sa faveur dans la course à la succession. Je suis pour un système Monarchique de type Parlementaire, avec un Chef d’état (ou même un monarque) qui règne sans gouverner. En 2011, le Président avait fait un pas avec le droit de vote des Camerounais de la diaspora, mais sa promesse de 2009 à Paris sur la question de la double nationalité n’est pas toujours d’actualité … »

Pouvez-vous vous présentez à nos lecteurs ?

Je tiens d’emblée à vous remercier pour cette opportunité que vous m’offrez de m’adresser à mes compatriotes. Je suis Eric Nguemaleu, Camerounais résidant en Belgique depuis plus de deux décennies, expert en droit de l’homme et politiste spécialisé dans les affaires européennes. Je suis le fruit de l’Université de Louvain, de l’Université de Liège, de l’Université de Namur, et de l’Université Saint-Louis de Bruxelles.

Je suis un leader connu de la diaspora pour mon implication dans l’organisation et l’animation de plusieurs débats scientifiques.

Je suis membre fondateur des organisations telles que le CODE, la Fondation Moumie, ancien Secrétaire Adjoint et ancien Président de La Ligue Belgo-Africaine pour le Rétablissement en Afrique des Libertés Fondamentales (Actuel CEBAPH).

Comment avez-vous accueilli la récente visite du Président Français au Cameroun, qui a snobé le Cameroun pendant son premier mandat ?

Le Président Macron a choisi le Cameroun pour sa première tournée après sa réélection, contre sa volonté, mais simplement à cause des enjeux actuels (politiques, économiques, géostratégiques surtout). Le Cameroun est le mastodonte de la zone CEMAC, sa position géostratégique (importance des ports de Douala et de Kribi) est importante pour la France, encore plus en ces périodes d’instabilité au Tchad et en RCA.

Il faut rappeler que Sarkozy durant son unique mandat n’est pas venu au Cameroun, Hollande n’est resté que 5 heures chez nous, et pouvait justifier cette escale éclair par la signature d’un contrat important pour son pays.

Il faut dire aussi que l’opinion en France, ne voit pas d’un bon œil toute longévité au pouvoir, la crainte d’être sanctionné aux urnes n’est pas à négliger, et peut aussi expliquer le choix de calendrier des deux prédécesseurs de Macron, et sa non visite lors de son premier mandat. S’afficher dans notre pays avec le chef de l’Etat avant sa réélection, pouvait lui couter son deuxième et dernier mandat.

La monté des autres puissances à travers de multiples projets et partenariats économiques avec le Cameroun a poussé Macron à bouger un peu, au risque de se faire chiper totalement les pions par les pays tel que la Chine, la Russie, et même son voisin allemand. Il mesure l’impossibilité pour la France de rompre avec la Françafrique et essaie juste d’en changer les stratégies, de s’adapter aux circonstances actuelles. Toutefois, la situation politique au Mali et en RCA, la récente visite avec fruits, de notre Ministre délégué à la Défense à Moscou, mais aussi la crise en Ukraine ne sont pas étrangères à cette visite de 48 heures de Macron au Cameroun.

Le Président Biya, sans tourner définitivement le dos à la France diversifie ses partenaires dans tous les domaines (sécurité, économique, militaire…). Néanmoins, malgré cette diversification, la France reste et demeure un partenaire de haut rang.

Quels ont été les raisons de votre départ du Cameroun et quel lien vous avez gardé avec le Cameroun ?

Je suis allé à l’étranger m’instruire pour plus tard venir aider mon pays. Je n’ai jamais perdu un quelconque lien avec le Cameroun où je suis régulier et impliqué à tous les niveaux.

Comment comprendre la montée en puissance du panafricanisme et du sentiment anti français en Afrique en général et au Cameroun en particulier ?

Un mariage, malgré sa durée qui ne profite qu’à une seule personne dans le couple fini toujours par se saborder. Les jeunes en Afrique et au Cameroun particulièrement communiquent entre-deux, grâce au NTIC, ils ont un regard sur le monde, ils suivent l’actualité et sont aujourd’hui mieux outillés et informés qu’avant, ils lisent les accords concluent par le passé avec la France et comprennent que nous avons été dupé durant de nombreuses années, raison pour laquelle, les Africains veulent essayer d’autres relations, c’est l’expression d’un ras le bol total.

Depuis quelques années, les relations entre les camerounais de la diaspora et les camerounais d’ici sont asses tendus, souvent violents, comment vivez-vous cette situation ?

Je ne partage pas cet avis, les relations entre les camerounais de la diaspora et ceux de l’intérieur ne sont pas tendues, bien au contraire.

Il y a une bonne frange de la diaspora qui est opposé au régime du Président Paul Biya, et c’est leur droit. Cependant, ce que je leur reproche à titre personnel, c’est l’utilisation de la violence, qui pour moi est contre-productif. Les violents et extrémistes de tous bords connaissent ma position. Chacun doit être libre d’exprimer ses pensées et soutenir la formation politique de son choix, sans avoir peur des représailles. Le Cameroun est notre bijou commun et nous devons le protéger.

Comment appréciez-vous la diplomatie camerounaise vis-à-vis de sa diaspora en particulier et la politique internationale du Cameroun en général, est-il enfin possible pour le Cameroun d’éviter cette situation à défaut de l’atténuer ?

Le Cameroun peut mieux faire pour se réconcilier avec cette grande partie de sa diaspora qui boude. Lejeune Mbella Mbella, actuel ministre des Relations extérieures, que j’ai eu la chance de rencontrer durant ses 9 ans passées en France, est bien placé pour donner les indications au Président de la République. En 2011, le Président avait fait un pas avec le droit de vote des Camerounais de la diaspora, mais sa promesse de 2009 à Paris sur la question de la double nationalité n’est pas toujours d’actualité. Le Cameroun gagnera selon moi à instaurer officiellement la double, voire la pluri nationalité pour réparer les injustices, pour cela, le code de nationalité doit être révisée.

Les autorités gagneraient également à faciliter les activités import-export à sa diaspora, la facilité quant à l’acquisition des terres, faciliter les investissements….

Même cette diaspora qui boude ne déteste forcement pas le Président, elle n’est pas d’accord avec sa gestion, et s’y prend mal à mon humble avis pour revendiquer. Il n’est pas facile de détester Paul Biya, nous n’avons connu que lui, c’est notre papa malgré toutes les divergences, à lui de tout faire pour laisser en héritage un meilleur Cameroun à ses enfants de l’intérieur et de l’extérieur.

Quel est selon vous l’origine de la Guerre dans le NOSO, et comment régler définitivement ce problème d’après vous ?

Officiellement, on parle de crise liée aux langues coloniales, c’est une crise que nous pouvions éviter, car elle résulte selon moi d’un déficit de communication.

Par le dialogue, nous sommes capables de tourner la page de crise, continuons à prôner l’apaisement, asseyons-nous et discutons, il n’est jamais trop tard pour revenir à de meilleur sentiment, et comme je dis toujours, la guerre, on sait quand elle commence, mais on ne sait jamais quand elle prend fin.

Au regard des turbulences que traversent le Cameroun ces dernières années, quelle serait selon vous la meilleure forme de gouvernement ?

Personnellement, l’Afrique en général et le Cameroun a besoin de stabilité, et cela passe par la stabilité de nos institutions. Les élections coutent de l’argent et nous divisent d’avantages. Je suis plutôt pour un système Monarchique de type Parlementaire, avec un Chef d’état (ou même un monarque) qui règne sans gouverner, ainsi le vrai pouvoir sera accordé au Premier Ministre issu du Parti Majoritaire à l’assemblée (avec les possibilités de faire des coalitions) qui fera le travail. Que vaut réellement la démocratie, si elle n'est pas précédée d'une population éduquée, instruite, auto-suffisante et en bonne santé. Toutefois, quelques postes régaliens clefs seront entre les mains du Chef de l’Etat (défense, sécurité). La diplomatie, la monnaie et la justice seront gérées par le Chef du gouvernement, qui toute fois informera le Chef de l’Etat ou le monarque de sa feuille de route. La répartition des pouvoirs sera clairement inscrite dans la Constitution. Nous pouvons copier ce qui se passe ailleurs et qui marche, la forme de l’Etat en Grande-Bretagne, en Italie, en Belgique, en Allemagne…

Le discours de la Baule de Mitterrand, sur le pluralisme politique en Afrique noire francophone, tenu dans un contexte historique qui ne nous concernait pas (à la suite de la chute du mur de Berlin en 1989) pas nous a causé plus de tort que de bien.

Les Capétiens ont régné dix siècles en France de 987 à 1792 (d’Hugues Capet à Louis XVI), et sont à la base de la grandeur et des acquisitions territoriales de la France, de l’histoire du droit, des institutions…Malgré la pratique de la monarchie dite de droit divin (un pouvoir exercé sans partage parce qu’il vient de Dieu), la France sous la République a largement bénéficié des acquis de la Monarchie pour avancer en tant qu’Etat. Les Britanniques quant à eux, après plusieurs siècles de luttes entre les Monarques (des Stuart au Saxo-cobourg-gotha) et le Parlement, et une petite parenthèse républicaine (1653-1658) sous le Lord-protecteur Olivier Cromwell (unique Chef d’Etat d’Angleterre) ont définitivement adopté la monarchie Parlementaire et depuis lors ça marche jusqu’à nos jours.

La démocratie, telle que pratiquée chez nous actuellement est contreproductive, nous n’y étions pas préparés, nous ne sommes pas encore prêt, et j’assume mes positions.

Comment entrevoyez-vous la transition au Cameroun, quel serait le profil du futur Président, que pensez-vous de Franck Biya et du Frankisme ?

Les camerounais aiment la paix et leur pays. Nous sommes témoins des instabilités causées par la guerre dans le NOSO, et dans les autres pays.

Pour être sincère, le RDPC a 56 ans d’existence (pour rappel le RDPC né en 1985 au Congrès de Bamenda, n’est autre que le prolongement de l’UNC crée en 1966) à de fortes chances de mener de mains de maitre la transition, à moins qu’il se fragilise de l’intérieur.

Le MRC du Pr Kamto est un adversaire sérieux, mais il n’est pas bien implanté dans tout le territoire. L’honorable Cabral Libii du PCRN est un leader jeune, travailleur et ambitieux, capable de faire des alliances, quel que soit la formation politique selon les contextes.

Le futur Président doit être une femme ou un homme jeune, dynamique, travailleur, discret et surtout maitrisant les grands dossiers. Il doit aller vers les camerounais, être sur le terrain quotidiennement, et visiter le pays profond. Je n’en sais pas plus que vous du Frankisme, mais de Franck Biya, je peux tout simplement dire qu’il est d’une discrétion exceptionnelle, contrairement aux progénitures d’autres dirigeants en Afrique et même dans le monde, et cette discrétion joue en sa faveur dans la course à la succession. Certains disent qu’il n’a jamais occupé une haute fonction, c’est vrai officiellement, mais ça ne fait pas de lui un inapte politique, puisqu’il est l’homme de l’ombre et également conseillé de son père depuis des années, il n’est pas ignorant des grands dossiers et a son mot à dire lors des grandes décisions, à 51 ans, il n’est pas un enfant. C’est son droit, en tant que Camerounais de rêver de la magistrature suprême, mais pour cela, la constitution devrait être respectée.

Le RDPC peut-il survivre à Paul Biya redoutez-vous l’après Paul Biya comme

certains, comment voyez-vous le Cameroun de demain ?


La survie ou la mort du RDPC dépendra de ses cadres, mais avec autant d’années d’expériences et d’exercices, sa probabilité de survie est élevée. Mais s’il venait par exemple à perdre les élections, son unité pourra voler en éclats, le mythe RDPC pourra ainsi se fissurer, surtout avec certains prisonniers milliardaires.

On ne sait jamais avec certitude les lendemains du départ d’un baobab, le cas de la Cote d’ivoire après le départ de Félix Houphouët Boigny doit nous parler.

Quel que soit la personne qui viendra après, elle n’aura pas la tâche facile, elle ne pourra bâtir le pays autour d’un seul Parti, il lui faudra rassembler tous les grands partis qui comptent, la société civile, les forces vives de la diaspora et faire un gouvernement d’union nationale.

NB: Eric Nguemaleu, Camerounais de la Diaspora est un expert en droit de l’Homme et politiste spécialisé dans les affaires européennes.

Source: The Politics Hebdo