Un paysan camerounais de Socapalm va témoigner contre Bolloré en France

Bolloré Ciel Terre Leboss Vincent Bolloré, patron du groupe Bolloré

Sat, 31 Mar 2018 Source: teleobs.nouvelobs.com

Le 3 avril se tiendra le deuxième round du procès Bolloré contre France Télévisions. Curieusement, un syndicaliste camerounais, appelé à témoigner a eu le plus grand mal à obtenir un visa.

C’est un témoin dont Vincent Bolloré se passerait bien. Venu tout exprès du Cameroun, il sera présent, le 3 avril prochain, au Tribunal de Grande Instance de Nanterre qui examinera la plainte pour diffamation déposée par l’homme d’affaires, furieux contre le documentaire que lui avait consacré France 2, en 2016 (1).

Emmanuel Elong est président de la Synaparcam (syndicat des paysans riverains de la Socapalm). Il pourra raconter sans le filtre journalistique les réelles conditions de travail dans les palmeraies qui n’appartiennent pas à Bolloré mais dans lesquelles celui-ci détient une forte participation. C’est la première fois qu’un paysan camerounais viendra témoigner dans un des nombreux procès Bolloré.

L’un des intérêts du documentaire de Tristan Waleckx et Matthieu Rénier, couronné du prix Albert Londres, était d’ouvrir une fenêtre sur les activités africaines de Bolloré, curieusement moins mises en avant que l’Autolib. Et pour cause : certaines scènes écornent sérieusement l’image du businessman. On y voit des d’ouvriers récoltant, en tongs et avec des gants troués, des noix à partir desquelles est produite l’huile de palme. Le travail est très physique et le salaire ridicule : "à peine un euro par jour" selon le commentaire.

Les journalistes ont manifestement touché un nerf car Bolloré avait publiquement fustigé leur travail , lors de l’assemblée générale des petits actionnaires: "Je ne sais pas si vous avez vu 'Complément d'Enquête' (...) Le moment le plus important, celui qui fait pleurer les chaumières : on voit un type sur un tracteur, il a un gant troué et il dit : 'Vous voyez ça ?

M. Bolloré, il veut pas me donner de gants". Certains salariés avaient assuré, face caméra, être mineurs. Bolloré avait démenti, toujours devant les petits porteurs : "Il y a des huissiers qui sont partis sur place. Et j'ai les exploits d'huissiers avec moi. Donc le jeune homme qui avait soi-disant 14 ans, il a 20 ans ! Et il a été payé pour dire qu'il avait 14 ans !"

La défense de France 2 aurait aimé faire témoigner des ouvriers mais, au Cameroun, les actes de naissance sont souvent inexistants. Sans papiers, pas de passeport. Et, sans passeport, pas de visa. Les témoignages figurent dans les rushes du reportage. Il s’en est fallu de peu que Emmanuel Elong, président de la Synaparcam, ne soit pas là non plus. Certes, il n’est jamais simple de faire venir un témoin de l’étranger mais, là, ce fut particulièrement compliqué : curieusement, le consulat français lui refusait le visa considérant, selon Me Juliette Felix, avocate de France Télévisions que "les pièces justifiant sa venue en France n’étaient pas fiables.

On ne sait pas pourquoi le consulat de Douala a douté, dans un premier temps, du sérieux de sa demande". Or, non seulement ce témoin possède les papiers nécessaires (il est déjà venu en France) mais il avait la citation délivrée au Parquet de Nanterre pour venir témoigner ainsi que l’invitation de l’entreprise publique France Télévisions. Il a fallu "en déployer, de l’énergie" dit l’ancien bâtonnier, Me Jean Castelain, qui assurera la défense de la chaîne.

(1) Cette audience est la deuxième après celle du 26 mars devant le tribunal de commerce où Vincent Bolloré attaquait pour dénigrement et réclamait 50 millions de dommages et intérêt

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