Au marché Mokolo de Yaoundé, un nouveau vent d’artiste musicien souffle. Les voyants et les non voyants chantent et dansent, question de récolter quelques francs des âmes généreux.
Avec les tam-tams, les flûtes, les lecteurs Cd et Dvd, des enceintes acoustiques sans oublier leur sébile pour la quête, ils chantent et jouent des airs religieux, du makossa, du dombolo, de la salsa, entraînant une foule de curieux. Certaines personnes semblent bercées par leur douce mélodie et le spectacle gratuit qu’ils offrent au point d’oublier leurs courses. Nos jeunes débrouillards ciblent le plus souvent le coin des fripiers et des revendeuses («Bayam-sellams»), des lieux de rassemblement par excellence.
Bertrand, un mal-voyant de 20 ans, arrive le matin avec son groupe et ils se dirigent vers les «Bayam-sellams» : elles sont les plus généreuses vis-à-vis des handicapés. «C’est avec la musique religieuse que nous avons conquis le cœur des ‘’maters’’. Elles nous accompagnent en chœur, et ne manquent pas souvent d’esquisser quelques pas de danse quand nous chantons. Elles nous encouragent toujours et remplissent nos sébiles de pièces», explique Bertrand. Pour reprendre les paroles du célèbre orchestre Poly-rythmo du Bénin, «débrouiller n’est pas voler. Qui n’a pas travaillé n’a pas droit au salaire…»
Ces jeunes gagnent ainsi leur vie et ne semblent pas se plaindre. Leur gain par jour oscille entre 3000 et 10.000F, confie Bertrand : «C’est plus facile, pour nous, d’engranger en chantant au marché. Imaginez qu’une personne vous motive avec 100F. 10 personnes, c’est déjà 1000F. Avant la fin de la journée, et vu tous les tours que nous faisons, au moins 50 personnes font un geste.»
Il n’y a pas de sot métier, a-t-on coutume de dire. René s’est approprié cet adage. Résidant au quartier Etoudi, il se déplace chaque matin pour Mokolo «[s]e chercher» selon le jargon des jeunes. «J’ai compris qu’il ne faut pas avoir honte quand on cherche de l’argent, explique-t-il. Je suis un bon danseur. J’ai un puissant déhanché et un merveilleux passement de jambes !» Muni de deux enceintes et d’un lecteur Dvd qui attire les foules à travers le marché, il danse au rythme du makossa, du dombolo, de la salsa et même du rock and roll.
René se produit toujours au milieu d’une foule et les vendeurs du coin ne s’en lassent pas de lui. «Ce gars distille de la bonne humeur par sa façon de secouer les reins et les jambes. Et il le fait toujours avec un large sourire», rapporte un vendeur de chaussures. René est le danseur principal du trio. Il est orphelin, et a des cadettes à nourrir.
C’est lui qui a eu l’idée de rassembler ses amis, qui l’accompagnent à longueur de journée pour ses spectacles ambulants et en plein air. Ses propres gains quotidiens vont au-delà de 3000F. Son groupe est structuré, comprenant un diffuseur de son, le danseur et le collecteur d’argent.