L’artiste musicien camerounais-souffre. Souffrances dues à de mauvaises conditions de vie et à une négligence de la part des institutions étatiques. Que de morts d’artistes dans des conditions difficiles à élucider. Agressions, règlements de compte, abandon, overdose, alcoolisme, schizophrénie…, sont des causes prétendues de ces multiples décès à répétition dans le monde musical. Serait-ce le fait de leur vie de misère ?
L’on s’interroge. Pourtant, qu’il soit peintre, comédien, écrivain, sculpteur, chanteur, danseur ou musicien, l’artiste est une icône dont le statut devrait être mieux considéré. Pris singulièrement, l’artiste musicien est un rassembleur, un moralisateur. Et en tant que vedette, il est alors observé, et tous les aspects de sa vie intéressent.
Cependant, au Cameroun, et c’est l’épine qui fait pourrir le pied, la gestion du droit d’auteur ne réjouit pas les bénéficiaires. Que ce soit l’absence de paiement ou le paiement tardif, c’est la débrouillardise chez eux. Mais sont-ils exempts de tout reproche ? Boites de nuit, consommation de drogue, alcool, sont quelques dérives auxquelles sont exposés des artistes. Les artistes du monde musique sont le plus souvent loin des modèles et des idéaux décrits dans leurs œuvres artistiques.
Face à tout cela, le silence du ministère en charge des Arts et de la Culture est souvent décrié. Que dire des organismes en charge du droit d’auteur à l’instar de la Société nationale camerounaise de l’art musical qui cherche toujours à se faire du chemin ? Les musiciens ne peuvent-ils pas entrevoir, comme ailleurs, des solutions conjointes afin d’améliorer leur propre statut ? Des questions auxquelles InfoMatin essaye d’apporter des réponses, au lendemain du décès de l’artiste Nkodo Si Tony, laissant les nombreux mélomanes sans voix.
Ils sont nombreux à avoir fait les beaux jours de l’art musical au Cameroun. Mais presque tous sont dans le dénouement et luttent contre la mort. Malades, ils courent de banque en banque, de porte en porte, à la recherche du moindre pécule. Cette tendance malsaine s’est encore vérifiée avec le décès de l’artiste Nkodo Si Tony, le 21 décembre 2021 au centre des urgences de Yaoundé. Ces derniers jours, des images de l’artiste malade et couché sur un lit d’hôpital avaient le tour des réseaux sociaux.
L’auteur des chansons cultes « Métil wa » et « Mba Mvoe » était de retour au pays depuis quelques années et confiait à Cameroon Tribune ses déboires sur le vieux continent dans une interview datant de 2019. « Il aurait pourtant tout lâché. Une fracture du pied droit, alors qu’il allait en.studio (en Angleterre), l’aura éloigné de la scène durant 03 ans. Il a échappé à l’amputation, il rie marchait pas. Son épouse Jacqueline était fort heureusement là », relayait le quotidien national. Deux ans plus tard, Nkodo Sitony n’est définitivement plus.
Il rejoint ainsi Ngué Laroute, Aloa Javis, morts il y a un an, ou encore Tino Baroza, décédé dans la nuit du 03 au 04 avril 2019 dans la pauvreté la plus abjecte, rongé par la maladie. Cela n’a pas empêché que quelques heures seulement après leur mort, de nombreuses personnalités ont tenu à leur rendre des hommages appuyés.
Indifférence totale. En remontant le temps, l’on se souvient que Jean Bikoko Aladin, le “pape” de l’Assiko est mort, le 22 juillet 2010, dans la pauvreté et l’abandon. Mekongo Présidente virtuose de la musique camerounaise a rendu l’âme le 11 octobre 2014, abandonné à lui-même (folie et problèmes psychiatriques). Lisa T, grande voix du Makossa est morte (le 20 juin 2017) dans l’indigence et l’abandon. Sala Bekono, le chantre du Bikutsi est passé de vie à trépas, le 16 mai 1999, dans le dénuement total. Cheramy de la capitale, la première star de la musique Camerounaise a cassé son micro le 11 mai 2011, oublié de tous et dans l’indifférence totale.
Anne Marie Nzié, la diva de la musique camerounaise est morte, le 24 mai 2016, dans la pauvreté. Pierre De Moussy, la grande vedette du Makossaa disparu de ce monde, le 26 janvier 2018, dans l’indigence. Charlotte Mbango, la diva du Makossaa quitté la scène, le 2 juin 2009, abandonnée de sa famille artistique.
Ali Baba, père du “Tchatcha Méringué” est mort dans la pauvreté. Archangelo de Moneko est décédé sans recevoir un centime alors que ses œuvres sont abusivement utilisées depuis des décennies à la télévision nationale. Hoïgen Ekwalla et Chantal Alima Stone ont été honteusement plagiés par de vedettes internationales, mais il n’existe pas de structure pour prendre leur défense (l’un étant décédé et l’une vivant dans la pauvreté extrême en France).
On connait aussi dans quelles conditions sont morts : Roger Bekono, Fam Ndzengue, Serge Minsi, Samson Chaud gars. Finalement, la disparition de certains artistes révèle l’extrême indigence de nos artistes (musiciens) et rend inéluctable la mise en place d’une prévoyance sociale (congés, retraite, assurance maladie et décès).