La passion l’a porté si haut et il développe extraordinairement son art au jour le jour.
Fils de pauvre, l’époque où il baladait les chèvres dans son village natal Baham est loin derrière mais constitue tout au moins le socle de son évolution.
Influenceur, blogueur, Designer, ce ne sont pas les casquettes qui manquent à ce férus de la mode et du style.
Defustel Ndjoko s’est forgé, partant de rien. Ce camerounais fier de ses origines, surfile ses projets et les sollicitations diverses et pas des moindres, sont la preuve qu’il est largement à la hauteur.
Entretien avec le camerounais Defustel Ndjoko, qui partage avec nous, sa vie, ses projets, sa vie…
Bonjour DeFustel. Bienvenue au Cameroun, bienvenue chez toi chez nous. Bienvenue à la maison.
Bonsoir. Merci. Le plaisir est vraiment pour moi. Je suis vraiment à la maison. Je suis chez moi…
Ta venue au Cameroun est en rapport avec la conférence de presse que tu as donné il y’a quelque jour à l’hôtel Hilton. De quoi s’agissait-il concrètement?
Effectivement, je suis Designer pour quelques lignes dans certaines maisons. Ça fait quelques temps que je travaille et que je mets ma propre collection sur le marché qui s’est écoulée un peu partout dans le monde.
Je me suis dit c’est bien que ça se passe comme ça pour moi mais la seule chose qui manque, c’est la reconnaissance de mes frères et soeurs camerounais. Je suis venue chercher cette chaleur et me présenter en toute humilité au peuple camerounais, dire je suis là et voilà ce que je fais.
Quel était véritablement le contenu de cette rencontre avec la presse nationale?
Je suis venu avec les collections. Mon nom c’est la première collection de chez Roberto Boticelli. La deuxième collection de chez Roberto Boticelli toujours. Ma collection de lunettes de chez Mondelliani.
Mon projet d’implantation avec Tombolliani pour les costumes. Donc, je suis venu avec les créations. Et si possible, trouver des distributeurs qui puissent mettre cela à la disposition du public.
Defustel Ndjoko, quand on entend ce nom et quand on te voir sur les réseaux sociaux, on sent qu’il y’a de la matière. Et pour avoir de la matière, il faut qu’il y ait une histoire et quand on parle d’histoire on parle de genèse. D’où viens-tu et quand es-tu parti en mbeng?
Je viens de Baham (Village de l’Ouest Cameroun, ndlr) j’y ai fait une partie de mon école primaire et puis après c’était Bafoussam pour une partie des études secondaires.
Après Bagangte où j’ai eu mon plus prestigieux diplôme cest à dire le BEPC ! Apres celà, je me suis retrouvé à Yaounde comme beaucoup de jeunes qui ont le même parcours que moi, de pouvoir y exercer comme vendeur ambulant dans un pousse à Mokolo (marché populaire de Yaounde, ndlr) durant à peu près 4 ans.
Et je vais dire pour être terre à terre, je suis sorti du pousse pour aller en Europe. J’ai laissé cette activité commerciale pour aller en aventure en Europe. C’est un parcours aussi simple, il n’est pas très dense mais simplement fait de ces petites escales un peu à gauche et à droite.
Quel est le véritable déclic qui te permet d’aller en Europe?
Je n’ai pas vraiment de déclic. C’est comme beaucoup de jeunes. Je ne lisais pas très bien l’avenir. Normalement, j’étais un enfant qui accumulait tous les handicaps pour ne pas réussir.
Ce que je vous ai dit précédemment me prédisposait à rester en bas de l’échelle. Il y’a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Et il y’avait de fortes chances que je sois dans le rang des appelés.
J’ai eu beaucoup de chances. Mes frères m’ont aidé, je suis parti et je me suis promis simplement de ne pas décevoir ceux qui m’ont aidé et m’ont fait confiance en me jetant dans ce bain de l’aventure parce que ça l’était vraiment.
Il n’y a pas vraiment eu de déclic, juste des personnes qui m’ont aidé. Et je me suis dit j’ai une opportunité d’être quelqu’un, socialement, de prendre des responsabilités familialement et peut-être éventuellement de vivre d’une passion qui était ancrée en moi.
Tu as une volonté d’imposer ta marque à l’international. Qu’est ce qui te pousse à étendre cet empire qui commence à grandir déjà ?
Je suis transcendé par la passion ; mais aussi par mon parcours qui est un élément qui détermine mon avenir. Je suis mu par une volonté de démentir par cette réalité qui veut que, quand tu es né dans une famille très pauvre, quand tu as grandi au village, quand tu n’as pas de diplôme, tu es voué forcément à être en bas de l’échelle.
C’est quelque chose qui me pousse toujours à aller au-delà de mes limites. Et dans mon cheminement, j’ai fait quelques belles rencontres que j’ai transformé en opportunités et puis je m’investis toujours deux ou trois fois plus que ce qu’on me demande. Et avec le recul, je vois que quelques-uns de mes choix étaient pas mal.
En parlant d’opportunités, quelles sont les personnes ou les personnalités qui t’ont aidé durant ton cheminement pour être là où tu te trouves aujourd’hui?
La première personne qui m’a fait avoir le déclic, c’est un monsieur qui m’a vu un jour dans la rue comme ça, j’étais habillé de manière banale. Il m’a pris une photo et m’a dit ce mec « Tu as quelque chose.
Il s’appelle Clyde Baron. Je l’appelle aujourd’hui mon père spirituel même si on a des conflits stylistiquement parlant, peu importe c’est normal ! J’ai beaucoup de défauts mais l’une de mes qualités c’est ma capacité d’absorption, je suis vraiment comme une éponge.
Je continue toujours à le faire. Je regarde ce que les autres font, je m’inspire et avec beaucoup d’humilité, je me rapproche d’eux, j’apprends. Je me cultive beaucoup pour pouvoir ressortir ça artistiquement parlant.
Donc, au final il y’a quelques personnalités qui m’ont marqué : Théo Wougui, américain d’origine Haïtienne ; il a une marque qui s’appelle Brooklin Circus qui m’inspire beaucoup par son humilité, par son travail et par sa disponibilité à aider les gens à monter plus haut. Ce qui m’intéresse dans ce milieu c’est vraiment les valeurs humaines.
Je suis un peu dans ce milieu sans y être car tout le côté ronflant ce n’est pas trop mon truc. Il n’y a pas grand monde qui me marque dans ce milieu, j’essaie juste de faire mon petit chemin.
Quand on parle de Defustel Ndjoko, quand on parle de mode, on a le souci du détail véritablement. Quelles sont les matières que tu apprecies le plus, quelles sont tes styles de prédilection en tant qu’expert?
Le style italien me plaît parce qu’il y’a ce qu’on appelle la fameuse Sprezzatura qui est cette nonchalance et cette négligence à l’italienne mais souvent arrangée.
Par exemple, mettre une veste et ne pas fermer les manches de chemise, le fait de mettre les bracelets qui me rend cool, malgré que je m’habille de manière stylée. Cette nonchalance italienne me donne de la marge en terme de créativité et d’introduction du port d’éléments africains dans mon vestimentaire.
Je ne parlerais pas de matière mais du confort qu’on peut avoir dans un vêtement, de la manière dont le vêtement épouse nos formes. Je pense que toutes les matières sont bonnes, à condition qu’on s’y sente bien.
Quand on parle de style et de mode, il y’a aussi le Pitti Uomo. Événement qui rassemble les grands du milieu auquel tu participes souvent. Qu’en penses-tu et quelle est ton expérience de cet événement ?
(Sourire) C’est une belle expérience absolument positive. C’est un salon que je ne pourrais plus manquer pour rien au monde. C’est le salon le plus prestigieux au monde qui regroupe au même endroit, les créateurs, les maisons les plus pointues en terme d’innovations, en terme de conservation même de tradition sartoriale ; les égéries ; les icônes; les journalistes ; les plus belles maisons.
C’est ce salon là qui concentre tous ces éléments et tous ces différents corps de métier au même endroit pendant 4 jours à Florence. Là-bas aussi se trouvent les hommes qui pensent être les plus élégants au monde.
C’est une expérience absolument magique parce qu’au Pitti Uomo, tout le monde est au même pied d’égalité. On vient voir les tendances, mettre les tendances en lumière, faire ou défaire les tendances. Au Pitti Uomo, on fait ou on défait les tendances du vêtir masculin ! C’est vraiment un endroit où il faut être pour moi, deux fois par an.
C’est la vitrine de ce que nous faisons. C’est la quintessence de ce que nous faisons en terme de style, de recherche du beau.
Comment est-ce qu’un black comme toi, camerounais et donc un africain en général, arrive-t-il à imposer son empreinte dans un tel milieu?!
Je suis perçu positivement. J’ai eu la chance d’entrer dans une maison parce que j’avais probablement quelque chose qu’ils recherchaient. Je ne peux pas vous dire pourquoi?
Donc Roberto Botticelli… Le fait d’être dans cette maison si prestigieuse avec une maison à mon nom, m’a ouvert les portes de beaucoup d’autres maisons. Soit d’Allemagne, d’Angleterre, de France et des États-Unis, les propositions arrivent régulièrement.
Évidemment, je ne vais pas dire que les gens ne me regardent pas avec condescendance ou en disant que j’ai pris leur boulot. Mais bon, c’est normal ! Quand on va dans un pays qui est très conservateur comme l’Italie ou dans un monde conservateur comme la mode, Il y’a toujours des petites craintes, de petites réticences…
Ce qui importe pour moi, c’est quelle image en tant que noir, je laisse dans ce milieu par rapport à mes frères et soeurs qui pourraient un jour pousser la porte de ce milieu-là, afin qu’on ait un a priori positif.
Quand j’ouvre une porte, je mets un parpaing ou un morceau de pierre pour la caler, qu’elle ne se ferme pas derrière moi complètement. Je prends mon travail comme une mission de defrichage de terrain par rapport aux autres qui arrivent…
J’ai suffisamment à faire que d’écouter ou entendre ce qu’on me dit. Des fois sur les réseaux sociaux, il y’a aussi des réactions mais bon ce sera comme ça. Au plus, je vais être fort, être connu, au plus j’aurai des réactions comme ça. Ce n’est pas un souci…
Tu t’es imprimé des valeurs, au vu de la vie que tu as vécu, et tu es retourné à la base, en reconstruisant l’école de ton enfance, pour redonner de ce que tu as reçu et donner encore plus à tes origines au vu de ta richesse d’expérience et ton vécu pour que les enfants puissent peut-être faire mieux un jour… Que veut apporter Defustel Ndjoko aujourd’hui, pour que les jeunes puissent aussi apprendre et peut-être faire mieux un jour?
C’est toujours ce qu’on souhaite des plus jeunes ; d’aller au-delà de là où nous nous sommes arrêtés nous autres. Souvent quand les journalistes me demandent les choses pour lesquelles je suis le plus fier, je leur réponds qu’il y’a deux choses : D’avoir eu la possibilité de fonder une famille et le fait d’avoir eu le privilège de reconstruire cette école.
Donner c’est un véritable privilège. Il y’a des gens qui ont des moyens et qui n’ont même pas capacité de donner.
Ils n’ont pas ça comme valeur. Mais moi, j’ai construit cette école, ça m’a coûté beaucoup d’argent mais ça n’a aucune importance… et moi, en tant que Bantou, je pense que chaque fois qu’on parle ou qu’on pense en moi de bien, c’est ce vent positif qui me pousse à aller toujours plus haut, à réaliser ce que je réalise.
Quelque part, je dirai même que donner c’est une manière égoïste de se satisfaire soit même ! C’est un devoir de tendre la main parce que quelque part on nous a aussi tendu la main.
Ce sont mes frères qui m’ont aidé à aller en Europe. S’ils ne l’avaient pas fait, peut-être que je ne serais jamais en train de vivre le rêve qui est le mien aujourd’hui…
Même à l’époque quand je travaillais dans mon pousse, c’est eux qui me l’avaient acheté et m’avaient donné le capital de 100 000 Francs Cfa pour pouvoir commencer et pour développer mon commerce.
Donc j’ai toujours eu une main tendue. Ne pas faire le geste retour, ce serait ne pas être moi, ce serait me travestir. C’est naturel ! C’est vraiment le socle de notre société, de nos valeurs, l’entraide !
L’empathie c’est quelque chose qui m’habite… Moi aussi des conseils on m’en donne encore et c’est normal de continuer aussi à le faire…
Ton mot de fin ?
Extrêmement touché de toute l’attention que la presse au Cameroun dans son ensemble, a portée à mon projet. La réception a été absolument favorable. Je dis simplement que j’ai envie de contribuer avec d’autres acteurs du secteur, à hisser la mode camerounaise à un niveau très connu.
C’est un des rares et grand pays qui n’a vraiment pas de fashion week aussi retentissante, ni de politique en ce domaine, qui n’a pas d’acteurs qui bouge. J’ai envie de contribuer avec tous les acteurs du secteur, à donner à la mode camerounaise, ses lettres de noblesse ; bref à sortir cette mode là des fonds baptismaux.
Je remercie énormément ceux qui me suivent et me soutiennent au quotidien, on en a besoin. C’est un milieu et un boulot pas du tout facile. Merci beaucoup.
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