Emmanuel Chatué : La caméra du petit peuple

27247 XEmmanuel Chatue230716500.pagespeed.ic.jQagbVNflf Photo d'archives utilisée à titre d'illustration

Sat, 23 Jul 2016 Source: Le Jour

En pays bamiléké, la valeur d’un homme se mesure à la taille et la qualité de sa concession. Vu sous cet angle, Emmanuel Chatué est un grand. Au quartier Dja, à quelques encablures de la chefferie Bandjoun, le promoteur de Tv+ a domestiqué un bas fond, sur lequel il a bâti une maison imposante, où l’on n’accède pas sans avoir franchi deux grands portails.

Les passants ne tarissent pas d’éloges sur cet étalage de bonne santé financière, même s’ils ne peuvent pas coller une image sur le nom du propriétaire de Canal 2. L’ingénieur des télécommunications est entré sous les feux des projecteurs en lançant, il y a plus d’une décennie, un groupe de presse comportant une radio à Douala, Sweet Fm, et, surtout, la télévision généraliste Canal 2 International, l’une des plus grosses audiences du pays.

Les spécialistes de la communication disent que Canal 2 International est une chaîne de télévision généraliste axée sur l'information, le divertissement et le sport. Toute première chaîne privée au Cameroun, elle appartient au groupe TV+, lui aussi propriété d’Emmanuel Chatue basée à Douala, au quartier Bonapriso. Proche du pouvoir, cette chaîne est critiquée pour sa propension à traiter des faits divers.

Révolue l’époque où les manifestations publiques étaient retardées pour attendre le déploiement des grosses caméras de la Cameroon Radio Television (Crtv), la télévision à capitaux publics. Conscientes de leur importance, les équipes de reportage de la Crtv faisaient parfois un chantage indécent que les nouveaux acteurs de la scène publique ne supportent plus que difficilement.

Les cameramen amateurs de Canal 2 ont pris la place et sont d’ailleurs mieux traités que leurs aînés formés dans les écoles spécialisées. Et c’est là, le secret de Canal 2, « la télévision du peuple ». Elle travaille avec un réseau de correspondants plus volontaires que formés pour la cause, ce qui renforce bizarrement chez  les téléspectateurs le sentiment que ceux qu’ils connaissent disent plus de vérité que les envoyés spéciaux de la chaîne publique.

Mieux encore, on peut payer pour ses images et les faire diffuser. De nombreuses cérémonies traditionnelles, auxquelles on donnerait difficilement le caractère de nouvelle, peuvent être diffusés pendant de nombreuses minutes, parce qu’on a fait un tour au service commercial. Dans l’imaginaire des populations de l’Ouest, habituées aux fêtes populaires, un tarifaire implicite existe et le cameraman présent peut bien assurer le recouvrement, sans protocole.

Télévision populaire

Selon des anciens employés de la boîte, Canal 2 a démarré ses programmes en 2001, dans des conditions logistiques approximatives. Jusqu'en 2003, date de sa fermeture, la chaîne diffusait essentiellement de la musique. Comme les câblo-opérateurs, elle passe quelques films et des plateaux de discussion, puis des faits divers à partir du quartier Kotto, à Douala.

C'est en 2004, que la  chaîne s'appelle Canal 2 International, annonçant ainsi son nouvel engagement et une envie de marquer l'univers de la communication audiovisuelle. C’est l’entrée de la politique. Et ça marche. Emmanuel Chatué, cablo-distributeur établi avec Tv+ engage dans son aventure des animateurs connus comme Omed Ottou, Donovan Kamga, Clarence Yongo, Jocelyne Nina, les journalistes Serge Bondje, Alex Lembe, Luc Ndob, Suzanne Kala Lobe, Faustin Essomba, Ben Adjali, Jean Célestin Edjangue, Dipita Tongo, Sam Séverin Ango, etc.

Nombre d’entre eux sont des anciens collaborateurs de Tv Max et sont restés avec lui à ce jour. Ils sont polyvalents et oscillent entre la radio et la télé, au gré des nécessités de service. L’émission « caravane mobile Camer.be» incrustre dans l’imaginaire des gens du quartier l’idée de la chaîne de proximité. Canal 2 International monte en puissance.

Elle impose sa flexibilité et son avance technologique sur les autres. On a pu voir, en direct, des obsèques dans la belle-famille du Pdg à l’Ouest ; la chaîne retransmet avec des drones plusieurs meetings populaires, elle est présente au palais de l’Unité lors d’importantes cérémonies protocolaires. Comme on dit chez lui, le Pdg est arrivé.

Mais contrairement à la réputation établie dans les ménages, les conditions de travail ne sont pas les plus favorables. En dehors des responsables, les salaires les plus hauts se situeraient autour de 100.000F. « Il n’existe pas de véritables contrats de travail. Beaucoup d’entre nous sont juste contents de se voir passer à la télé. A la fin du mois, ce n’est pas le sourire en ressortant de la coopérative où on paie », confie un employé, sous anonymat.

Source: Le Jour