« Franko, ton son, c’est la mort!»

Franko  Coller La PetiteFranko

Sat, 24 Oct 2015 Source: lemonde.fr

« Excusez-moi, on ne capte pas la 3G ici ? », s’interroge une cliente. « Madame, ici c’est le Cameroun, on ne connaît pas, si vous sortez, vous capterez. Ici c’est Douala, dehors c’est Paris », rétorque un client.

Bienvenue au Prince, le maquis du moment, un bout de Cameroun en plein XVIIIe arrondissement. Attablés autour d’un porc braisé bien pimenté et d’une Guiness, les clients ont les yeux rivés sur le poste de télé.

Le clip de Franko « Coller la petite » tourne en boucle. « Il faut reconnaître que lorsque tu es en club et que le DJ lance ce titre, dès les premières paroles, tu veux te lever chercher une go et la coller », dit Mpeck, un client.

De son vrai nom Kinguè Franck Junior, Franko est un artiste camerounais de 28 ans, né à Akwa, quartier populaire de Douala, la capitale économique du pays. « J’étais assez turbulent à l’école, j’ai dû souvent changer d’établissement pour finalement me retrouver en internat à Nkongsamba », explique l’artiste, titulaire d’un BTS en management à l’Institut supérieur de gestion des affaires du Cameroun.

Inspiré par ceux qu’il appelle « frères d’arme », l’ex-groupe de rap camerounais Babylone Squad, il décide de se tourner vers une carrière artistique deux ans après son baccalauréat. Suivra un premier album, C’est le rap que tu veux voir ?, qui le fera connaître du public, notamment avec son titre « Les filles d’aujourd’hui » qui cumule aujourd’hui 70 000 vues sur YouTube.

« Au début, les gens n’étaient pas fans de ma musique, ils me trouvaient un peu trop cru. Mais à la longue, explique-t-il, ce premier album m’a valu une nomination au Canal 2’OR », une cérémonie où sont récompensés les artistes camerounais.

Parier sur les télés

Il attendra septembre 2015 pour connaître le succès avec son titre phare « Coller la petite ». « A la suite des critiques du premier album, j’ai voulu faire danser les gens », confie l’artiste. D’ordinaire, la musique urbaine camerounaise peine à trouver son public dans les boîtes de nuit, contrairement aux sons nigérians, ivoiriens ou congolais. Franko fait le pari de lancer sa chanson sur les télévisions.

Il n’a pas eu tort, quelques jours après le passage de son clip sur la chaîne panafricaine Trace Africa, son titre circule déjà dans tous les clubs du pays. Le canal étant diffusé en Afrique et en France, la diaspora africaine s’est emparée du phénomène, poussant les DJ des capitales européennes à se mettre à la page. « J’ai su que mon titre était un succès lorsque mes amis m’ont dit : “Franko, ton son, c’est la mort !” », se souvient l’artiste.

Sa cote de popularité monte en flèche grâce au soutien que lui témoignent de nombreuses stars africaines. Ainsi le footballeur ivoirien Didier Drogba, qui a fait danser les joueurs de l’Académie FC Montréal sur « Coller la petite » et a diffusé la vidéo sur la page de son club, l’Impact de Montréal. Le footballeur camerounais Alexandre Song et le chanteur franco-malien Mokobé ont eux aussi récemment partagé le titre sur leurs réseaux sociaux.

Franko regrette toutefois que ses revenus ne soient pas proportionnels à son succès. « C’est regrettable que je ne puisse pas bénéficier comme j’aurais dû financièrement de ce titre, mais le simple fait de savoir que la chanson est partout dans le monde est déjà beaucoup », se console-t-il. Le chanteur gagne sa vie en se produisant dans les boîtes de nuit camerounaises, et prépare une tournée africaine et européenne pour les prochaines semaines.

Jeudi 22 octobre, son titre dépassait le million de vues sur YouTube en moins de deux mois, un exploit que peu d’artistes africains arrivent à accomplir en aussi peu de temps. Mais faute de structures adéquates, les droits d’auteur sont mal répartis et la piraterie domine. Des carences qui empêchent les artistes camerounais de vivre de leur art. « A la tête de nos institutions culturelles, il faudrait des personnes qui comprennent ce qu’est l’art et non celles qui viennent pour se faire de l’argent », estime Franko.

Tout comme Stanley Enow, autre artiste camerounais qui s’était fait connaître en 2013 avec son tube « Hein père », Franko compte suivre les traces des géants africains, Afrique du Sud, Nigeria ou encore Ghana, et placer son pays sur la carte du rap africain.

Source: lemonde.fr