En 2014, le nom de la jeune artiste Gasha est sur toutes les lèvres de la mediasphere urbaine camerounaise -et même au-delà-. Dans son émission Couleurs Tropicales, le très respecté journaliste Claudy Siar fait l’éloge de la voix chaude et brumeuse de la jeune femme.
Ses touts premiers singles « Kaki Mbere » et « This Life » attirent l’attention des fans inconditionnels de world/soul music en général et d’afrosoul en particulier. Parmi eux, un jeune chanteur camerounais aux notes aiguës décide d’en faire sa porte d’entrée dans le game kamer . Peter Jericho surfe sur la vague et remixe dans la foulée le titre « This Life ».
Le public préfère généralement s’intéresser aux talents du terroir, et Dieu sait combien y en a, néanmoins lorsqu’un compatriote doué, quand bien même de la diaspora, souhaite faire le chemin inverse pourquoi ne pas lui ouvrir les bras.
Il faut reconnaître qu’on a beaucoup de mal à caser Peter Jericho. Il touche à tout, afrobeat, pop, world, r’n’b, trap (non pas trap, mais bon. Presque.).
C’est encore plus difficile avec la métamorphose que connait actuellement la musque en Afrique et dans le monde, artistiquement Peter Jericho se cherche encore et il l’avoue d’ailleurs lui-même dans l’entretien qui suit, il est « encore un élève du game ». On a passé quelques heures avec ce jeune homme, histoire d’analyser son état d’esprit et découvrir ses projets futurs.
TheCamerounist: Tu sembles assez serein. Aucune annonce majeure, aucune déclaration audacieuse sur les réseaux sociaux, mais ta musique est plutôt compétitive, ça fait longtemps que tu es dans cette industrie?
Peter Jericho (PJ): A vrai dire, j’essaie encore de m’imprégner de la façon dont l’industrie fonctionne. Pour ça, pas besoin de déclarations audacieuses. Je veux juste que les gens apprécient ce que je peux produire en terme de musique de qualité.
Le public, s’il apprécie, me suivra sans que je ne sois obligé de le harceler. Je fais de la musique depuis environ 10 ans, mais je suis vraiment entré dans ce business comme un auteur (ou ghostwriter) en 2008 lorsque je place ma première chanson pour Jahfus et le chanteur Ray J au Canada.
Ressens-tu une différence entre l’époque de tes débuts et aujourd’hui? Les personnes avec qui tu as bossé, les endroits où tu as été… Ont-ils eu une influence sur ton évolution en tant qu’artiste?
PJ: Absolument. L’expérience est le meilleur professeur. Aussi, les leçons que j’ai appris en tant qu’homme ont influencé ma musique. Je sais qui je suis et qui je veux être. Vous entendrez éventuellement ces messages dans mes prochains titres.
Comment t’informes-tu sur ce qui se passe au Cameroun en terme de musique, puisque tu es basé aux États-Unis?
PJ: Eh bien, mon équipe [Kreef Entertainment], me tient informé sur pratiquement tout ce qui se passe sur le terrain. Mais j’ai aussi passé un certain temps au Cameroun cette année, j’ai pu rencontrer quelques membres actifs du mouvement urbain. Heureusement, je leur ai fait plutôt bonne impression et ils suivent activement ce que je fais.
Y a-t-il quelque chose qui puisse t’obliger à revenir plus souvent? Les filles? La bouffe ?… Ou même simplement la musique?
PJ: Tout ça. (Rires) Mais je pense que les finances sont le souci majeur. J’ai besoin d’avoir une sorte de profit/intérêt financier si je dois venir au pays. Parce que le billet d’avion là n’est clairement pas à la portée de toutes les bourses. (Rires)
Y a un de tes titres qui a attiré notre attention, surtout parce qu’on retrouve un Peter Jericho hors de sa zone de confort. « Kamer 4 Life » avec Inna Money. Ce titre a une histoire?
PJ: Oui, en réalité, c’est une production de ATM, un ingénieur/producteur camerounais basé en Allemagne. Nos deux labels, Kreef et LSM se côtoient depuis un moment déjà et c’est sur la base de notre relation préalable avec Inna qu’elle a accepté de bénir la piste avec ce couplet hot. Peut-être c’est hors de ma zone de confort comme vous dîtes, mais je suis un auteur-compositeur, ça ne me dérange pas de me balader sur des styles de musiques différents.
Bosser avec des artistes basés au pays et des artistes étrangers, quelle différence ça fait?
PJ: Travailler avec des artistes du continent c’est toujours une bénédiction. Parce que je suis encore un élève du game. Donc, chaque fois que je peux apprendre de quelqu’un, je le fais, ce qui me permet de réajuster ou d’apporter un plus à mon art.
A t’entendre, on devine bien que tu n’apprécies pas qu’on te mette dans des cases.
PJ: Ah, moi ça ne me dérange pas vraiment. La question c’est de savoir si je peux suffire dans la case en question. (Rires)
Parce qu’effectivement les gens qui te découvrent avec ce nouveau titre [Without Love], plus, disons, classique, te reproche de ne pas assez épouser ta culture.
PJ: Je leur demanderais lesquelles de mes chansons ils écoutent. Parce que j’ai sorti plusieurs chansons avec beaucoup d’influences africaines, et d’autres sont en cours de production, et puis, un gars comme Akon a bien été accepté en Afrique, même s’il faisait plus de R’n’B et Hip-Hop qu’autre chose. Je ne pense vraiment pas que les gens devraient avoir autant de mal à m’accepter.
Comment définirais-tu le succès?
PJ: Le succès pour moi ce sont des réalisations « accréditées »
C’est un peu ambigu non? Réalisations accréditées par qui? Parce que l’argent, la gloire, les éloges peuvent être considérés comme une forme d’accréditation non?
PJ: Oui. Je veux dire, on ne peut pas se voiler la face et dire que l’argent et la gloire ne sont pas un lien pour atteindre le succès. Mais pour moi ce n’est pas une fin.
Tu vis uniquement de la musique?
PJ: Oui
Habituellement les artistes de la diaspora ont des jobs à part et font de la musique leur hobby.
PJ: Oui mais pas moi (Rires). J’ai plongé entièrement dans la musique.
Blick Bassy parlait récemment de la disparition de certains procédés qui permettaient de rentabiliser l’industrie du disque. Toi en tant que jeune artiste, comment penses-tu pouvoir obtenir de meilleures résultats dans un tel contexte?
PJ: Je pense, tout d’abord, devoir développer une certaine notoriété auprès du public, cela me donnera l’occasion d’exposer mon héritage et avoir une influence sur d’autres jeunes créatifs. Notre industrie plus besoin de ça que d’autre chose. Le respect de l’art. Les Nigérians ont fait le pas depuis longtemps déjà. Nous devons suivre.
Nous ne demandons pas souvent aux artistes ce qui les inspire. Ce sont des êtres humains qui savent tirer le meilleur de leurs expériences quotidiennes.
PJ: Oui. C’est la vérité. Mais bon, moi j’ai des points de référence quand même. D’autres artistes ont joué un très grand rôle dans mon évolution. Je reçois beaucoup d’inspiration de ma mère et de mon père, je m’inspire de leurs succès.
Des musiciens eux aussi?
PJ: Oui, on peut dire ça. Ils se sont rencontrés dans une chorale, d’ailleurs.
C’est à eux qu’on doit ton souci pour la qualité sonore de ta musique?
PJ: Nah. C’est plus mon background R’n’B et ma technique de chant qui me poussent à faire attention à ce genre de détails.
Certains diront que c’est injuste, parce que tu évolues dans une culture [USA] qui te fournit les infrastructures techniques nécessaires pour atteindre ce niveau.
PJ: Peut-être. Mais c’est authentique à ce que je suis, un camerounais-américain imprégné des deux cultures.
Peter Jericho travaille-t-il sur des projets? Tes fans doivent-ils s’attendre à une exclu avant la fin de l’année?
PJ: Oui. Je travaille sur un EP. Mais je ne veux pas précipiter les choses. Je dois construire l’anticipation. J’essaye des chansons, histoire de voir celles qui fédèrent le plus le public camer. Je tiens aussi à garder développer des relations avec talent camer. De plus je veux encore prendre le temps d’explorer le milieu des professionnels de la musique, afin d’avoir les bonnes collaborations, tant avec les producteurs que les chanteurs. Pas besoin de précipiter quelque chose qui a le potentiel d’être lourd.
C’est une manière plutôt rare de voir les choses pour un artiste. Ton artiste camer favori en ce moment?
PJ: Jovi… A mes yeux. C’est le meilleur. A chaque fois, il m’épate.
Tu sembles préférer les rappeurs aux chanteurs. On aurait plutôt penser qu’au contraire, tu serais attirer par des artistes plus… soft. Plus mélodieux.
PJ: Je suis un parolier moi-même et j’apprécie beaucoup les artistes qui essaient de transmettre un message. Je sais aussi apprécier cette substance qui peut pousser une culture de l’avant. Etant né aux States, je peux vous dire que le Hip Hop est la culture qui a donné naissance à notre style de vie. Nouvelle manière de placer les mots, les tendances, l’attitude, tout ce qui est tendance en matière de fringues, tout ça c’est leHip Hop… Mais quand il s’agit de romance, d’amour et tout, la voix de Charlotte Dipanda me fera toujours fondre. (Rires)