Le 'Mendjang' chante l’appel du village

Orchestre Traditionnel Mendjang Malgré son caractère quelque peu ancien, cet orchestre continue de recruter des inconditionnels

Mon, 2 Oct 2017 Source: quotidienmutations.cm

Un jeune homme, sweater complet bleu nuit, s’avance à reculons sur la piste de danse. Les bras à demi tendus devant lui, il tient un « Kaba Ngondo » dans lequel se trouve une jeune dame qui arbore un sourire béat. Elle, qui le dépasse de deux bonnes têtes, se laisse entraîner dans une protestation molle. Malicieusement, le jeune danseur va ensuite soulever plus haut cette longue robe de style ample prisée par la gent féminine, en feignant de se glisser à l’intérieur.

Sa partenaire rabat prestement sa robe et les deux partent d’un grand éclat de rire. Ce jeu de l’amour, exécuté dans le secret de la nuit tombante, n’a pas attiré l’attention de la quarantaine de personnes présentes dans le patio d’environ 500 m2de cette villa transformée en snack-bar – pour les besoins de la cause – au lieu-dit « stade Abega », quartier Ekounou à Yaoundé.

La plupart des clients se trémoussent à qui mieux mieux sur la piste, ou dodelinent du chef attablés devant leurs bières, et paraissent transportés par la musique endiablée qui s’échappe des haut-parleurs, et qui est jouée par un groupe sur l’estrade. Ce groupe joue du « Mendjang ».



Ici, le « Mendjang », c’est trois hommes derrière autant de pupitres de balafon, un autre sur du « Mbè » – un tambour haut sur pattes – et un chanteur lead accompagné d’un chœur de deux femmes. Le groupe preste pour un public conquis et survolté, qui se trémousse souvent dans des danses suggestives…Le répertoire distillé au rythme des balafons, puise dans les hits du moment qui vont aussi bien du Makossa, du Bikutsi, de l’Assiko, que de la world music et de la musique religieuse. La forte odeur de lambic qui monte de ce lieu en rajoute à une ambiance déjà électrique.

Deux abris-cases, au toit conique fait de paille d’un côté et de raphia de l’autre, achèvent de compléter ce décor traditionnel. C’est bien le but recherché : reproduire une ambiance du village dans un milieu urbain. C’est aussi dans ce mélange de genre que réside tout le charme du « Mendjang » : un orchestre traditionnel qui braconne sur les terres de la modernité. Et cela marche ! « C’est local. Ce n’est pas un disque sur une platine. C’est la culture de chez nous », explique un agent d’un laboratoire public d’analyses médicales rencontré sur les lieux. Il ajoute que « dans ce cadre, on a l’ambiance d’une boîte de nuit sans y être, mais on se défoule autant. On peut acheter au comptoir sans s’asphyxier financièrement ».



A côté de ces quelques considérations bassement comptables, Landry Meboma, co-propriétaire du snack-bar dans lequel joue le groupe de « Mendjang » « Complexe du Levant », explique que l’engouement autour de cet orchestre traditionnel est simplement dû au fait que le public est « nostalgique de ses racines et veut ressentir quelque chose de naturel ». Une opinion que partage Bertrand Ahanda, dit « Petit Bertrand », chef d’orchestre et directeur artistique du « Complexe le Levant ». « La tendance (du Mendjang, ndlr) est encourageante. Le Mendjang s’installe, peut-être parce que c’est un rythme traditionnel », affirme t-il.

Une preuve de l’importance grandissante de cet orchestre selon « Petit Bertrand », qui est « venu tuer le cabaret ». Marcellin Nti, dit « Atchontchi d’Afrique », foundingfather du groupe « Oget New Style », n’en pense pas moins. « Les jeunes veulent surtout le village. Ils veulent d’une musique et d’une ambiance qui gardent cet aspect du village », excipe-t-il. C’est d’ailleurs pour cette raison que son groupe, qui jouait à l’origine de la musique traditionnelle religieuse dans des églises, s’est muté en orchestre « Mendjang » et se produit depuis 8 ans au « bar new Martino » chez Mama Charlotte à Elig-Essono. Prix de la prestation de tous les dimanches de 16h à minuit : 40.000 F.cfa pour les 15 membres d’Oget New Style.

Source: quotidienmutations.cm