L’Assiko est une danse très prisée en pays Bassa, elle fait même partie du répertoire des danses de références que regorge la culture camerounaise.
Mais combien parmi vous savent qu’elle n’est pas une danse traditionnelle Bassa, mais plutôt une danse adoptée par les populations. Très étonnant n’est-ce pas ?
Pendant la période coloniale, les Allemands présents dans le département de la Sanaga maritime décident d’effectuer les travaux de construction du chemin de fer devant relier Edéa et Otelé en passant par Eséka. Pour l’exécution du projet, des personnes issues de différentes communautés y prennent part : les africains de l’Ouest ramenés par les allemands et certains camerounais en majorité Bassa.
Pour faciliter la mobilité des travailleurs sur les lieux du chantier, ils ont construit des taudis tout le long de la voie du chemin de fer. C’est ainsi que tous les soirs après le dur labeur de la journée, les uns et les autres se retrouvent dans les maquis pour s’amuser un peu. Pendant ces soirées, l’animation est assurée par les griots qui chantent.
Près d’eux, un groupe de femmes venues de l’Est qui font le show avec une danse qui suscite de la curiosité, en même temps de l’envie chez les hommes. C’est la danse des femmes Bagna. Les danseuses dans un mouvement électrique de reins et d’un jeu d’orteils particuliers, enivrent le public avec leur prestation très sensuelle. Les mâles assoiffés de désir et de plaisir se laissent aller à cœur joie face à ce spectacle. Mais ces longues nuits de fête, se font ressentir sur l’avancée des travaux.
Il se raconte que, un matin le chef de chantier qui en avait marre de cette situation, se mit à gueuler « C’est ici que ça se passe, au lieu de passer vos nuits à reprendre des forces, vous préférez aller faire les pitres, à mimer les asticots. Grouillez-vous bandes de baladins ! » . C’est ainsi que les expressions asticot et baladins sont devenus populaires. La première devenue Assiko, fait référence à la manière avec laquelle les danseuses se trémoussaient comme des asticots chaque soir et la seconde devenue Baladoun, fait référence aux cheminots qui assistaient à ces soirées dansantes.
L’un des moments qui marquent véritablement l’histoire de l’Assiko, c’est le retour du chef BIDJOCKA BI TUM d’exil. A la fin de la première guerre mondiale, les français sont les nouveaux dirigeants du pays Bassa. Pour éviter toutes tensions avec les populations, ils décident de rétablir le chef BIDJOCKA dans ses droits, au regard de l’influence que ce dernier a sur le village.
Pendant la fête du 14 Juillet 1938 à Eséka, les autorités coloniales vont offrir des présents au chef du Canton dont une guitare à son jeune fils aîné. L’un des frères du même village que le chef Bidjocka préféra passer cette guitare à l’un des baladins de la place afin de préparer les festivités pour les Ndogbessol au village BIDJOCKA. Deux jours plus tard, la population accueille le chef à sa descente de train avec des groupes de danse en liesse au rythme des cris, des tamtam et des balafons.
Le baladin qui a récupéré la guitare a appris à jouer quelques notes en moins de 48 heures. On fit venir des dames des taudis des rails. Le baladin guitariste joua pour la première fois en solo sur 3 cordes et trois notes sur des paroles enflammées. Pour les danseuses, comme le rythme n’y était pas, un jeune percussionniste alla chercher une bouteille de vin, deux fourchettes et donna le rythme qui manquait pour voir ces jeunes femmes onduler comme des asticots à faire pâlir les mâles.
Quelques instants après, le chef de gare s’y mêla avec son sifflet pour encore donner du rythme, en tapant dans les mains au nombre de coups de sifflet. C’était l’effervescence, et surtout quand le guitariste se mit à chanter « Tout le monde, tout le monde, tout le monde, samedi soir… ». C’était vraiment une soirée de fête. Et l’on se souvient encore de cette chanson lors des fêtes du samedi.
C’est ainsi que l’ASSIKO voit le jour. Cette danse a été vulgarisée par Jean Bikoko Aladin, lui, qui tout petit faisait partie de la foule qui avait assisté au retour triomphal du chef BIDJOCKA. Des années plus tard, il est devenu le pape de l’ASSIKO. Grâce à ses prestations, certains Bassa ont fait connaissance pour la première fois avec cette danse que beaucoup juge obscène.
Aujourd’hui, malgré un univers musical concurrentiel, la jeune génération essaye tant bien que mal d’imposer l’Assiko avec des modifications dans le rythme et les pas de danse. Mais pour les doyens, l’ASSIKO se joue avec une guitare accompagnée d’une bouteille qui assure la percussion et d’un sifflet. Pour eux, le talent de SOM ILOUGA n’a jamais été égalé, il est le seul danseur qui ne trichait pas. Il était toujours nu, il portait juste un pagne léger autour de la taille et d’un démembré collant. Et ses prestations faisaient toujours foule, surtout auprès de la gente féminine.
Malgré toutes ses différences de style qu’on remarque dans cette danse, l’Assiko reste l’Assiko.