Lottin Wekape nous replonge dans la quête des origines et montre que l’immigration est la forme la plus redoutable d’aliénation qui puisse exister.
Ce nouveau roman de 214 pages de Lottin Wekape, professeur de lettres, décrit à la fois une identité en crise et une liaison affective. C’est précisément le témoignage de l’asservissement culturel de nombreux jeunes, des Africains en particulier, qui se laissent facilement coloniser par des « vendeurs d’assimilation » qu’ils côtoient quotidiennement.
A travers le drame de cette jeune fille dont les parents adoptifs sont québécois et indienne, Lottin Wekape nous fait revivre le mystère de ces nombreux jeunes apatrides. Presque dans un univers kafkaïen, elle ne découvre sa véritable identité que le jour de ses 24 ans.
Elle est le fruit d’une histoire incestueuse qui fait que son père n’est autre que son grand-père. Inconsolable, elle quitte momentanément Montréal et opère un voyage initiatique en Banane, pays de ses traumatismes, afin de découvrir la vérité sur ses origines ».
Lottin Wekape pose le problème d’identité en cette ère de mondialisation. « Ne vous laissez- plus coloniser par le corps et l’esprit au Canada, résistez farouchement au vendeur d’assimilation (…) Que vaut en réalité un homme qui ne sait pas d’où il vient et qui se contente, malgré tout, de continuer sa marche solitaire dans le néant ? », écrit-il à la page 15.
Tel Œdipe, elle a survécu. Elle n’a pas pu être noyée dans un fleuve à la naissance par les gardes, selon les vœux de son père (grand-père) incestueux. Malheureusement, la douleur, « c’est comme les empreintes digitales, on ne peut pas, dans un élan de solidarité, les partager avec des personnes en peine ».
Usha Maude, la jeune fille doit supporter ses propres empreintes digitales. D’après l’auteur, l’immigration est la forme la plus redoutable d’aliénation qui puisse exister. Il montre que ceux qui bradent généralement leur identité pour aller s’installer en Occident vivent un déchirement intérieur atroce et multiplient moult astuces pour être en contact avec la terre des ancêtres.
Le roman est aussi le récit romancé des tribulations d’un animal, le chat qui allume artistiquement des flammèches d’amours envers son maître, les autres chats. Le lecteur peut être étonné d’un bout à l’autre par une prosopopée, cette figure de rhétorique qui consiste à faire parler une personne morte ou absente, un animal, un inanimé ou encore une abstraction. ….. Ici, le terme chat renvoie soit à son amoureux, soit à l’animal. Maria, la conjointe de Stéphane déteste cette bête et lui, surpris, veut au forceps montrer que le pauvre petit chat a besoin de leur affection.
Un pan sur la politique est ouvert vers la fin du roman, notamment dans « Folle et fille aînée de Kuzuh » (p.193), la jubilation du décès d’un « Sénateur- député-maire », Barthélémy Kuzuh. Ses frasques encore légion dans nos sociétés actuelles sont racontées aux journalistes par une source familiale.
Ce sont les abus sexuels, des disparitions miraculeuses d’enfants dès leur naissance, détournements, etc. Le roman se lit d’un trait ! C’est un prétexte pour interpeller les Africains à une vigilance, appropriation culturelle et politique soutenues.