Malgré son état de santé chancelant, l’artiste musicien qui ne parle pas encore de retraite prépare un Best of écrit le quotidien à capitaux privés Mutations.
Au quartier Bonamikano, à Bonaberi, non loin du lieu-dit «Carrefour centre équestre», Henry Njoh, tout de blanc vêtu comme à son habitude (pantalon assorti d’un démembré et chaussures ouvertes, ndlr), est tenu devant le portail de son domicile. Il attend le visiteur du jour. Il est 13h 30. A distance, difficile d’apercevoir la méforme de l’auteur de «Age d’or», sorti en 1994. De près, le reporter se rend compte que le visage de ce virtuose du makossa au Cameroun a pris un coup de vieux. Son visage laisse apercevoir des rides. De plus, l’artiste parle à voix basse et se déplace à pas lents. Une fois à l’intérieur, notamment dans la salle de séjour peinte en blanc, le climat est différent. Un dispositif de climatisation inverse la température. Il fait désormais frais. Dans cet espace, trois personnes sont installées à table. Elles s’apprêtent à prendre le petit déjeuner, apprend-on. Mais avant de commencer, il faut attendre le maître des lieux.
Le repas est composé de crudités, à savoir des carottes mélangées à la salade et du saucisson, accompagné d’un vin de table. Sous une musique douce d’André Marie Talla, distillée par une radio de la place, Henry Njoh retrouve son visiteur une fois le repas terminé. Cela faisait plusieurs mois qu’on n’a plus aperçu ce mastodonte de la musique camerounaise sur scène. Sa dernière apparition sur un podium remonte au 14 décembre 2017. C’était lors de la finale de la 27e édition du concours de la chanson «MÜtzig star», organisé par la Société anonyme des brasseries du Cameroun (Sabc). Depuis cette sortie, plus de nouvelles de l’homme en blanc, comme on le surnomme.
Au cours de l’échange, la star rejette l’idée de son retrait de la scène. Pour elle, cette absence n’est pas volontaire. «Je ne suis pas en retrait de la scène musicale. J’ai été très malade. J’ai fait deux accidents vasculaires cérébraux (Avc)», révèle l’artiste. «J’ai été opéré de la hanche et dernièrement, j’ai faitune chute et je me suis fendu la tête», poursuit-il. «Même étant hospitalisé, je continuais à travailler avec mon grand frère Manu, Salle John, Penda Dalle», nous apprend ce dernier.
Cordon bleu
Depuis son retour à la maison il y a plusieurs mois, le programme de l’artiste a connu quelques modifications. Déjà, Henry Njoh sort moins. Son état de santé chancelant l’oblige à se reposer. L’auteur de «Onguele», sorti en 1990, en profite pour mûrir ses projets, puisqu’il entend revenir sur la scène avec des surprises pour son public et les amoureux du makossa. «On prépare le Camer All Star volume 2. J’envisage de mettre sur le marché un Best off», fait savoir ce fils du département du Nkam. Et pour ne pas s’éloigner de ce qu’il aime, l’artiste, malgré sa convalescence, dirige un cabaret appartenant à l’un de ses amis à Bali. Henry Njoh s’y rend uniquement le week-end et en profite pour concevoir le programme de la semaine. A la maison, l’artiste fait des navettes entre sa chambre et la salle de séjour. Il passe moins de temps à l’extérieur à cause de son allergie à la chaleur. A côté de la musique, il aime faire la cuisine.
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Au quotidien, il conçoit des recettes, les réalise et conserve les repas dans un réfrigérateur, pour les consommer progressivement. «Ceux qui me connaissent très bien savent qu’on n’entre pas dans ma cuisine», précise-t-il. «Notre maman n’a formé que des cuisiniers. Tout le monde prépare chez nous», poursuit l’aîné d’une fratrie de douze enfants. La veille de l’entretien, le cordon bleu dit avoir fait de l’ «okoribon» aux poissons fumés. Mais plus jeune, ce talentueux musicien avait un penchant pour d’autres métiers que celui d’artiste. Certaines personnes lui prédestinaient une carrière de footballeur. Tandis que d’autres lui collaient celle de menuisier, pour laquelle il a suivi une formation. Reste que la musique a finalement pris le dessus en 1966.C’est d’ailleurs pour elle, qu’il a mis un terme à ses études, après l’obtention d’un probatoire littéraire la même année.
1990, l’année inoubliable
Auteur de six albums, Henry Njoh Njoh Joe à l’état civil a prêté sa voix dans plus de 200 albums et encadré plusieurs collègues. C’est le cas de Nadia Ewande, Devis Mambo et bien d’autres. Mais, lorsqu’il décide d’embrasser une carrière musicale, il est âgé de 16 ans. L’adolescent qu’il est commence à prester lors des concerts scolaires. Le jeune artiste en herbe se distinguait par ses aptitudes et sa voix.
Dès son arrivée à Douala, en provenance du département Moungo dans la région du Littoral, il fait la connaissance du père Darosa, qui l’initie à des rythmes comme la valse, le tango et bien d’autres. Henry Njoh intègre également le groupe de musique San Francisco à Nkongsamba, avec lequel il fait le tour de presque tous les cabarets du triangle national, avant de rencontrer Manu Dibango, qui l’encadrera durant son séjour en France. Et depuis lors, une belle et solide amitié lie les deux hommes.
L’artiste se révèle aux yeux du monde dans les années 1990, avec le titre «Biyeamuma’ango». La même année, il est élu meilleure voix masculine au Cameroun, au Gabon et en Côte d’Ivoire. Reste que quelques mois plus tard, l’un de ses titres, «Onguele», fait l’objet de remous, au point qu’il se verra gardé en cellule. «Ce titre m’a causé beaucoup de problèmes», se souvient avec tristesse l’artiste âgé aujourd’hui de 67 ans, qui refuse de donner des détails sur le sujet. Mais le plus beau souvenir de l’artiste reste son voyage effectué sur l’île de Barthe, sur invitation de Yannick Noah, il y a une dizaine d’années.
L’artiste s’y était rendu en compagnie de Manu Dibango. Au niveau national, les efforts de l’artiste dans le domaine musical ont été reconnus et récompensés par les plus hautes autorités du pays. En 2016 par exemple, il a été fait officier de l’ordre de la Valeur, par le président de la République. Seulement, en ce qui concerne la pratique du métier, l’artiste regrette le fossé qui existe entre les mélodies d’antan et celles d’aujourd’hui. A en croire ce père de sept enfants, la plupart des jeunes artistes brillent par la facilité, l’orgueil et la fainéantise. Mais, il avoue qu’à côté de ceux-là, quelques-uns sortent du lot. C’est le cas Papa Zoé, Sergeo Polo, Franck Chaleur ou encore Hervé Nguebo qu’il apprécie, au point de faire du titre «Essoka» (extrait de Another part of me) de ce dernier, sa sonnerie de réception d’appels.