La femme d’affaires et actuelle consule du Sénégal à Douala fête les 21 ans de sa galerie, MAM. L’âge de la majorité, et peut-être le temps de passer la main.
« Choisis en fonction de ton émotion. » Maréme Malong peut remercier son ami de la Fondation Maeght qui lui a prodigué ce précieux conseil quand, désemparée après le décès de sa mère, en juillet 1995, elle se demandait que faire de l’héritage que celle-ci lui léguait. « Maman a toujours été passionnée d’art. Elle était membre du parti communiste et de l’union des femmes françaises. Elle a connu Gaudí, Picasso, que j’ai eu l’occasion de rencontrer enfant. Lui rendre hommage à travers l’art m’a paru naturel mais je n’y connaissais absolument rien ! », se souvient l’actuelle consule honoraire du Sénégal à Douala.
Qu’importe, quand cette Franco-Sénégalaise, née en 1954 à Bordeaux, décide quelque chose, elle l’obtient. Quitte à charger son mari de « déguerpir », non sans les indemniser, les familles qui occupent le terrain sur lequel elle veut bâtir sa future galerie d’art, dans le quartier de Bonanjo, à l’ouest de la capitale économique camerounaise. Car en plus d’être déterminée, Maréme Malong est pressée. Elle veut inaugurer le lieu avant la fin de l’année 1995. C’est chose faite en décembre, avec une exposition de son amie d’enfance, Claudie Poinsard. En à peine six mois, elle se rend auprès d’artistes du Cameroun, d’Afrique du Sud, de Côte d’Ivoire, du Ghana… Et achète des œuvres. Elle construit un lieu à l’architecture singulière, faite de courbes et de lignes droites, de trop pleins et de creux, qu’elle baptise MAM. Comme « maman », mais aussi pour son aïeule paternelle – « mam » signifie « grand-mère » en wolof – dont elle porte le prénom, ou pour « Maison de l’art moderne ».
« Les amateurs d’art sont les jeunes, qui n’ont pas d’argent »
Pour les 21 ans de la galerie, l’âge de la majorité au Cameroun, Maréme Malong a choisi de programmer du 22 décembre au 21 février le plasticien camerounais Joël Mpah Dooh, l’artiste emblématique de sa galerie, qu’elle a soutenu dès ses débuts. En deux décennies, la diplomate a pu observer un paysage artistique en pleine mutation.
« À l’époque, il y avait quelques collectionneurs au Cameroun. Pas des gens qui veulent investir ou acheter de la déco comme maintenant. Aujourd’hui, l’ancienne génération a déjà sa collection. Quant à la suivante, elle est bling-bling ! En fait, les amateurs d’art sont les jeunes, qui n’ont pas d’argent. Mais j’ai une grande confiance en eux car ils ont un véritable intérêt pour l’art », confie Maréme Malong, de retour de la foire parisienne AKAA, où elle présentait avec la fondation ivoirienne Donwahi le photographe Siaka Soppo Traoré, lauréat du prix Orange de l’artiste numérique.
Alors que les médias occidentaux découvrent la création contemporaine du continent et que l’on assiste à un certain engouement du public, ce n’est pas nécessairement le cas en Afrique. Des échecs commerciaux, il y en a, la très dynamique Maréme Malong ne le cache pas. « Quand j’ai exposé Soly Cissé, je n’ai rien vendu ! Rien ! Si ce n’est les pièces que j’ai choisi pour les rares collectionneurs qui m’avaient chargé d’acheter pour eux », avoue l’ancienne dirigeante de MW Marketing Services et aujourd’hui vice-présidente de l’African Women’Entrepreneurship Program (AWEP) Cameroun. « Si les prix, qui restent encore très en deçà du marché international, augmentent, ça ne se traduit pas encore en Afrique, où le marché est restreint. Quand j’ai exposé Samuel Fosso, je n’ai volontairement affiché aucun prix et je n’ai pas cherché à vendre. Car personne n’aurait compris à Douala que l’on puisse vendre une seule photo 7 000 euros », explique-t-elle.
« Le métier évolue »
Ceci étant, le succès des foires internationales telles que 1:54 ou AKAA, et le fait que l’art contemporain du continent gagne en visibilité en Occident n’est pas sans répercussion immédiate. « Ça nous aide à valoriser certains artistes, c’est sûr. J’ai pu le constater dernièrement avec le travail de Salifou Lindou. Mais surtout, ça nous a permis d’acquérir une chose que nous n’avions pas avant : le respect. Le regard sur notre travail, sur celui des artistes, a évolué positivement », reconnaît celle qui, à 62 ans, envisage désormais de passer la main. Et de préciser : « Le métier évolue avec l’apparition du digital, de la vidéo. Il faut penser à une autre approche de la galerie, comme quelque chose de moins figé, de moins coincé entre les murs, de plus dynamique et de moins sectoriel. À terme, je ne suis même pas sûre que les galeries aient besoin d’un lieu précis, permanent. »
Raison pour laquelle MAM opère sa mue en accueillant, dans une partie de ses locaux, un espace de coworking, Jokkolabs, un incubateur fondé par le Sénégalais Karim Sy à Dakar. Et en aménageant un coin bibliothèque, Moss – « goûter » en wolof – une sorte de salon de thé littéraire qui organisera des rencontres autour des lettres africaines en 2017.