Décembre semble définitivement être le mois des mariages dans notre Royaume. Depuis le début de ce mois j’ai assisté déjà à cinq célébrations d’unions d’amis, de proches, et même d’inconnus. Oui oui, ce qui est bien dans ce pays, c’est qu’on peut t’inviter dans un mariage où les mariés et ta pauvre personne êtes de parfaits inconnus les uns pour les autres. C’est la magie du « j’ai l’amie de ma sœur qui se marie là, tu viens ? ».
Si je suis à chaque fois content pour les couples qui s’unissent, je ne peux m’empêcher de remarquer à quel point les cérémonies sous nos cieux sont pour le moins des curiosités. Cela relève de l’organisation, du cérémonial et des acteurs tropicaux de cette sitcom qui me fait rigoler à chaque fois.
Le célébrant
Au royaume des crevettes les officiers d’Etat civil sont des personnages hauts en couleur. Des artistes en représentation pour ainsi dire. S’ils sont expéditifs pendant les célébrations à la mairie, durant les célébrations privées, celles qui mettent de l’huile dans leur eru, ils se lâchent. C’est un mélange de stand-up, de prêche et de concert de bikutsi. Il faut en donner au couple pour son argent et en mettre plein la vue aux potentiels clients présents dans la foule d’invités. Le problème est qu’à trop vouloir en faire, ils finissent par éclipser les héros du jour : les mariés.
Mon conseil : quand vous déplacez le maire, faites lui un brief précis et rappelez lui que votre mariage n’est ni un spectacle de Lady Ponce, ni un meeting du RDPC.
La réception
Une des habitudes dans l’organisation est de faire une réception le soir en aval des célébrations. Une sorte de fête costumée durant laquelle on ripaille et boit en l’honneur des mariés. Le problème avec cette organisation est sa lourdeur chronique. On attend toujours. On attend l’arrivée des invités, on attend l’arrivée de l’oncle qui aime trop les problèmes, on attend l’arrivée du boss du marié, on attend l’arrivée du Bill Gates du village qui a grandement contribué, on attend l’arrivée de l’oncle qui a élevé la mariée comme sa fille. On attend, on attend et finalement on attend les mariés car le marié enfermé dans sa chambre d’hôtel et pendu au téléphone n’arrête pas d’appeler son cousin chef de protocole pour lui demander si untel est déjà là ou pas.
Mon conseil : n’arrivez jamais à l’heure à un mariage yaoundéen, jamais! Pour être à l’heure, il faut être en retard. Et puis hein à quoi ça sert même ces soirées interminables dans des salles ressemblant à des funérarium? Mariez-vous et faites la réception dans la foulée. C’est light, c’est vrai et surtout, on n’attend pas (beaucoup).
Le protocole
Dans les mariages camerounais il y a toujours un chef de protocole car oui, il y a un protocole. Le chef de protocole est reconnaissable à sa veste tape à l’œil sentant le camphre qui l’a préservée des cafards en attendant le jour J. Le protocole est important car dans les mariages, il y a un ordre de préséance strict. La famille du marié, la famille de la mariée, les amis, les collègues de travail, les faroteurs etc. Durant la réception les gens sont assis en fonction du plan qui détermine leur position vis-à-vis du buffet. On ne se lève pas n’importe comment pour aller manger et le chef de protocole veille au respect du plan.
Mon conseil : le protocole de Paul Biya nous a déjà assez fait chier dans ce pays. Il est temps d’arrêter, mais si vous êtes un bantou et que vous avez prévu d’inviter une ou deux ndjombas, il est préférable de prévoir un chef de protocole pour éviter un télescopage fatal.
Le plan de table
Chaque organisateur de mariage a une logique qui est souvent de mettre les gens qui se connaissent ensemble. Mais parfois, les malchanceux comme moi tombent sur des tables où ils ne connaissent personne. Difficile généralement de nouer la conversation, les gens rivalisant de snobisme et de morgue.
Mon conseil : il vaut mieux avoir plusieurs goûts en matière d’alcool. Il y a très souvent une guerre des apéros sur les tables, le nombre de bières disposées respectant rarement le goût et le nombre des convives. En outre, la bouteille de vin ou de whisky est souvent accaparée par un vieux qui vous sortira le poncif ségrégationniste de notre société : ça ce sont les choses des aînés. Minalmi ! Dès que positionné attrapez une bouteille et basta ! Il n’y aura pas de coup d’envoi.
La sape
Même si nous ne rivalisons pas avec les congolais, il vaut mieux se méfier des camerounais en matière de sape, surtout lors des mariages. C’est des occasions durant lesquelles les gens donnent tout. Oubliez la logique du « je vais m’habiller simplement ». Entre les pantalons slimisés qui révèlent les protubérances anatomiques de ceux qui les portent et les robes de soirées qui sèment strass et paillettes à tout vent, le concours est rude. Pour les petits comme moi, la danse est rendue difficile par cette mode inquiétante des hauts talons qui transforment les lianes de Yaoundé en top model de 1m80.
Mon conseil : je n’en ai pas. Je ne suis pas un expert en la matière. Mais si vous êtes le marié, donnez tout. Il est toujours mal vu d’être moins bien habillé que ses invités.
Le Master of Ceremony
C’est le type que vous verrez en arrivant. Profil de l’emploi : être un mec très sapé et un tchatcheur. Le problème, comme avec le maire, c’est que très vite le type oublie qu’il n’est pas un animateur de veillée. Très vite dans son élan d’atalakou, il oublie qu’il n’est pas en boîte de nuit et que son rôle n’est pas de chanter les louanges de ses amis ou capos qu’il reconnaît dans la salle. Très vite il oubliera qu’il n’est pas humoriste et que ses blagues à la Chandler Bing mettent les gens mal à l’aise.
Mon conseil : avant de prendre un animateur radio ou télé comme MC, souvenez-vous que cette race est avec les journalistes et les policiers le sommet de l’échelle en matière de recherche de gombo. Donc, si vous voulez les voir whitiser en taclant les billets de banque de vos invités sur fond d’atalakou ostentatoire, libre à vous.
La famille
La société bantoue est vantée par beaucoup, car construite sur une assise solide qu’est la famille élargie qui lui confère une solidité basée sur la solidarité. Foutaises ! La prétendue solidarité africaine a rencontré le capitalisme et a mué en individualisme de groupe. La préparation d’un mariage est une course en solo. C’est sa célébration qui voit émerger une cohorte d’invités rangés sous le vocable générique « la famille ». Leur seul achat est généralement le pagne qui les distinguera du reste du troupeau et permettra au chef de protocole de les positionner près du buffet. Ne se gênant pour s’inviter et inviter leurs amis, ils sont généralement en guerre avec un autre groupe de pagnards : la belle-famille. Le traitement réservé groupe rival leur sert d’échelle pour déterminer si leur fils les respecte ou alors a été envoûté par sa femme, qui a donné toute la nourriture à ses frères.
Mon conseil : oubliez les poncifs sur la solidarité. On n’est pas obligé de recevoir tout son village parce qu’on se marie. La vie est dure et ce n’est pas parce qu’on a apporté une igname rachitique comme contribution qu’on a droit au meilleur whisky et au porc le plus tendre.
Une face attachée n’a jamais tué personne. Ce conseil n’est valable que si vous avez un bouclier anti-sorcellerie.
Les pauvres
Les pauvres sont une plaie. Pour eux le mariage est d’abord une occasion de se remplir la panse à la faire éclater. Généralement somnolents durant la célébration, ils se réveillent le soir durant la réception qu’ils attendent comme la venue du Christ. A table, ils ne font pas la conversation, applaudissent rarement et après avoir trop attendu vous sortent « Ah petit! On mange même à quelle heure ici ? » Phrase enrobée d’un halo de mauvaise haleine due à leur bouche restée trop longtemps fermée. Se servir derrière un pauvre c’est assister à la préparation d’une bombe au sarin. Un amoncellement de victuailles dans une assiette qui vous fait admettre que la construction des pyramides est vraiment l’œuvre d’africains.
Mon conseil : n’invitez pas de pauvres. Ça ne sert à rien. Ne faites non plus confiance à l’interdiction des emballages plastiques : ils savent toujours où en trouver et se gênent rarement pour emballer la nourriture qui n’aura pas trouvé place dans leur estomac. Faire appel à un service traiteur ou privilégier le service encadré du genre « qui prend l’œuf ne prend pas la boulette ».
Les riches
Ce sont ceux qui considèrent qu’ils viennent à votre mariage pour vous faire le plaisir de leur présence. Ils critiquent tout. La cérémonie qui n’est pas assez raffinée, le vin qui n’est pas celui qu’ils boivent d’ordinaire, la bouffe qui n’est pas aussi bonne que celle de leur frigo de riche. Ils sont très gentils car ils ne le disent pas. Ils rentrent généralement tôt pour vous montrer qu’ils avaient mieux à faire mais sont quand même venus parce que c’est vous. S’ils ont contribué à votre mariage, ils voudront une place de choix mais ne le diront pas. Ils ne se bousculeront pas à l’ouverture du buffet pour montrer qu’ils sont au-dessus de ça. Ils attendront que le chef de protocole vienne les chercher. S’il ne vient pas ils ne diront rien mais grignoteront deux tranches d’ananas pour bien vous montrer qu’ils n’ont pas été servis. Puis ils s’en iront en dénigrant à voix basse ce mariage de pauvres mal organisé.
Mon conseil : prenez l’argent des riches et supportez leurs caprices. Tant qu’il y a l’argent, Le reste, on s’en fout.
Le caméraman
Si la présence d’un photographe est indispensable, je n’ai jamais su à quoi servaient les caméramen dans les mariages. Sérieux, il y a des gens qui quand ils vous invitent chez eux mettent un DVD de leur mariage? Bref, c’est le type qui vous empêche de voir la cérémonie. C’est lui qui, le soir, vous éblouit en vous braquant son projecteur alors que vous vouliez croquer incognito un missounga. C’est l’emmerdeur à qui vous avez envie de dire « ho ! Mon ami ! On t’a envoyé ? ».
Mon conseil : si vous persistez à en inviter un, prenez-lui une assurance. J’ai souvent vu ces gars se pencher hors des portières de véhicules de cortèges lancés à vive allure et me suis toujours demandé si le mariage se tiendrait toujours s’ils tombaient et se brisaient le cou.
Le prêtre
Last but not least, l’homme de Dieu. Si vous avez opté de célébrer le mariage religieux, méfiez-vous du prêtre, notamment lors de la quête, cette partie de la bénédiction nuptiale où il confie une corbeille au couple en demandant aux invités de faire des dons. Ce qui est insidieusement présenté comme un don aux mariés est en réalité un don à l’Epouse du Christ, l’Eglise et finira dans la poche de son représentant. Munissez-vous d’une pièce de vingt-cinq francs ancien modèle, comme vous le faites le dimanche durant l’office.
Mon conseil : attention ! Si vous choisissez le régime matrimonial polygamique, le prêtre ne voudra pas célébrer votre mariage. Si votre témoin n’est pas baptisé et lui-même marié il ne sera pas admis. Pour ceux qui se demandent comment un mécréant célibataire comme moi a fait pour être témoin de la bénédiction nuptiale de mon ami Valéry Ndongo dernièrement, sachez que nous avons menti au prêtre. Oui oui, l’entubage millénaire de cette corporation nous a inspirés. Mon seul regret est de n’avoir pas pu dérober la corbeille des dons cachée sous l’autel. Mon ami Bikanda m’a manqué à cette occasion.
Voilà ! Ce long florilège de méchancetés pour exprimer mon ras-le-bol face à ces cérémonies auxquelles j’assiste fréquemment, plus barbantes que des enterrements . J’en ai marre de voir ces couples fatigués, cernés, stressés le jour de ce qui devrait être l’apogée de leur amour. J’en ai marre de voir de stupides conventions sociales et des égoïsmes ruiner ce qui devrait être la célébration de ce qu’il y a de plus beau comme sentiment : l’amour.
Je me le suis promis. Ma douce liane je l’épouserai dans un bar. Je ferai fi des conventions sociales, des critiques. Je n’aurai d’yeux que pour ma belle m’attendant au comptoir, transformé en autel. Mon regard glissera peut-être, mais ce sera pour faire des clins d’œil en direction de ma ndjomba, la Castel.
Vous serez invités.
Peace !