Peintre-sculpteur et designer, Mr Eloundou n’en est pas moins fier de ses racines ; il le clame d’ailleurs haut et fort, reconnaitre nos origines devrait être notre priorité.
Pour sa cinquième participation au Salon International de l’Artisanat du Cameroun (SIARC) 2016, il a bien voulu nous faire visiter la « case » à trésors de la Lékié…
Bonjour Mr Eloundou, et merci de nous faire visiter votre région, surtout ses charmes artisanaux…
Beh, écoutez c’est moi qui suis flatté d’une telle visite ; ce n’est pas tous les jours que le monde s’invite chez nous à travers un média en ligne tel que le vôtre alors recevez toute la bénédiction de l’Est.
Déjà je puis vous dire que tout ce que nous exposons est fait avec le principe d’avantages comparatifs, c’est-à-dire qu’on se sert de tout ce qui nous entoure, même ce qui semble inutile, pour en faire une merveille…
…Et nous commençons par quoi exactement ?
Par ces magnifiques tenues confectionnées à la main ; je dirais que c’est du velours traditionnel. On appelle cela « Alog’a », c’est de l’Obom issu de l’écorce d’un arbre que l’on retrouve dans nos forêts.
Ce tissu se conserve très bien et met beaucoup plus de temps que vous ne pouvez l’imaginer. Nos ancêtres les arboraient comme tenues de luttes et leur solidité se vérifiait sans problème.
A l’époque ils réfléchissaient déjà écolo, car au lieu d’utiliser des peaux de bêtes, ils préféraient l’Obom et ainsi ils ne décimaient pas l’espèce animale.
On évolue…
Bien sûr, ici nous avons un rayon bijouterie ; là vous voyez bien des bracelets mais surtout des colliers en perles et des dents de fauves que nous avons préféré représentr par du bois poli.
Ces accessoires étaient utilisés pour des rituels dans la Lékié profonde. Ce n’est pas n’importe qui qui en portait, il fallait être un initié au préalable.
Et juste à côté, on dirait une sculpture…
Vous l’avez si bien dit : « On dirait » ; sauf qu’il s’agit là d’un tout petit arbre, mais qui a plusieurs décennies.
Il peut d’ailleurs aller au-delà des centaines d’années. Il est très résistant. Celui que vous avez sous vos yeux est bon pour la déco intérieure.
Vous souleviez tantôt le fait que vos ancêtres auraient le souci de la biodiversité…
J’insiste même là-dessus ; tenez par exemple cette coupelle qui date de plusieurs années (il nous montre une coupelle).
Et bien elle est issue d’un palmier et a été soigneusement polie. Vous savez, ils avaient pris conscience qu’exterminer la forêt en coupant des arbres nous sera un jour préjudiciable.
Alors tout ce qui était susceptible d’être issu du bois, ils l’adoptaient au palmier et voilà le résultat. Je trouve même qu’il est beaucoup plus solide que du bois, or il est très léger.
On remarque que la couleur qui prédomine dans votre case c’est le rouge ; pourquoi ?
Le rouge parce que dans nos traditions, le rouge symbolise la vie, or chez les blancs ça représente le danger. Restons africains, je vous en prie !
Et juste au milieu de la case, une chaise à l’allure imposante…
Oui il s’agit de la place du chef ; nous n’avons pas eu besoin d’abattre un arbre et de le scier, on a juste ramassé des bouts de bois qui datent de longtemps et les avons assemblé comme vous pouvez le constater, le tout dans une démarche rituelle.
C’est un chef-d’œuvre. Et pour finir, juste à côté vous avez ce magnifique tableau en soie, sur lequel on peut admirer un joueur de tam-tam, seul moyen de communication il y a des centaines d’années dans la forêt profonde.
Sinon, c’est votre quantième participation au SIARC ?
C’est ma cinquième, j’ai toujours été sélectionné à chaque édition.
Et le satisfecit est toujours au rendez-vous ?
Disons plus ou moins, mais vous savez, la motivation est inébranlable. Nous le faisons par amour pour l’art et avons le souci qu’il ne meurt jamais.
Cette année, les ventes ont été timides, mais pour un vrai artiste c’est pas le plus important parce que l’argent fini toujours par arriver, il faut juste concevoir du beau et de l’authentique ; Ce sont les seuls éléments qui rendent éternel une conception.
Comment arrivez-vous à ce métier ?
Je vais vous montrer quelque chose (il nous dirige vers un sac de fortune et en ressort des pierres) ; ce sont des pierres polies et taillées que j’ai trouvé pendant mon enfance autour de la maison familiale au village.
Pour vous dire que mes ancêtres étaient de fervents artisans, alors c’est un héritage.
Sinon, depuis l’école primaire j’ai toujours aimé le dessin ; toute forme qui se présentait sur mes yeux était immédiatement transformée dans mon esprit. Ça me prédestinait à ce métier plus tard.