Chassé par le défrisage, les greffes et tissages, le cheveu crépu est aujourd’hui défendu par de jeunes africaines modernes.
Ce ne sont donc plus les villageoises désargentées qui traînent cette marque criante d’arriération aux yeux de certains. Miss Cameroun 2015 a remporté le concours de beauté avec ces cheveux-là et l’esprit qui les accompagne : naturels et heureux de l’être. L’acronyme Nappy, pour résumer en un mot les termes « natural and happy », se répand. L’élection a donc rendu très heureuse Ndongo Nyemb, la coiffeuse de la récente Miss Cameroun.
C’est la papesse locale du cheveu naturel, à en croire ceux qui la connaissent. Et pourtant, à la ville, c’est une jeune cadre comme tant d’autres. Entre deux périodes d’activité pour son employeur, elle a du temps pour vanter les « bidouilles d’une nappy ».
L’affaire n’a toutefois plus l’air du simple bidouillage. En lançant récemment à Douala « So natural, So me », un établissement de soins pour le cheveu africain, cette trentenaire a fait plus qu’un pas.
Après celui d’il y a trois ans, décisif, qui l’a poussé à couper à ras ses cheveux défrisés depuis l’adolescence. A l’époque, elle en était fière. C’était même « une récompense de maman, pour avoir réussi l’examen du Bepc ». Pour garder et coiffer sans altérer l’allure-nature, comme des dizaines d’autres jeunes femmes qui se retrouvent dans un mouvement de conscience et de promotion, Ndongo a dû apprendre ce que nombre d’Africaines savaient mais que les nouvelles générations n’ont pu expérimenter faute de transmission.
De tout temps, explique Gillette Leuwat sur le site Web de la société de cosmétiques pour noir qu’elle a fondée, les Africaines ont su entretenir et mettre en valeur leurs cheveux. Cette Camerounaise, de son exil parisien, a fait le trajet de reconnexion bien plus tôt. C’est la parenthèse coloniale qui a influencé les changements massifs actuels (défrisage, greffes) ; lesquels n’ont que des défauts selon Ndongo Nyemb.
Ces artifices couvrent beaucoup de dégâts, selon le Dr Angèle Tchatchouang, dermatologue à Douala : les fameux « mon vieux », (alopécie des tempes), des calvities même...
Pis, l’on y perd l’estime de soi, les dommages à la santé dus à l’usage prolongé ou malencontreux, une « déculturation » d’autant inestimable que « nous payons pour quelque chose qui nous détruit et enrichit ceux qui méprisent le noir et le poussent à changer ses canons de beauté », expliquent des Nappy citant une philosophie née dans la communauté afro-américaine. Au Cameroun, au moins 350 millions de F ont par exemple été dépensés pour importer greffes et défrisants au cours des quatre dernières années.
Le côté militant des Nappy est donc évident. Nouvelles converties, elles n’hésitent pas à aller prêcher la bonne nouvelle de la chevelure originelle dans les collèges et lycées de Douala. Quand ce n’est pas le bouche à oreille et le modèle de son propre chef. « Une amie très proche m’a convaincue en revenant du Nigeria avec cette tête-là », confesse Carole Epanya Alima, cadre d’entreprise à Douala. Si pour elle la dépense d’entretien double, Ndongo Nyemb rétorque qu’il s’agit de massifier la pratique et vulgariser conseils, produits et salons spécialisés.
Car pour le moment, ajoute Marie Caroline Kingue, une Nappy quinqua, les coiffeuses n’ont qu’une question quand elles la voient : « C’est pour un défrisage ? »