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Street wear: Entre créativité, identité et défaut de productivité

Street Wear.jpeg Street wear

Thu, 20 Aug 2015 Source: Mutations

De nombreux jeunes défient la barrière des problèmes d’entrepreneuriat pour arriver à faire valoir la mode urbaine made in Cameroon.

On lit Jasaïd sur une poche de chemise, on y remarque des manchettes de tissu pagne. On lit Mo Beat sur un t-shirt, on reconnaît à l’avant du vêtement, dans un cœur qui semble battre, un tissu aux couleurs très familières de la région de l’Ouest Cameroun.

On lit Sanja sur une autre chemise, on revoit encore ces couleurs et motifs camerounais qui s’y retrouvent. Et puis, il y a sur un T-shirt, Deïdo Boy. On comprend alors que c’est le Cameroun. Mais surtout, sur une casquette Frenchkind, il y a Maroua, Fotokol, Kolofata. On entrevoit plus encore le vert-rouge-jaune qui se balade dans ces créations.

Des créations qui reflètent, chacune à sa manière, l’affirmation d’une identité africaine, une identité camerounaise. Une identité qui s’exprime d’une façon originale, avec croquis et mannequins, avec pagne et cuir, avec style, jeunesse, fraicheur et collections.

Le «street wear» ou mode urbaine made in Cameroon, c’est ça. Tony Nobody, promoteur de culture urbaine, vous dira que ce sont des partisans du «for us, by us.» Jason Diakité de Jasaïd dirait «detail makes difference.» Francis Alane Tsoungui et Stéphane Bilana de Heartbeat 237 vous brandiraient du «follow your heart.» Les concepts, les collections et les marques de «Street wear» se comptent désormais par dizaines.

Mais l’objectif reste le même : faire oublier les marques américaines leaders du marché, pour imposer du local. Un but qu’a voulu accompagner Tony Nobody par le biais de sa structure Blaxity, à travers le K-mer Street Wear and Music.

Le 26 juin dernier, si Sanja, Jc Wear et Jasaïd ont occupé les 3 premières places de la compétition organisée dans le cadre de l’événement, c’était surtout «un autre moyen de continuer de promouvoir le milieu urbain camerounais, mais surtout le Cameroun, notre pays, le Mboa. Ces jeunes font preuve de beaucoup d’engouement et de beaucoup d’esprit d’entreprise. Il fallait trouver une façon de les encourager», affirme Tony Nobody.

Production

«Après l’avènement du rap, du deejaying et du street art, mon combat s’étendait désormais à la mode urbaine», ajoute-t-il. Du fait de leur originalité, avec des modèles et des designs esthétiquement viables, leur sérieux et leur détermination, les marques sont protégées à l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (Oapi).

Le «Street wear» se défait de la sérigraphie. Aussi fantaisiste soit-elle, la sérigraphie ne reste qu’un outil du «street wear» qui va bien au-delà. Tony Nobody en parle comme d’une quête non encore accessible : «Il ne s’agit pas seulement de polos ou de T-shirt, ou même seulement de casquette. Le ‘street wear’ s’étend aux chaussures et autres accessoires que les créateurs camerounais ne peuvent pas encore se permettre de produire.»

Les designers iraient encore plus loin en vous disant que c’est un état d’esprit, une vision, une idéologie. Production avec des collections différentes les unes des autres, les créateurs essaient de diversifier leurs produits pour pouvoir conquérir un marché qui se veut encore timide. Francis Alane Tchoungui pense alors que le marché est encore inexistant et qu’il faudrait le créer.

Pour lui, les marques gagneraient à fédérer leurs efforts et à mettre en commun les acquis pour développer l’intérêt des potentiels consommateurs. C’est dans ce sens que Blaxity a mis en place une plate-forme comme le K-mer Street Wear and Music avec un projet de production commune.

Modèles

«Nous sommes en train de mettre sur pied un partenariat avec une entreprise turque qui devrait réduire véritablement les coûts de production des créations», précise Tony Nobody. Si les designers regorgent d’idées, de coupes, de modèles et d’ambitions, il leur manque encore des moyens de productions tant financiers que techniques et industriels.

Si Deïdo Boy de Didier Mp a pu partager sa production entre le Cameroun, la France et la Chine, Jason Diakité de Jasaïd s’est essayé à la production locale mais envisage déjà d’exporter, lui aussi, sa production.

«Nous travaillons en sous-traitance avec des sérigraphes, des brodeurs et des couturiers qui sont tous au Cameroun, mais [la production, Ndlr] est très chère. C’est pourquoi la prochaine étape est la production à l’étranger», précise-t-il. Heart Beat 237, en quête de qualité, a dû délocaliser la sienne à Dubaï.

«C’est une véritable épine qu’on a dans le pied. Les techniques de production à grande échelle ne sont pas encore assez implémentées au Cameroun pour que nous puissions produire sur place. C’est dommage de ne pas pouvoir mettre en valeur le Cameroun à travers également la production.

Nous donnons du travail aux étrangers et en plus, lorsque les produits sont rapatriés, les coûts sont élevés», regrette-t-il. Pour le financement de Binam, le dernier né de leur collection, Heartbeat 237 a lancé une campagne de financement participatif sur les réseaux sociaux.

Ce «crowdfunding» devrait leur permettre de ne pas toujours faire recours à leurs fonds propres.

Facebook, Twitter, Instagram, etc. ont été et sont encore mis à contribution pour diffuser au maximum la campagne. Les réseaux sociaux sont d’ailleurs le canal idéal pour une visibilité bien ciblée et moins onéreuse.

Un artiste camerounais comme Locko ou Numerica qui porte des chemises ou T-shirt Jasaïd dans son clip, avec un figurant à la casquette Heartbeat 237 ; un Manu Dibango qui arbore un polo DeïdoBoy ou un Bebi Philip habillé par une création Sanja, reste une pub qui n’a pas de prix.

Source: Mutations