Le 9 février 2018 sortait l’album « The Bridge» de Locko. Un projet très attendu non seulement par la Lockomotive – sa fan base – mais surtout par les mélomanes, en raison de la qualité et de l’écho favorable qu’avait généré son précédent projet : l’EP Skyzo, sorti en 2015.
Un opus qui l’a propulsé sur la scène en raison de la forte connexion avec ses fans et les mélodies entraînantes qui ont fait de Charles Arthur Locko Samba, de son vrai nom, une voix incontestable de la musique camerounaise. Une reconnaissance bénéfique pour l’artiste, et son label, Big Dreams Entertainment, qui a permis à Locko de s’entourer des meilleurs pour la réalisation de ce second projet.
En effet, Locko a mis le paquet pour permettre à « The Bridge » de créer un engouement encore plus fort que « Skyzo ». Le chanteur s’est entouré de producteurs cotés tels que : Mr Behi, DJ Kris, Magic Fingaz, ou encore Salatiel. Aussi, Locko a teasé « The Bridge» d’une manière normale, en dévoilant un compte à rebours jusqu’au jour de la sortie de l’album, suivi quelques jours plus tard du vidéogramme de « Booboo » en charmante compagnie avec Mimie Ngoga.
Et les chiffres dans tout ça…
Locko décroche des chiffres acceptables et inédits pour un artiste de sa trempe dans un contexte camerounais. Plus de 1105 ventes cumulées pour la première semaine (physique et digital) dont 639 171 streams. Au physique, 643 CDs vendus essentiellement au Cameroun. Sur le digital, 35 rechargements exclusivement obtenus de l’occident. Quant au streaming, The Bridge cumule 639 171 streams (Cameroun et étranger inclus).
Le SEA (Streaming Equivalent Album) montre un total de 426 car, il faut le rappeler, depuis le 1er février 2017, le nombre d’écoutes en streaming audio et vidéo est comptabilisé par The Recording Industry Association of America (RIAA), l’association américaine de l’industrie du disque.
Dans un communiqué, l’institution estime donc que 1 500 vues sur YouTube ou 1 500 écoutes sur Spotify ou Tidal équivalent désormais à un album vendu ou dix titres achetés. Un score impressionnant qui clôt une première semaine d’exploitation exceptionnelle pour l’artiste signé chez Big Dreams Entertainment en co-production avec son propre label, Yema Productions.
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Les ventes de la première semaine, de réels enjeux au Cameroun ?
Si la première semaine terrorise les frenchies, les américains et les british, cette annonce de Locko ouvre la voie à la plus de clarté sur les ventes dans le milieu de la musique camerounaise. À l’ère du streaming et d’internet tout court, dans un contexte dans lequel les vues YouTube se présentent comme le baromètre, le nombre de ventes offre d’autres perspectives. Car, une vidéo, un album et une chanson ne se consomment pas de la même manière. Les attentes sont différentes les unes des autres que l’on soit artiste ou simple mélomane.
Si le mongshung et le gonflage des vues existent sur certaines plateformes telles que Youtube, malheureusement dans un pays qui souffre aussi de la crise du disque, d’autres plateformes de streaming apparaissent comme un indice de mesure fiable – certes combattu – qui régit l’industrie du disque de nos jours. Spotify, ITunes, Deezer, Tidal, etc… en bonne place. Cela signifie que sortir un album ne sera plus simplement une manière de faire parler d’un artiste mais aussi consolider la confiance auprès des fans et d’assurer un capital crédibilité, intérêt et retour d’investissement pour les marques.
L’autre question amusante, il est vrai, concerne la peur de se faire ridiculiser sur la place publique. Puisque les plateformes de streaming ont désormais un poids, et que tout le monde s’enorgueillit presque de mettre son opus sur ces plateformes, il est logique de prendre peur, de cacher les résultats d’un album tant annoncé. Est-ce que tous les collègues de Locko, frileux des critiques la plupart de temps, oseront franchir le pas ? New Bell Music a dévoilé, le 24 Octobre 2017, les statistiques des projets de Jovi Le Monstre sur Bandcamp. La mention est honorable. Et le reste de la classe va-t-elle aussi dévoiler les chiffres de vente de leurs projets même un mois plus tard ?
Enfin, et pour nuancer, le fait d’acheter un album possède encore une valeur symbolique pour plusieurs personnes en dépit de la crise de l’industrie du disque. Il y a encore des camerounais qui se rendent chez Flash Music à Deido, un quartier du Ier arrondissement de la ville de Douala, s’offrir un CD. Par contre, cette légitimité offerte au streaming et aux vues sur YouTube peut amoindrir cette valeur du disque…du moins ce qu’il en reste.
Au Cameroun, il est important de tenir compte des référents tels que le taux de pénétration d’internet, la santé du secteur musical qui exécrable au vu des atermoiements autour de la création d’une société fiable de répartition de droits d’auteurs qui dure depuis une décennie. Et sans oublier la gratuité qui serait une seconde nature – à tord ou à raison- chez plusieurs consommateurs camerounais, comme en témoigne le tableau indicatif. Bref, le débat est ouvert.