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Voyage au coeur du système Chantal Biya, Mars 2007

BIYA ET CHANTAL GETTY Chantal Biya

Tue, 1 Aug 2017 Source: Mutations

Faut-il voir dans la "gaffe" récente de la "présidente", "Maman Chantal Biya", recevant avec tonitruance Mme Le Pen dans les ors et les palais de la République un simple fait du hasard ?

L’édition N° 1871 de vendredi dernier de votre journal y avait déjà en partie répondu en affirmant que, éprise de "liberté", la "première dame" du Cameroun a, en quelque sorte, appris à jouer avec un système qui lui en offre les ouvertures. Un raisonnemaent que prolonge cette enquête dont le but premier est de faire voir la façon dont cette femme, encore inconnue il y a dix ans, a pris une place considérable et en toute chose inédite dans la construction politique "moderne" du Cameroun et comment, désormais, se structurent divers champs de domination autour d’elle.

L’appellation qui est désormais la sienne, celle de "Son Excellence Mme la présidente", ne peut ainsi pas du tout être prise comme un phénomène de hasard. Elle participe plutôt clairement de ce que le politiste Jean-Marie Zambo Belinga décrivait, dans le numéro 171 de 2003 de la revue Cahiers d’études africaines, comme un "véritable processus de banalisation d’une entreprise d’inculcation de l’acceptation de la domination des cadets sociaux". Signe des temps, de l’importance somme toute exorbitante qu’a prise l’épouse du président de la République, dans les logiques de médiation et de médiatisation de la scène politique et sociale du Cameroun de ces dix dernières années. "Maman Chantal" désormais devenue la parfaite incarnation de la confusion, déjà profonde, qui habite l’ordinaire de la société camerounaise entre la sphère publique et la sphère privée, l’Etat et tout ce qui relève de sa périphérie.

1- De la femme et de son foyer Bien sûr, l’arrivée de Chantal Vigouroux, jeune fille métisse de 24 ans, sous le toit de Paul Biya, par un mariage somme toute modeste et inattendu, dans une paroisse de Tsinga un matin du 23 avril 1994 avait de quoi surprendre : rares sont ceux qui avaient en effet pu parier, peu avant le déroulement réel de cet événement, que le président s’affranchirait de toutes les pressions – légitimes – de son entourage pour s’engager dans un relation nouvelle, avec quelqu’un dont les nombreuses différences objectives d’avec son futur époux la rendait en bien de points objet d’interrogations : il y avait en effet l’âge, le tempérament, la position sociale, le niveau d’études et même, pourquoi pas, le fait qu’elle était déjà, à l’époque, mère de jumeaux… Jusqu’aux heures sombres du décès brutal de son épouse, Jeanne, le 12 juillet 1992 alors que lui-même se trouvait à un sommet africain à Dakar, le père de Frank avait en effet habitué son peuple, à une image d’époux austère mais dévoué, sans enthousiasme aucun mais sans animosité particulière, rongé comme tout les hommes de son temps par la lente usure des années de mariage qui déclinent toujours inexorablement vers l’ère des froides convenances.

Jeanne Irène, donc : ordinaire mais peu banale, distante mais pas antipathique, sobre mais pas ennuyeuse ; "classe et discrète", disaient ses admirateurs. La bonne mère de famille, quoi. Image en toute chose "sérieuse", que viendra renverser, de bout en bout, l’héritière de sa couronne, Chantal Vigouroux. Visage aux rondeurs d’une poupée, que l’on s’est déjà habitué à voir rayonner dans les pages de magazines people ; souvent flanqué de son mari qui joue les époux modèles, avec des sourires timides et des gestes artificiels. Photographies d’un couple qui a peut-être décidé de bâtir une nouvelle communication, reposant, cette fois, sur le corps et l’âme d’une femme dont la jeunesse est désormais clairement l’objet d’une valorisation, signe de dynamisme, d’énergie, de mouvement, de générosité. Nouvellement amoureux, M. Biya s’attache, semble-t-il, à s’exonérer de tous les défauts qui pourraient cependant découler de cet attelage, en termes d’immaturité, d’incohérence, de maladresse et même souvent de zèle. Chantal n’est donc plus seulement l’épouse de Paul : elle est entièrement, l’épouse du président, celle qui assume tous les rôles, affiche toutes les certitudes et réclames tous les privilèges. Impossible de lui donner une stature qui ne soit pas insuffisante à l’horizon de ses talents.

A mesure que dure son passage à la tête des institutions, s’affirme un type de pouvoir où la frontière se fait toujours plus mince entre le public et le privé, entre la vie de l’homme et celle de la femme, entre la chose publique et les données du couple. Ainsi, fait remarquer Fred Eboko dans la revue Politique africaine d’octobre 2004, Chantal illustre, à son corps défendant, tous les enjeux de stratification sociale camerounaise, en présentant à elle seule un clivage implicite qui existe entre les classes populaires et ceux qu’on prétentieusement appeler les "élites". Clivage cependant ambigu dans la mesure où, plutôt que de les séparer, elle incarne assez royalement leur relation quasi consubstantielle, en achevant de justifier l’allégorie du prince charmant, celle de la réussite sans effort, celle des raccourcis, celle d’une "bourgeoisie" qui n’est finalement pas autre chose que le prolongement indicible d’une société de misères qu’elle s’attache pourtant minutieusement aujourd’hui à écraser.

Ainsi, en juste dix ans, Chantal Biya, celle que Françoise Foning et d’autres dames appelaient, au lendemain de son arrivée au palais, "notre fille", est devenue, sans transition, "Maman Chantal". Recevant à cet effet, des louanges et des allégeances d’un corps social qui voit désormais en elle, tout entièrement, le "père de la nation" des partis uniques. Celle dont la voix livide résonne dès lors comme le déchirement de son économie et davantage de sa morale, de ses institutions et de toutes ces références historiques et symboliques qui lui permettaient jadis, de prétendre à une quelconque respectabilité. Du moment où tout est à vendre et à acheter, Chantal aussi se montre comme attrayante à la vente et donc, à l’achat. 2- De la "femme du peuple"… Difficile de voir première dame qui suscite autant de controverse que celle du Cameroun, signalait encore l’hebdomadaire français L’Express dans son édition du 12 avril 2004 : Mme Chantal Biya est en effet, à la fois, admirée et méprisée, applaudie et moquée, enviée et crainte. Sans diplôme, sans "nom", donc sans l’éducation des milieux de la grande "bourgeoisie" camerounaise, la jeune femme est nécessairement arrivée à Etoudi avec des handicaps qui n’ont fait qu’être mis en relief par la série de ratages malheureux dans lesquels elle s’est engouffrée lors de ses nombreuses sorties en public. Les "gens d’en haut" y ont nécessairement trouvé de quoi animer des sarcasmes, pensant avec quelques phrases clandestines "qu’elle n’est pas à sa place".

Tout à l’inverse de ceux d’en bas qui y construisaient le fil d’une véritable – et souvent, sincère – affection, du moment où leur héroïne était perçue comme "simple", "naturelle" et "spontanée", "attachante". Toute chose qui s’illustre d’ailleurs dans le petit nom dont elle a été affublée : "Chantoux". Pour traduire à la fois de la tendresse, de l’humour, de l’ironie, de la raillerie, non seulement vis-à-vis d’elle-même mais aussi, de son mari. "Les chansons populaires, véritables rituels du griotisme comme de la dérision politique au Cameroun, témoignent du fossé qui s’est creusé entre les détenteurs des codes élitaires et la majorité de la population, plongée dans une précarité prolongée", analyse ainsi Fred Eboko. Gervais Mendo Ze et Longuè-Longuè lui ont ainsi consacré des albums. Quelques autres, des plus obscurs aux plus brillants, n’ont pas eu de cesse de citer son nom, comme une référence de beauté, de magnanimité et d’altruisme.

C’est ainsi qu’une artiste comme K-Tino, fort connue – et décriée – pour l’outrance et la grivoiserie de ses textes et la tonitruance de ses passages sur scènes, a fini par se donner à voir comme l’égérie de la "première dame", sans que cela ne semble apparemment poser le moindre type de souci à l’épouse du président ; elle dont on aurait pourtant pu imaginer qu’elle s’attache à son image, à la fonction qu’elle incarne, à la circulation des valeurs qu’il y a autour de sa personne, et donc, de ce fait, qu’elle se méfie de toute la déchéance morale que représentent à peu de frais les postures de cette chanteuse de bikutsi. Dès lors, Chantal Biya est devenue d’une importance sociale qui outrepasse largement le rôle et les fonctions sur lesquelles on aurait été en droit de l’attendre : des cérémonies de l’arbre de Noël au palais de l’Unité jusqu’au "Grand prix" cycliste "Chantal Biya", en passant par les défilés de femmes au boulevard du 20 mai, il n’est presque plus de champ social qui soit laissé par elle, sans investissement.

Conséquence, et sans doute au grand désenchantement des personnes qui l’entourent et la conseillent, son nom est apparu avec insistance dans les comptes rendus du procès d’Emmanuel Ondo Ndong, dégé déchu du Feicom : avec ses fondations et tout son bazar, elle ferait en effet partie de ceux qui ont raisonnablement profité des "largesses" de M. Ondo Ndong, tous deux inscrits de ce que, d’une certaine façon, l’Etat du Cameroun c’est un peu n’importe quoi. Inutile d’interroger, dès lors, le sens des prérogatives de base de la puissance publique. Mme Biya fait clairement partie de ces acteurs et de réseaux dont les fonctions reflètent des stratégies politiques à la marge de l’Etat et des tactiques de survie dans une situation de pénurie politique et économique généralisée. "Dans ce cadre, la visibilité de l’épouse du président camerounais révèle, par un effet de contraste, les conséquences inédites des mutations politiques, sociales et économiques dues au choc de la crise des années 1990-2000", où l’on a vu surgir le spectre de la corruption à grande échelle, du renforcement de l’enrichissement illicite et du détournement des fonds et de la mentalité du "fey-man".

Ainsi, à elle toute seule, Chantal Biya apparaît comme la garante d’un nouveau "contrat social". 3- Des "Synergies africaines" Tout commence en effet par un Forum des premières dames d’Afrique contre le sida et les souffrances sur leur continent. Organisé par "Maman Chantal" lors du sommet Afrique-France en janvier 2001 au Cameroun, nombre d’analystes croient alors – à raison – à l’époque qu’il ne s’agit, dans un premier lieu, que de donner à l’épouse de M. Biya, un rôle susceptible de la faire monter en régime sur la scène internationale, par une médiatisation accrue et donc, une augmentation, à peu de fortune de son capital et de son influence personnels. L’affaire est d’autant plus rêvée que se trouvent quand même, dans le parterre des invités de renom, entre autres épouses, une certaine Nane Annan, épouse du secrétaire général des Nations unies.

En clair, on assiste à travers la "déclaration de Yaoundé", le 18 janvier 2001, où les épouses prennent pour engagement non avoué, d’investir le champ laissé libre par leurs époux, dans la sphère sociale d’une politique perçue comme non politicienne. Dans le courant de la même année, et sur fond de querelles naissantes avec d’autres "premières dames" – singulièrement Edith Bongo du Gabon qui, semble-t-il, réclame la même visibilité sur le même territoire – Synergies africaines trouve alors le temps de se réunir cinq fois, avec à chaque fois, des "déclarations" toujours très rafraîchissantes : "sur la réduction de la mortalité maternelle et néonatale en Afrique" (08 mai 2001), sur "la petite fille" (21 avril 2001), sur la "persistance des conflits en Afrique" (19 mai 2001), sur les "enfants et la prévention du sida" (22 mai 2001).

La structure en vient à marquer un énorme coup de marketing, en novembre 2002, lorsqu’elle réussit à faire venir au Cameroun, deux des découvreurs – et ennemis parce que concurrents sur le sujet – du virus du sida, les professeurs Luc Montagnier de France et Robert Gallo des Etats-Unis. L’occasion est ainsi saisie pour lancer de manière enfin officielle, les activités de Synergies africaines, avec une première conférence formelle de l’Ong. Onusida Dans un contexte de forte progression de la pandémie du sida au Cameroun, la venue, quelques temps plus tard de Peter Piot, directeur exécutif de l’Onusida vient dès lors renforcer la stature internationale de la première dame, lorsqu’il déclare, sans doute sincère, et devant la présence des premières dames d’Angola, du Bénin, du Burkina, du Niger et du Tchad et d’une quinzaine d’autres délégués : "la première dame au Cameroun joue un rôle absolument exceptionnel dans la lutte contre le sida, non seulement au Cameroun, mais aussi, en Afrique.

J’ai constaté moi-même les actions de la Fondation Chantal Biya […], le travail de Synergies africaines… Pour moi, Chantal Biya est l’une des stars de la lutte contre le sida dans le monde". Se joue donc, au-delà de cette association, tout l’enjeu d’une quête de légitimité internationale qui est aussi celle de son époux. Lorsque l’épouse du président rencontre en effet Laura Bush à Washington en mars 2003, il tient ainsi du président d’afficher l’image complète d’un couple qui se donne à cœur de tenir de haut en bas, les préoccupations contemporaines du peuple dont il assume la destinée. Dans une frontière sans cesse floue entre le politique et l’apolitique où la question de la domination des imaginaires parcourt désormais toute l’architecture de la disposition sociale.

Preuve même que "faire de la politique" n’est plus l’objet de quelque monopole de compétence technique, mais aussi, tout simplement, de volonté. Où la société camerounaise dans son ensemble, dépravée et déboussolée, semble voir dans cet accès d’investissement, comme une façon de faire en mieux, ce que l’époux n’a jamais pu faire même au semblant. Repères Nom:Chantal Biya 1970 : naissance à Nanga-Eboko 1994 : épouse Paul Biya 1994 : lancement de la Fondation Chantal Biya 1996 : naissance de Biya Junior 1998 : naissance de Brenda 1998 : lancement du Cerac 2001 : lancement de Synergies africaines 2003 : rencontre avec Laura Bush 4- Du "Cercle des amies du Cameroun" Alors que la Fcb investit le théâtre – au sens propre comme au sens figuré – de la santé et singulièrement du sida, le Cerac, lui, s’occupe surtout de l’éducation.

L’histoire de la naissance de ce "Cercle" en fait pourtant une organisation qui était, au départ, exclusivement constituée d’épouses de diplomates installés au Cameroun et qui acceptaient, de manière "apolitique, non confessionnelle et à but non lucratif", de se placer sous la tutelle de la "première dame", dans le but d’œuvrer, sur un modèle de charité "Nord-Sud", dans les secteurs de la santé et de l’éducation. L’épouse du président n’a pas tardé à se l’approprier, en commençant, tout naturellement, par la "nationaliser".

Constitution, dès lors, d’une architecture de recrutement autour du gouvernement de son époux : les femmes-ministres, les épouses de ministres, ainsi que les membres les plus significatives de l’establishment administratif et politique local. L’action du groupe, aux modes de fonctionnements sectaires, porte alors surtout sur la "livraison" d’école clés en mains, baptisées, "Ecole des champions", en suivant un projet pilote commencé à l’intérieur même des murs du palais d’Etoudi et poursuivi, avec la participation d’actionnaires – Edicef, une société d’édition française, entre autres, qui détient 80% du marché de l’édition au Cameroun – et de financements opaques (chaque école coûterait, à chaque fois, au moins 50 millions de Cfa ; et celle de Bangangté, récemment, "plus de 100 millions de Cfa"), dans de nombreuses localités du pays.

On voit par ailleurs débouler les caravanes du Cerac dans de nombreuses campagnes et localités de moindre importance, pour mener de spectaculaires actions de distribution de matériels aux femmes rurales : Dimako, Maroua, Bafoussam, Nanga-Eboko et, en octobre dernier, Bangangté. Aussi, la construction d’un centre dépistage gratuit du sida à Nanga-Eboko, celle d’une léproserie à Sangmelima. Autant de lieux, transformés en autant de zones de mobilisation de la clientèle électorale effective ou potentielle du régime en place et dans lesquels vient alors s’inscrire l’univers de la démonstration d’un modèle de générosité bâti jusqu’à la puanteur, sur l’odieuse exploitation de la pauvreté des pauvres, pour donner à voir l’ostentatoire richesse des riches. Accéder à cette organisation devient dès lors signe d’élitisme et de réussite sociale, par le fait même, dans une circulation de symboles qui prend de tous les côtés et associe tous les contresens.

Ainsi, des palabres de couples y sont tranchées – cas Charles Etoundi et de ses deux épouses – des femmes de ministres y sont déchues – Mme Antoine Zanga au détriment de Mme Bidoung – des querelles d’hommes s’y perpétuent et l’association devient au fur et à mesure une zone d’infra-gouvernement qui perpétue sans plus guère s’en cacher, l’ère du para-politique, donné pour être un mode de gouvernement en soi. On touche évidemment le sommet de l’art lorsque, le 14 décembre 2005, soit la veille de la tenue de son assemblée générale au Hilton Hôtel, Anne Musongè est débarquée de la coordination générale du "Cercle" dont elle s’occupait jusqu’alors, pour se voir remplacer par Gladys Inoni, épouse de l’autre, entre temps devenu nouveau Premier ministre. L’ampleur prise par le regroupement prend ainsi des airs non plus de simple photographie des modes de fonctionnement du pouvoir du mari, mais aussi, carrément, de substitution complète de celui-ci. Tout semble devoir y concourir vers une accumulation du capital symbolique féminin, dans la périphérie immédiate des sphères du pouvoir politique.

Tout s’y jouant par ailleurs au sommet des inversions de sens dans la mesure où la "présidente", qui se présente objectivement comme l’une des plus jeunes et des moins diplômées du groupe, concentre aussi sur elle des sommets de pouvoir où se mêle l’affection sincère des unes, la circonspection prudente des autres et l’adhésion stratégie de la plupart, obsédées et craintives de ce qu’une petite parcelle d’insurrection pourrait avoir comme conséquence sur le parcours politico-administratif ou économique de leur époux. 5- De la "Fondation Chantal Biya" La culture de la canne et du palmier à huile pourrait augmenter grâce à la perspective de l’utilisation de ces produits. Tout avait en effet commencé par la "Fondation Chantal Biya". Et par un scandale immédiat : son installation dans les locaux qu’occupaient jusqu’alors la "Fondation Jeanne Irène Biya", du nom de la première épouse défunte de M. Biya, de même que sa violente appropriation de tout ce en quoi consistait jusqu’alors l’ouvre de la défunte femme.

Des locaux occupés, une pancarte enlevée et remplacée, un nouveau pouvoir mis en place, une nouvelle vénération aussi. Nous sommes ainsi en 1994, au moment où s’incruste ce qui va rapidement devenir le premier levier de l’influence prépondérante à venir de la "présidente". L’organisation, sans excès, s’illustre alors pour un départ (1994-1996), par une activité plutôt conventionnelle, du genre de celle que l’on connaît au gros du troupeau des "premières dames" du monde entier : soutien aux enfants malades, sans plus. Les locaux occupés sont situés juste à l’entrée de l’Hôpital général et ne manquent pas, deux ans plus tard, d’être renforcés par l’aménagement définitif d’un bâtiment abandonné de l’Hôpital central de Yaoundé, dont les travaux n’avaient pas pu être terminés jusqu’alors, pour des raisons alors présentées, paradoxalement, comme économiques et financières.

Six International Construct mène les travaux : la coloration des lieux prend une teinte rose. Au carrefour de tous les statuts, la Fcb est ainsi en même temps, Ong, institution médicale indépendante, institution administrative publique (qui emploie des fonctionnaires, dans des locaux publics), institution de recherche, organisation internationale. Sans que l’on ne sache trop de quoi tout cela procède, la Fondation développe alors des "partenariats" avec le Cnls et d’autres instances étatiques du même genre tout en se cramponnant dans la niche du moment : l’arabesque du sida. Après la conférence de Lusaka en 1999, consacrée à cette pandémie, "Maman Chantal" et ses femmes se positionnent alors comme des interlocutrices incontournables dans la lutte contre le sida au Cameroun, comme on le verra dès 2000, avec la signature d’un partenariat privilégié avec la Fondation Glaxo Smith Kline.

Démarche identique donc, il y a deux ans, lorsqu’elle a reçu un don de matériels informatiques et audiovisuels de la Coopération chinoise, venant de ce fait renforcer son positionnement dans l’armature institutionnelle des programmes de lutte contre le sida et de santé publique au Cameroun au cours de ces dix dernières années.

L’organisation "politico-administrative" de la structure en rajoutant par ailleurs aux curiosités et aux empiètements : "l’exécutif" dirigeant est ainsi tenu par Yaou Aïssatou, actuellement dégé de la Sni, qui partage scrupuleusement ses occupations entre cette fonction à la tête de l’une des plus grosses structures administratives et économiques de l’Etat et celles de l’organisation parapolitique à laquelle elle appartient. De même, le secrétaire permanent, Jean-Stéphane Biatcha, y travaille, comme mis à la disposition de la Fondation par "son administration d’origine". Un mélange de genre, jusqu’à la caricature, qui ne pose évidemment pas le moindre problème à la moindre personne, du moment que c’est la "première dame" qui justifie un tel investissement.

Source: Mutations