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Musique : Les 'anglos' prennent le pouvoir…

Stanley Enow11 Stanley Enow

Lun., 25 Janv. 2016 Source: culturebene.com

Ce n’est pas un coup d’état. C’est une révolution. Lente, méthodique et silencieuse. Dépouillée d’outrecuidances fainéantes et de références salaces. Expurgée de l’arrogance des millions de vues sur YouTube. Oui, ce qui se passe depuis 10 ans au moins sur la scène hip hop K-Mer est bien une révolution. Portée par le talent rageur et l’ardeur au travail des Stanley Enow, Jovi, Magasco, Daphné, Gasha, Reniss, Shey, Mr Léo, Salatiel, etc…

Adieu, les «anglos» qui ont mal à leur camerounité et crient sécession ! Exit l’anglophonie qui souffre en silence de l’idiotie de compatriotes francophones incapables de citer 5 ethnies du Nord-Ouest / Sud-Ouest. Un bataillon de jeunes au talent brave et dévastateur a, au cours de dix dernières années, pris d’assaut les citadelles jadis forcloses de la reconnaissance musicale. Avec les armes de la modernité et la patience de l’abnégation. Pour terrasser à jamais l’expression batarde «anglo» et restituer toute sa splendeur à l’arc-en-ciel musical national.

Fils d’Etub’Ayang, de Willy Ngeh Nfor ou de Richard Kings, ils ne renient pas leurs racines ethniques. Au contraire. Ils les exaltent tout en magnifiant leur appartenance à la nation camerounaise. Le «Je suis Bamenda et puis quoi ?» de Jovi Ndukong Godlove n’est donc pas qu’un cri de révolte. Il est la pierre angulaire d’une démarche qui se propose de casser les barrières, ériger des ponts linguistiques et rythmiques entre camerounais, défendre son origine sans cesser de s’enrichir humblement des autres. Cette recherche soutenue d’intégration (de fusion, voire) est l’une des clés du succès de ces guerriers de l’art. Car, s’il est autant à l’aise sur les plateaux télé, c’est aussi parce que Stanley Ebai Enow, «Bayangui Boy» affirmé, est capable d’un pidgin profond, d’un anglais impeccable et d’un français correct et sans accent (ne demandez surtout pas le même exploit à nos stars «francophones»). Il est pareillement envoutant de voir Daphné Njie Efundem s’éloigner linguistiquement de son Buéa natal pour apprivoiser le Duala sur le titre de sa chanson «Ndolo» et le texte de «Broken». Bien sûr : avant elle, Kareyce Fotso, Nono Flavy, Chantal Ayissi et bien d’autres ont chanté dans des langues autres que les leurs propres. Ce que nous saluons dans le cas de Daphné et de Shey («Na You» featuring Reniss), c’est le franchissement -plutôt rare- de la scandaleuse frontière entre nos aires «anglophone et francophone»…

D’ici, j’entends des voix rappeler que nombre de jeunes stars anglophones citées céans ont grandi dans «l’aire francophone» : Stanley Enow à Bafoussam, Gasha Ashuenbom Amabao à Yaoundé et Reniss à Douala…  Et que, de ce fait, il leur serait relativement facile d’adopter la couleur locale. Cette lecture est malhonnête. Elle feint d’ignorer que la proximité n’oblige pas nécessairement à accepter Autrui et sa culture. Raisonnement par l’absurde : si, 50 ans après la réunification, des millions de camerounais francophones ignorent encore tout de «Afo Akom» (pas le chanteur, évidemment) ou de la «Bottle dance», tout le mérite revient donc à Salatiel Bessong d’injecter intelligemment un parfum de Bend-Skin à son tube «Fap Kolo» ou à  Jovi d’intégrer une ligne rythmique Bikutsi dans «Mets l’argent à terre».  Qui, parmi nous, est assez futé pour détecter spontanément les origines «Bamenda» de Mr Leo Fonyuy Nsobunrika en écoutant «On va gérer» ? N’y a-t-il pas dans ce titre (comme dans le «Wule Bang Bang» de Magasco Anthony T. Nguo, un autre «Bamenda Boy») un remarquable effort d’ouverture, une rafraichissante originalité qui, à l’aune d’une collaboration audacieuse comme celle de «Bush Faller» (Jovi & Eko Roosevelt), peut à la fois réconcilier notre pays avec son patrimoine culturel et installer de manière unique le label «Cameroun» au carrefour de l’Universel ?

Le rêve est permis. II est irrigué depuis 2010 par…ces mêmes jeunes artistes «anglophones» qui trustent désormais les scènes de récompenses internationales avec une réconfortante régularité.  MTV Africa Music Awards ? Stanley Enow. Plateau Miss USA 2014 ? La «Champion» Gasha. Nominations Kora Music Awards 2016 ? Daphné, Jovi, Stanley Enow (entre autres). A chaque fois, c’est le drapeau camerounais qui flotte et notre fierté collective qui monte en flèche. Si vous croyez au hasard, l’Histoire vous laissera dans la vase infecte de vos a priori. Autrement, il est impératif de cesser de penser que «Bamenda» et «Anglo» signifient «gauche, attardé». Et de prendre le train de cette révolution qui rehausse l’image du Cameroun tout entier.

Source: culturebene.com