«Boko Haram ne trouvera refuge nulle part»

Thu, 13 Aug 2015 Source: L'Oeil du Sahel

Vous venez de terminer la première réunion d’inspection de l’Opération Logone 2015. Quelle était la portée de vos travaux ? Général René Claude Meka.

L’opération Logone 2015 a démarré au mois de janvier de cette année. Je pense que c’est tout à fait normal que six mois après, nous puissions voir si cette opération a atteint tous les objectifs qui lui ont été assignés au départ. C’est tout à fait normal aussi que, de temps en temps, les chefs descendent sur le terrain pour prendre contact avec leurs grands subordonnés et les hommes pour qu’ils se rendent compte des conditions dans lesquelles ils travaillent.

Quand on démarre une opération, il peut y avoir des ordres de conduite à donner et des nouvelles situations qui se présentent, des changements qui peuvent nécessiter qu’il y ait une concertation entre les chefs et les hommes sur le terrain, de manière à les encadrer, leur redonner du souffle et leur assigner des nouveaux objectifs.

Donc, c’est ce que nous sommes venus faire. Comme mon homologue tchadien l’a dit et moimême un peu avant lui, nous sommes plutôt satisfaits de la manière dont les choses se sont déroulées jusqu’à présent. Peut-être que ça n’a pas été comme on avait prévu auparavant, puisque vous voyez qu’il y a une nouvelle situation qui se présente maintenant, celle dans laquelle le Boko Haram est obligé de faire appel au terrorisme.

C’était peut-être aussi à prévoir, mais c’est arrivé et il faut que nous en tenions compte avec nos hommes. Nous allons voir dans quelle mesure prendre cette nouvelle forme de menace en compte. D’autre part, vous savez que les pays du bassin du Lac-Tchad ont décidé de mettre en place une opération multinationale mixte dans la région.

Il fallait qu’on voie la meilleure manière de coordonner les activités de cette opération avec celle des opérations qui existent déjà. Voilà en gros ce que nous sommes venus faire ici à Maroua.Plus de six mois après sa mise sur pied, quelle appréciation faites-vous de l’Opération Logone 2015 ? Général Brahim Seid Mahamat.

Comme vous l’avez dit, après six mois d’évaluation, on peut constater que notre appréciation est satisfaisante. Les forces armées tchadiennes en intervention au Cameroun, aussi bien que les forces de défense camerounaises, dans une harmonie totale, dans une symbiose totale, sont en train d’exécuter les missions qui leur sont assignées.

Donc, le constat que je viens de faire au cours de ma visite ici à Maroua et à Mora, est satisfaisant, dans la mesure où j’ai eu à observer comme je le disais tantôt, une harmonie entre nos forces et c’est ça qui va aider nos forces à traquer les terroristes qui tentent de nous imposer une nouvelle forme de combat. Ils sont vaincus sur le terrain militaire, ils seront également vaincus sur ce mode qu’ils cherchent à nous imposer.

Quelle appréciation faites-vous de la coopération militaire Tchad-Cameroun dans la lutte contre la nébuleuse Boko Haram ? Général René Claude Meka Avant la déclaration de guerre faite l’année dernière au Boko Haram par le président de la République, l’armée camerounaise était déjà aux prises avec le Boko Haram. Malgré la dureté des affrontements, nous avons infligé des pertes sévères à Boko Haram. Je trouve que nous avons sauvé l’intégrité de notre territoire national.

Après la déclaration de guerre contre Boko Haram, nos deux chefs d’Etat, le président de la République du Cameroun et le président de la République du Tchad nous ont engagé à travailler de concert. Si les pertes infligées aux Boko Haram ont été importantes dans la première partie de cette guerre, les pertes ont été encore beaucoup plus importantes avec l’entrée en scène de nos frères de l’armée tchadienne, parce qu’eux, ils pouvaient passer de l’autre côté de la frontière où le Boko Haram régnait en maître.

Depuis ce temps, on a observé une certaine accalmie et le Boko Haram a muté en se livrant à des attentats. Ce que je peux dire à l’heure actuelle, c’est que la guerre contre Boko Haram menée de concert par le Cameroun et le Tchad, a connu des résultats très positifs, puisque cette nébuleuse a vu ses capacités militaires largement entamées.

Ils réagissent maintenant par des attentats. De toutes les manières, nous nous sommes inscrits dans une action de longue durée. Il y a seulement que nous devons nous adapter à ce nouveau mode opératoire et nous voulons remercier d’ailleurs toutes les populations camerounaises et tchadiennes, qui se sont investies dans la traque des terroristes. Avec ce nouveau mode opératoire, si les populations ne sont pas avec nous, nous aurons de sérieuses difficultés à combattre les terroristes.

J’ai recommandé aux hommes qu’il faut qu’ils aient une entente parfaite entre les populations et nos soldats. Cela passe bien évidemment par leur comportement envers les populations. Donc, je peux dire que le bilan aussi bien avant la déclaration de guerre qu’après, est largement positif.

Comme je venais de le dire, nous ne sommes pas prêts à nous arrêter, parce que l’action doit s’inscrire dans la durée, et c’est même le plus difficile qui est là maintenant parce qu’il faut aller débusquer un à un les terroristes là où ils sont tapis dans l’ombre pour continuer à perpétrer des assassinats, à semer la désolation et la peur parce qu’ils veulent agir par la peur et contraindre les gens à les suivre. Pour le moment, j’ai une appréciation très positive de ce que nos hommes font sur le terrain, d’autant plus qu’ils le font vraiment en parfaite collaboration, car il n’y a pas de problème entre les contingents tchadiens et leurs camarades camerounais.

Votre participation à l’Opération Logone 2015 est déjà appréciée. Comment envisagez-vous agir dans le cadre de la force mixte multinationale qui sera bientôt opérationnelle ?

Général Brahim Seid Mahamat. Comme vous le savez, l’Opération Logone 2015 a porté ses fruits. Mais étant donné que les forces armées tchadiennes en intervention au Cameroun, aussi bien que les forces de défense camerounaises, sont membres de cette force multinationale, on essaiera de prendre en compte cette nouvelle donne. Avant tout, on va essayer de partager avec les responsables de la force mixte, des décisions aussi bien dans le cadre politique que technique.

Elles vont être discutées et on trouvera la façon de coordonner et d’animer l’Opération Logone 2015 et la force multinationale. D’ailleurs, vous savez que le Tchad et le Cameroun ont des relations séculaires. On fera tout pour pérenniser ces relations pour la défense de nos populations et la sécurité de notre sous-région.

Quelle analyse faites-vous de la situation sécuritaire qui prévaut actuellement sur le terrain ?Général René Claude Meka.

Vous savez qu’il n’y a pas très longtemps, les attentats ont secoué notre pays voisin le Tchad, et plus particulièrement sa capitale. Par la suite, ça a été le tour du Cameroun et cela a vraiment créé la stupeur au sein de la population. Nous n’étions pas habitués à ce genre d’événement. Je sais que ça peut surprendre quand ça arrive, même si on était préparé à vivre de tels événements. Passé le temps de la surprise, je crois qu’on a vite fait de prendre la situation en main pour mieux la gérer.

Ça fait donc que depuis pratiquement une semaine, on a plus parlé d’attentat. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne se passe rien. Il y a déjà eu une très grande mobilisation qui a été faite au niveau des populations et qui a été une très bonne chose, puisqu’apparemment, elle porte déjà des fruits. Certains terroristes ont été arrêtés avec des ceintures d’explosifs grâce à l’intervention de la population à laquelle nous tirons un grand coup de chapeau.

Nous la félicitons et nous l’encourageons à continuer ainsi. Sûrement, nous allons encore perdre des compatriotes, mais ce sera pour préserver la paix dans notre pays. Ce que les terroristes cherchent, c’est de nous museler de telle manière que tout le monde baisse les bras et qu’ils prennent possession de notre pays, qu’ils en fassent ce qu’ils veulent.

Nous ne pouvons pas accepter une telle situation. La population a très bien réagi et je crois qu’elle doit continuer ainsi. D’autre part, sur le plan sécuritaire, nous avons pris aussi un certain nombre des mesures qui portent, et qui font que maintenant, les terroristes ne vont plus penser qu’ils vont venir en balade de santé au Cameroun.

Il faut qu’ils sachent que tous les Camerounais et tous les Tchadiens les attendent de pied ferme. Il n’y aura pas d’autre alternative pour ces gens-là. Il faut qu’ils sentent qu’ils ne trouveront refuge nulle part dans nos pays.

Auteur: L'Oeil du Sahel