Plus de 14 000 Camerounais chercheur d’asile ont été enregistrés au Nigeria. C’est le fruit du constat fait par le Haut commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (UNHCR), le Fonds des Nations-Unies pour l’enfance (UNICEF) et le gouvernement camerounais. Ce, au terme d’une mission « exploratoire » que les trois institutions ont effectuée du 7 au 9 février derniers dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest du Cameroun, indique le communiqué rendu public le 12 février.
Une mission tripartite qui intervient au lendemain de l’arrestation au Nigeria et de leur extradition au Cameroun de Julius Ayuk Tabe, leader du mouvement sécessionniste et de 46 de ses collaborateurs.
Qu’ils aient été arrêtés pour des raisons sécuritaires, pouvait se comprendre. Pourvu que le Nigeria l’ait fait conformément aux dispositions de la Convention de Genève de 1951 dont il est partie prenante. « Les Etats contractants n’expulseront un réfugié se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public », stipule l’alinéa 1 de l’article 32 de ce texte onusien sur le statut du réfugié.
Rester fidèle aux Conventions internationales
Dans le même ordre d’idées, la Convention d’Addis-Abeba de 1969 régissant « les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique ». Notamment le long article premier qui stipule entre autres que ses dispositions ne sont pas applicables à toute personne dont l’Etat d’asile a des raisons sérieuses de penser par exemple : que la personne a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes.
Or, si des autorités nigérianes ont indiqué que « leur mouvement était suspect », des sécessionnistes continuent de parler d’un enlèvement organisé conjointement par les services de renseignements du Cameroun et du Nigeria. De là à se demander si la loi a été respectée ainsi que le recommande l’alinéa 2 du même article : « L’expulsion de ce réfugié n’aura lieu qu’en exécution d’une décision rendue conformément à la procédure par la loi. Le réfugié devra, sauf si des raisons impérieuses de sécurité nationale s’y opposent, être admis à fournir des preuves tendant à le disculper, à présenter un recours et à se faire représenter à cet effet devant une autorité compétente ou devant une ou plusieurs personnes spécialement désignées par l’autorité compétente ».
Et le troisième alinéa de préciser : « Les Etats contractants accorderont à un tel réfugié un délai raisonnable pour lui permettre de chercher à se faire admettre régulièrement dans un autre pays. Les Etats contractants peuvent appliquer, pendant ce délai, telle mesure d’ordre interne qu’ils jugeront opportune ».
En accueillant les réfugiés camerounais, le Nigeria est lui-même confronté à des ennuis sécuritaires causés par la secte islamiste Boko Haram. Et même s’il semble essoufflé, l’Indigenous people of Biafra (IPOB, les indigènes du Biafra), le mouvement séparatiste figure parmi les menaces à la stabilité dans cette région du sud-est du Nigeria frontalière du sud-est anglophone dont proviennent une bonne partie des réfugiés camerounais.
Éluder la barbarie de Tingi-Tingi en 1997
Ce qui pourrait causer de sérieuses difficultés aux autorités nigérianes à distinguer les civils qui sont des réfugiés prima facie des séparatistes camerounais aux velléités déstabilisatrices. Une confusion pourrait pousser à des arrestations arbitraires ou autres actions inhumaines à l’endroit des réfugiés.
Il y a aussi que les forces de défense camerounaises pourraient être tentées de mener des incursions dans le territoire nigérian à la poursuite d‘éventuels sécésionnistes. Et c’est souvent là que pèchent beaucoup de pays en Afrique. Comme en 1997 quand, d’après l’avocat américain Reed Brody, près de 190 000 réfugiés hutus rwandais ont été massacrés par les troupes de Laurent Désiré Kabila et les éléments de l’armée rwandaise dans le camp de Tingi-Tingi à l’est de la RDC.
La méticulosité d’Abuja semble donc à rude épreuve, car il faut concilier bon voisinage, collaboration avec un partenaire de paix. Tout en s’abstenant de poser des actes contraires aux principes édictés par la déclaration universelle des droits de l’homme et les Conventions de Genève et d’Addis-Abeba.