ELECAM, une institution programmée pour frauder les élections

ELECAM Session Ordinaire En tant qu’institution électorale, elle est simplement vouée à un échec qui lui est congénital

Wed, 24 Oct 2018 Source: Jacques P. Nguemegne

On est surpris que ce soit sur le tard que certains observateurs se rendent compte que la loi de N° 2006/011 du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement d' "Elections Cameroun" (ELECAM) est une loi critiquable a plusieurs point de vue. A mon avis, je pense qu’ELECAM en tant qu’institution électorale est simplement vouée à un échec qui lui est congénital.

On peut rétorquer que ce ne sera pas une première en Afrique Noire. En effet, en dehors d’une poignée d’organisations ou commissions électorales nationales, comme celles du Benin, du Mali, du Ghana, du Sénégal, d’Afrique du Sud, du Burundi, du Liberia, de Tanzanie, du Kenya, la plupart des institutions de ce types en Afrique n’ont pas réussi à assumer leur mission première qui est d’organisation de manière effective des élections transparentes, pour lesquelles un consensus national se dégage autour des résultats ( Pokam , 2005).

Dans l’ensemble, elles se sont montrées incapables de se comporter en arbitres impartiaux lors de diverses compétitions électorales dans leur pays respectif. En général, elles ont refusé d’apporter leur soutien à l’enracinement du processus démocratique, dont les élections libres et transparentes sont un des éléments clés. Il est courant qu’en Afrique les commissions électorales nationales, conçues pour être indépendantes, prennent parti pour le ou le(s) candidat (s) du parti au pouvoir. Ce dernier n’étant la plupart de temps que le « prolongement » des anciens partis uniques, devenus ultra dominants, dans le jeu politique au lendemain du processus de démocratisation de la vie politique des années 1990.

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Quelques temps après la création au Cameroun de l’Observatoire National des Elections (ONEL), je m’étais livré à une analyse prospective critique de cette institution (Nguemegne, 2001). A la suite d’OLinga (2000) je notais que l’institution électorale camerounaise était mal conçue et que ses structures organiques n’auguraient pas d’une gestion efficace et impartiale des élections au Cameroun.

Déjà, l’ONEL n’avait que le pouvoir d’observation et non d’organisation des élections. Ses attributions étaient « secondaires » et, le véritable pouvoir de gestion du processus électoral demeurait entre les mains du ministre de l’administration territoriale (MINAT) et, à travers lui, dans ceux du Président de la République [PR] -

Au total, telle qu’elle était constituée et vu l’emprise du PR et de l’exécutif sur l’ONEL, cette institution était d’avance programmée pour échouer. Au surplus, contrairement à son archétype sénégalais, l’ONEL camerounais ne disposait ni de véritable personnalité juridique, ni de l’autonomie financière, ni des moyens nécessaires, en structures organisationnelles, ni même de ressources humaines. J’avais alors suggéré quelques idées en vue de la reformes de l’ONEL et du système électoral camerounais en général.

Aujourd’hui, avec le recul, on peut dire que l’ONEL est mort d’une défection congénitale. Son géniteur, l’Administration Biya, l’avait programmé à sa proche ou lointaine belle mort. On a l’impression que depuis sa création L’ONEL avait été créée simplement pour embrouiller le processus électoral et mieux distraire l’électeur camerounais, ainsi que toutes les bonnes volontés qui travaillent pour l’organisation des élections libres, transparentes et crédibles dans ce pays. Il y avait comme le désir d’empêcher que tous ou la majorité des Camerounais, les acteurs politiques majeurs ne s’accordent sur les structures associées aux élections et surtout sur les résultats électoraux. Expressément donc, L’ONEL avait été conçue pour servir de « faire valoir » ou simple « coquille vide » devant distraire l’opinion publique, pendant que la commission électorale nationale de décompte des votes au MINAT exercerait le vrai contrôle sur les suffrages. Elle seule est capable de la maitrise du calcul des suffrages et peut éventuellement, manipuler ou même fabriques les chiffres en ce qui concerne le vote des électeurs comme ce fut le cas lors des élections présidentielles très controversées de 1992.

Il est aisé de comprendre, comme dit un proverbe Africain, qu’on ne peut « ramasser une mangue sous un avocatier ». Ceci pour dire que, les mêmes causes pourraient certainement produire les mêmes effets. Il y a comme une volonté manifeste de l’actuel régime camerounais de ne pas accepter, ni tolérer un fonctionnement démocratique, c'est-à-dire, compétitif, libre et transparent, des institutions. Le contrôle outrancier du processus électoral participe simplement de cette logique-là. C’est, la raison pour laquelle je n’ai pas été trop surpris qu’ELECAM aille plus en avant dans cette logique de la falsification, voire de la destruction du système électoral camerounais déjà mal en point.

Je trouve que la création d’ELECAM est simplement une moquerie de plus à la face des Camerounais. Cette institution ne remplit pas, à mon avis, les conditions de la mise en place d’un système électoral démocratique, efficace et efficient. Mon avis se fonde sur plusieurs raisons.

(1) ELECAM, une Institution électorale qui n’est pas indépendante

La mise en place d’une institution électorale indépendante est l’une des conditions sine qua non de l’instauration d’une démocratie véritable au Cameroun. Tant qu’une institution politiquement autonome de ce genre n’existera pas, les citoyen-électeur-contribuable et acteurs politiques camerounais n’auront pas confiance dans le processus électoral. Cette confiance viendra de la perception du système électoral par ceux-ci comme étant équitable. Cette croyance en le système et son acceptation renforceront sa légitimité. Les citoyens-électeurs-contribuables seront plus prêts à accepter le verdict des urnes.

Pour comprendre ce qui précède, il faut se situer à l’origine de l’exigence d’un jeu électoral non partisan par une majorité des Camerounais dans les années 1990s. Notamment, lors de la Conférence Tripartite de 1991, qui en elle-même fut une sorte d’Assemblée « pré - constituante ». Au bout de cette conférence, l’une des revendications de l’opposition politique acceptée de tous était que pour rebâtir le consensus autour du choix des dirigeants de la nation, une institution d’organisation et de contrôle d’élections libres, compétitives, transparentes et justes fut créée. En soi, ce fut un point d’achoppement du consensus social et politique national. On peut voir en ce point précis un des fondements du nouveau pacte social et politique qui allait être mis en place sur laquelle aucune partie au contrat politique alors scellé n’était autorisée à déroger, quel que soit la circonstance.

Au surplus, la notion de Commission nationale Electorale Indépendante (CENI) faisait partie du corps des principes démocratiques inamovibles protégés par la Constitution de 1996. L’article 64 de la Constitution de 1996 stipule en effet qu’ « aucune procédure de révision ne peut être connue si elle porte atteinte à la forme Républicaine, à l’unité et à l’intégrité territoriale de l’Etat et aux principes démocratiques qui régissent la République”. Comme pour la révision du principe de la délimitation du nombre des mandats du Président de la République à deux, le refus de la mise en place d’un organe véritablement indépendant du contrôle des élections au Cameroun, est simplement une violation du pacte politique arrêtée à la Conférence Tripartite. Ces pratiques relèvent directement ou indirectement de la « fraude à la Constitution ». La violation de ces points fondamentaux du pacte politique de 1992 ne peut qu’accroitre la méfiance du citoyen-électeur- contribuable vis – à – vis du système électoral et des violateurs (i.e., les autorités et le régime politique en place au Cameroun).

Depuis la loi de 1990 créant l’ONEL le principe de la désignation de personnalités indépendantes, intègres, et crédibles au sein de l’institution nationale d’organisation des élections avait été acquis. J’ai déjà précédemment démontré que le principe de « l’indépendance » dans l’acception qu’en a fait l’Administration Biya et le législateur Camerounais ne correspond pas à la définition du concept tel que l’entendait l’opposition camerounaise qui l’avait initialement exigé. La conception qu’en a donné le pouvoir camerounais débouche, en pratique, sur l’effet contraire de ce qui était recherché (Nguemegne, 2001).

Il ne s’agit en effet pas, comme la définition du gouvernement camerounais l’a conçue et appliqué, de constituer un organe électoral indépendant avec des personnalités n’appartenant à aucune obédience, politique, partisane, religieuse, raciale ou ethniques etc. Une telle conception n’est pas réaliste et est difficile à réaliser. De fait, il est impossible de trouver une personnalité qui soit totalement ou parfaitement indépendante. Dans la pratique, la parade consiste, comme l’opposition camerounaise l’entendait, à procéder en sorte que, au sein de l’organe indépendant qui s’occupe du décompte des résultats des élections, les plus importantes forces sociales et politiques soient représentées et se neutralisent sous le contrôle vigilant de l’administration neutre ou de ses représentants.

Il est entendu que l’Administration ou ceux qui la représentent ne doivent pas être techniquement ou politiquement capable de substituer sa volonté à celle des représentants politiques de l’électorat. Dans le cas en présence, l’Administration Biya a fait pire. Violant la volonté du Constituant originaire qu’est le peuple Camerounais et la volonté du constituant délégué ou du législateur principal qu’est l’Assemblée Nationale, cette administration s’est refusée, à nommer au sein de ELECAM des personnalités indépendantes au sens que nous venons de décrire, bien que la loi de 2006 en dispose autrement. Elle a illégalement préféré nommer à la majorité des postes du Conseil Electoral d’ELECAM des membres, cadres et responsables politiques du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais [RDPC] (Décret N° 2008/463 du 30 décembre 2008 portant nomination des membres du Conseil électoral d' «Elections Cameroun » (ELECAM)).

Ce qu’on devrait cependant reprocher à L’Administration Biya, ce n’est pas tant d’avoir nommé des militants de son parti au sein d’ELECAM. Ce qui est condamnable, c’est que l’Administration ait nommé au sein d’ELECAM uniquement ou majoritairement des personnalités qui lui vouent une loyauté politique totale de par les positions qu’elles occupent au sein du RDPC. Les représentants des autres partis ou de d’autres autres forces sociales, ainsi que ceux de l’Administration (MINAT) ont été oubliés. Dès lors, cette institution socialement et politiquement monocolore ne peut se targuer d’aucune indépendance.

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(2) Une Structure Electorale Superflue et Inutile

La création d’ELECAM est simplement une manœuvre de plus. Mais, une de trop, tendant à déstabiliser le système politique et la vie politique Camerounaise. ELECAM apparait simplement comme un élément dans une vaste stratégie politique qui vise à stopper la marche du Cameroun vers la démocratie. Son but ultime est d’empêcher aux citoyens-électeurs-contribuables camerounais d’exprimer un choix libre des dirigeants locaux, régionaux et nationaux. Au moins deux raisons fondent cette conviction :

(a) Il est risqué et aberrant de vouloir défaire l’Administration et en particulier le MINAT au Cameroun de l’une de ses principales fonctions administratives. Cette thèse que j’ai défendue par le passé (Nguemegne, 2001) reste valable. Quelques soit le pays du monde considéré, l’organisation des élections ou du moins la gestion des activités majeures y afférentes – i.e., inscription des électeurs dans le registre électoral, gestion des listes électorales et distribution des cartes d’électeurs, programmation des élections, acquisition, gestion et maintenance du matériel électoral (e.g., hélicoptères, véhicules, ordinateurs, urnes, bulletin de votes , enveloppes),conception, développement et déploiement des stratégies et de l’ organisation matérielle des élections ( définition du nombre de bureaux de votes par circonscription, supervision des élections), recrutement des agents électoraux pour veiller au bon fonctionnement des bureaux de vote, distribution des cartes, affichage des listes devant les bureaux, et supervision par des fonctionnaires du bon déroulement général du processus électoral dans une circonscription - sont généralement confiées à l’autorité administrative déconcentrée et ses agents . Ces fonctions ne peuvent être efficacement accomplie que par les fonctionnaires des administrations traditionnelles qui qui sont invariablement, les Ministère de l’intérieur (MINAT) et ou celui la justice.

Ces administrations disposent des structures locales, départementales, régionales et nationales, elles disposent des ressources humaines en nombre suffisant et compétentes. Elles ont l’expertise nécessaire. Elles disposent du matériel et une bonne partie de l’argent public fourni par le contribuable à ces fins. Les administrations traditionnelles citées sont donc les mieux outillées pour accomplir les tâches définies ci – haut et le citoyen - électeurs leur font confiance pour être en mesure de les accomplir efficacement.

Il faut éviter de donner l’impression que l’administration est opposée à l’administré. Qu’elle va spolier son droit ou qu’elle ne peut ou ne veut plus jouer son rôle technique. Viendrait-il à l’esprit de ceux qui soutiennent ces réformes électorales partisanes (i.e., ELECAM) de retirer le contentieux électoral de la compétence des Juges et du ministère de la justice, de la Cour suprême (comme précédemment) ou du Conseil constitutionnel (actuellement) ? Oseraient-ils interdire au Ministère des finances de fournir de l’argent pour l’organisation des élections ? Il importe de laisser à chaque administration le soin de jouer son rôle traditionnel.

(b)L’Organisation et le contrôle total et efficace d’une élection par ELECAM est impossible.

Quelle logique y - a – t-il derrière l’idée de créer un corps autonome chargé seule de l’organisation, du contrôle et de la supervision des élections ? Quelle faute ont commises les administrations qui traditionnellement organisaient et supervisaient les élections déjà avant l’indépendance du pays pour en être dessaisie maintenant ? Pourquoi tant d’amateurisme dans la réforme du processus électoral ? A l’heure actuelle, alors qu’on approche des élections importantes au Cameroun, le personnel politique d’ELECAM, en dehors du fait même qu’il n’est formé au moins en majorité que de personnes appartenant au parti au pouvoir, vient à peine d’être désigné. Quant au personnel administratif à tous les niveaux, il n’est même pas encore totalement en place.

De plus, ELECAM ne dispose pas de structures, du matériel et d’un budget propre. Son personnel administratif fraichement recruté et n’ayant pas forcément l’expertise nécessaire en la matière mettra bien du temps à se familiariser avec les mécanismes électoraux. Elle aura besoin d’un temps suffisamment long pour développer une routine administrative qui lui est propre. Il lui faudra aussi du temps pour développer et synchroniser ses rapports avec les autres administrations.

En clair, ELECAM pour l’instant est une organisation largement formée d’un personnel amateur. Ceci constitue un gros risque politique et social. Il est fort possible que le processus électoral au Cameroun aille tout droit vers une grande catastrophe C’est un échec programmé par l’administration Biya. Lorsque cet échec d’ELECAM surviendra dans l’organisation des futures élections, elle offrira sur un plateau d’or une raison facile à l’Administration Biya pour justifier son éventuel maintien au pouvoir et se perpétuer à la tête de l’Etat.

(3) Un Organe Electoral Inefficient

A mon sens, économiquement parlant, la création d’ELECAM représente un gaspillage de ressources financières déjà insuffisantes du pays. Rien ne justifie sa création, sinon des calculs politiciens visant à l’utiliser comme un justificatif de l’échec de l’organisation des futures élections au Cameroun. Cette échec sera probablement suivi par des nouvelles propositions des reformes conservatrices qui demanderont que l’on retourne à l’ancien système.

Des lors, la défaite savamment programmée de l’opposition sera mise sur le dos de l’incapacité d’ELECAM. Les citoyen-électeurs camerounais n’auront pas de choix que d’accepter l’actuelle Administration qui sera pour eux le moindre mal. Sinon, comment expliquer le fait que l’Administration Biya ait hésité jusqu'à il y a peu à transférer les données, les informations et le dispositif électoral à ELECAM qui est sa propre création ? En l’absence de tout budget affecté dans la loi de finances de 2009, 2010, pourquoi le gouvernement a – t-il cru bon devoir quand même mettre en place ELECAM ? Pourquoi créer de nouvelles structures, recruter du nouveau personnel administratif au lieu de simplement conserver le personnel de l’ONEL ou transférer la direction ou division du MINAT qui s’occupait des taches similaires à ELECAM? La mise en place précipitée par l’Administration Biya, coute que coute et vaille que vaille d’une institution spéciale nouvelle pour l’administration des élections, est contraire à tout bon sens ainsi que tout principe de l’administration en pays sous – développé. Cette administration a l’obligation d’être une administration à la fois efficace (i.e., qui sert effectivement l’intérêt public) et efficiente (i.e., économiquement bénéfique et rentable pour la nation). Cette mise en place a été d’autant plus accélérée que le gouvernement a risqué d’être forclos par ses propres délais. Ce qui a forcé le gouvernement à modifier son propre agenda. Ainsi, le législateur a été obligé d’ajuster le texte initial organisant ELECAM par la Loi N° 2008/005 du 29 juin 2008 qui modifie les textes organisant ELECAM et qui en son article premier précise ce qui suit :

« Article 42 (3) (nouveau) - Pendant la mise en place d’Elections Cameroun et jusqu’à cette mise en place qui ne peut excéder vingt-quatre mois, l’Observatoire national des élections (ONEL) et les autres structures compétentes de l’Etat continuent à exercer leurs attributions respectives.” ».

Etant donné que les élections n’ont généralement lieu que certaines années, qu’elles peuvent n’avoir lieu que tous les cinq ou sept ans et que, hors – mis le contentieux électoral, l’organisation, le contrôle et la supervision des activités électorales ne durent pas plus de trois ou quatre mois, que va faire de l’administration et le personnel électoral entre deux élections ? Elle va probablement se tourner les pouces en attendant la prochaine élection et son personnel continuera certainement à toucher une rémunération ! L’Administration Biya a –t- elle seulement tiré les conséquences des programmes d’ajustement structurels et des reformes administratives difficiles qui en furent et demeurent de néfastes implications ? Repart – on vers un autre cycle d’une création injustifiée des structures administratives inutiles qui font grossir ou croitre exponentiellement notre administration poussant le budget de l’Etat à des déficits insupportables ? Il est facile de dire qu’ELECAM entre deux élections s’occupera de l’inscription des électeurs sur le registre électoral, tout en distribuant les cartes d’électeur aux nouveaux électeurs qui en feront la demande ? Cette tâche, à mon avis, n’est pas suffisante pour justifier l’établissement de toute une administration avec ses démembrements sur toute l’étendue du territoire camerounais. La loi électorale prévoit que l’ouverture du registre électoral, l’inscription des électeurs et la distribution des cartes électorales ne se fera que pendant une période bien précise de l’année .En conséquences, la création d’une institution à part entière pour administrer uniquement les élections, ou plutôt des activités électorales tres réduites et qui ne s’étalent que sur quelques mois de l’année est complètement inefficient .

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(4) Une Institution perçue Comme Politiquement Illégitime et Rejetée

Il n’est pas surprenant qu’au Cameroun ELECAM soit largement perçue, au moins par la classe politique oppositionnelle et les membres de la société civile grandissante comme une « supercherie » politique de plus. Elle est largement « boycottée » (Mandeng, 2010) parce que vue comme une autre « attrape nigaud » qui permet simplement au parti au pouvoir de légitimer, après coup, un processus politique et des autorités politiques contestés. ELECAM n’est pas acceptée parce que n’étant ni le fruit d’une construction consensuelle de toutes les forces politiques et sociales mais d’un « syllogisme » RDPCiste, ni un organe neutre ou sont également représentées toutes les forces sociales et politiques majeures du pays, qui peuvent en se contrant et de manière efficace veiller au choix transparent des dirigeants politique à tous les niveaux de l’Etat.

Ici encore, le processus qui a débouché sur la création d’ELECAM et son fonctionnement pratique, risque de consacrer la tradition désormais camerounaise d’ignorance de l’avis de l’opposition politique et la société civile par la majorité gouvernementale, dans la prise des décisions qui engage l’avenir de la nation toute entière. En effet, depuis la fin des années 1980s, la revendication de la démocratie et en particulier du pluralisme partisan, de la reconnaissance et de la protection des droits de l’homme a été vigoureusement combattue par la majorité gouvernementale. La réclamation de la Conférence nationale souveraine en vue de la refondation de la nation a été « matée » dans le sang et étouffée. Il y a également eu le « grand » et « large » débat national de 1990 qui a conduit à l’organisation de la « tripartite » qui fut une sorte d’Assemblée « pré – constituante ». Celle qui avait débattue de la crise politique et du désordre institutionnel déclenchés à la fin des années 1980 et mis en place un nouveau « pacte » social et politique.

Bien qu’une quasi nouvelle constitution ait été adoptée pour consacrer ce « pacte » en 1996 le régime Biya a, par la suite, de manière unilatérale, refuser d’appliquer les réformes constitutionnelles décidées par consensus par les participants à la conférence tripartite. Ce qui correspond clairement à une violation du pacte politique auquel il avait souscrit (Olinga 2002, Bedzigui 2010). L’opposition et des acteurs internationaux neutres avaient alors exigées une commission électorale nationale indépendante (CENI) qui, avec le soutien logistique de l’administration organiserait des élections transparentes. A la place, le gouvernement avait plutôt servi un ONEL chargé simplement d’ « observer » les élections (Nguemegne 2001, Olinga 2000). Les résultats de toutes ou presque toutes les élections organisées au Cameroun depuis lors ont été contestées. Chaque fois, les forces de l’opposition et des observateurs nationaux et internationaux ont identifié de nombreuses obstructions plus ou moins graves au processus électoral. La plupart étaient imputable au gouvernement.

Depuis une décennie, malgré tous les blocages au processus de démocratisation les forces oppositionnelles du Cameroun n’ont pas désespéré de la possibilité d’un changement politique pacifique et de la transparence du système politique. Au contraire, elles ont toujours espéré que ce changement se ferait par la voie démocratique des élections.

Cependant, il apparait que l’Administration Biya a toujours utilisé de nombreux subterfuges, méthodes dilatoires et une reconfiguration délibérées des institutions (ex. le changement anti constitutionnel et l’utilisation de la force pour enlever la limitation du nombre des mandats présidentiels à deux de la constitutionnelle) pour éviter ce changement.

La création d’ELECAM est la dernière tactique en date d’une longue stratégie menée depuis des décennies pour flouer l’opposition, contrôler toute possibilité de changement et maintenir en place un système et régime politiques dépassés. Elle vise à maintenir au pouvoir une administration et des gouvernants que l’imposante majorité des camerounais rejette. On comprend pourquoi ELECAM est également rejetée par l’opposition et une importante partie de la société civile camerounaise (Mandeng 2010, Bedzigui 2010).

En réalité, le Cameroun n’a pas besoin d’une institution électorale nationale à part entière s’occupant de manière exclusive de l’organisation des élections, sans l’aide de l’administration (ce qui serait extrêmement difficile sinon impossible). Les vraies réformes nécessaires doivent être entreprises ailleurs. La limitation du nombre des mandats présidentiels était idéale en ce sens qu’elle calmait et pacifiait largement le jeu politique entre les élections.

Il est également souhaitable que, dans un pays avec plus de 300 partis politiques officiellement enregistres, que l’ont instauré des élections nationales (présidentielles et législatives) à au moins deux tours. Ceci à la longue forcera les partis politiques à développer par alliance des coalitions politique durables. Ceci renforcera la stature des partis et des leaders politiques en dégageant des majorités politiques plus stables. Pour économiser les ressources financières il convient, de laisser le soin de l’organisation et du contrôle des élections aux administrations traditionnelles qui en ont la charge. Il faut faire confiance aux fonctionnaires camerounais qui ne sont pas anti – peuple ou anti opposition et qui ont fait montre d’impartialité aux moments les plus inattendus (ex. lors des élections législatives de 1991 et des élections présidentielles de 1992).

Par contre, le nœud gordien du dénouement de tout processus électoral et du processus démocratique au Cameroun réside dans l’organisation de la commission électorale nationale de décompte des suffrages, logée au MINAT (et désormais à ELECAM), sous les formes prescrites plus haut.

Auteur: Jacques P. Nguemegne
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