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‘Le problème du football camerounais est à l’image de la gouvernance du pays’

Les réactions naissent de partout cherchant un coupable à accabler et justifier la défaite

Sun, 27 Mar 2022 Source: www.camerounweb.com

Après la défaite du Cameroun 0-1 à domicile contre l’Algérie vendredi 25 mars dernier, les réactions naissent de partout cherchant un coupable à accabler et justifier la défaite en question. Si pour d’autres la défaite était sur le terrain, pour d’autres néanmoins, le problème est loin. C’est le cas par exemple de l’analyste camerounais Serge Hervé Nyongha pour qui cette défaite réflète l’image du pays.

Lire ici la tribune de l’analyste camerounais Serge Hervé Nyongha.

LE VRAI PROBLEME EST systémique

Je lis des commentaires sur la « médiocrité » de Rigo Song après la défaite des Lions contre les algériens. Un peu comme si notre football a sombré avec sa nomination… Non, non et non, nous n’avons plus de football, notre sélection nationale fanion n’est pas le vrai reflet de ce que nous valons. Elle masque avec ses résultats en dents de scie nos tares et entretient une illusion, celle selon laquelle nous sommes ce que nous avons été à une époque glorieuse.

Disons-le de façon nette, le problème du football camerounais est à l’image de la gouvernance du pays, dont systémique. Posons-nous les bonnes questions : A quand remonte le dernier titre continental d’un club camerounais ? En trente années, combien de titres nos sélections de jeunes ont-elles remportés ? Le football se développe à la base, la base étant l’association sportive et le club. C’est dans ces entités qu’on trouve les écoles de football et les centres de formation où sont menées les activités de détection, d’éveil, de préformation, de formation et de perfectionnement.

Ces activités se font sur la base d’un programme de développement technique harmonisé conçu, implémenté et monitoré sur l’ensemble de ces entités par la direction technique nationale. Disons-le-nous, le Cameroun n’a pas de DTN, ce qui en tient lieu est une farce à nulle autre pareille depuis une vingtaine d’années, un « machin » qui délivre à tours de bras des diplômes d’éducateurs et entraineurs étranges, tellement leurs récipiendaires font montre d’incompétence et de non qualification… Ce n’est pas méchant de le dire, mais l’observation du jeu des équipes toutes catégories confondues au Cameroun en est une illustration. Si on ajoute à ça le clientélisme ambiant dans la désignation des sélectionneurs des différentes équipes nationales, on peut comprendre à quel point le système est vicié.

Beaucoup de personnes certainement nostalgiques d’une époque évoquent les jeux OSSUC comme tremplin ou vitrine permettant de détecter des talents. Ce modèle ne correspond plus à rien, à partir du moment où non seulement les professionnels du sport ne gèrent pas en réalité le sport scolaire (il y a des fédérations autonomes dirigées par des cadres étrangers au sport), mais la pratique, le suivi des activités physiques et sportives dans les établissements scolaires ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes.

Combien d’heures sont dédiées aux cours et aux entrainements sportifs dans nos écoles, et pour quelles compétitions interscolaires ? Quelle est la qualification des personnes qui gèrent ces activités ?

Il y a bien longtemps, la structuration du football à la base ouvrait des perspectives certaines. Dans les sept provinces, il y avait un comité provincial de football avec à la tête du département technique un entraîneur provincial. Ce technicien chevronné avait à sa charge la gestion administrative et technique des championnats civils (D II) et scolaires (OSSUC). Il avait à sa charge la constitution, la préparation et le suivi de deux sélections, la sélection provinciale civile qui jouait une fois par an le tournoi national de l’unité (tournoi rassemblant les meilleurs joueurs issus des championnats provinciaux), et la sélection provinciale scolaire qui participait aux jeux OSSUC nationaux.

Cet entraineur avait entre autres tâche celle d’assurer la formation des éducateurs de football et le recyclage sous la tutelle de la DTN des entraineurs de province. En outre, il avait à sa charge la préparation et la conduite de l’équipe championne civile de la province au tournoi interpoules… On peut comprendre pourquoi le Cameroun pouvait se targuer d’avoir des Messieurs dans la formation et l’entrainement. On peut citer quelques noms sortis de ce moule : Sadi Jean Pierre, Eyoum Oscar, Nanga Maurice, Nyongha Jules Frederic, Peak Esame, Njelezeck Jean Michel, Moudio Ben Barek, Fube Georges pour ne citer que ceux-là. Ils ont bénéficié du fait de leurs performances outre les très nombreux stages FIFA organisés au Cameroun, de formations de très haut niveau en RFA.

Les meilleurs de ces entraineurs provinciaux gravissaient les échelons, et entraient dans un premier temps en équipe nationale cadette, junior, espoir comme adjoints. Ils y faisaient leurs classes avant d’être propulsés comme entraîneurs sélectionneurs titulaires. Des entraîneurs sortis de ce moule se sont retrouvés à la tête d’équipes comme le Canon de Yaoundé, l’Union de Douala, le Tonnerre de Yaoundé, le Racing de Bafoussam, Prévoyance de Yaoundé, et autres clubs. On peut donc comprendre, au-delà du talent des joueurs, les raisons de la qualité de jeu proposé par les acteurs lors des rencontres du championnat national. Peut-on faire une comparaison entre le championnat de ces années-là et celui qui nous est servi aujourd’hui, avec VINGT CINQ CLUBS PROFESSIONNELS ? Quelle hérésie !!!

Malheureusement comme dans bien de domaines au Cameroun, les impostures, l’appât du gain et les forfaitures se sont installés dans le football : une race de prédateurs se faisant passer pour des présidents de clubs a cultivé la corruption (pour gagner à tous les prix), le mercantilisme (vendre des jeunes joueurs même dans des pays comme le Sri Lanka ou le Bhutan). Ils se sont servis du football pour s’enrichir, se hisser dans les sphères politiques et ont contribué à pourrir l’administration fédérale déjà malade du fait de la quantité d’argent liquide et non contrôlé disponible…

On ne saurait égrener les facteurs qui ont miné notre football sans évoquer le déficit infrastructurel… Beaucoup pensent qu’avec l’avènement des enceintes construites pour les CAN nous n’avons plus de problème. La question à se poser est la suivante : combien de pratiquants du football ont-ils accès à ces installations ? Y fera-t-on de la détection, de la formation ? Quid des jeunes footeux de Akom II, Guidigis, Penda Mboko, Nyete, Babanki, Bakundu Mbanga, Ngato, Bangourain, Meiganga, Dimako, Bachingou et j’en passe ?

C’est toute l’importance qu’il y a de mettre en place de vraies politiques de développement incluant la notion de proximité : le sport en général et le football en particulier sont des vecteurs de socialisation, il importe donc de mettre en synergie les collectivités locales et la fédération pour non seulement la création d’espaces de jeu, mais aussi la sécurisation de l’emplois de très nombreux éducateurs chargés de l’encadrement des jeunes footballeurs dans les communes.

On devrait plutôt aujourd’hui plaindre Rigo, qui a joué des coudes pour se hisser au mauvais endroit et au mauvais moment. La volonté et l’ambition certes importantes ne suffisent pas, le mal est très profond. Le chantier de la reconstruction du football camerounais est long, très long. Il demande de la méthode, de la pertinence dans les choix. Un prérequis à tout ceci : le retour à la légalité à la fédération, l’arrêt des impostures et forfaitures qui n’ont que trop duré.

Auteur: www.camerounweb.com
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