Le 7 août 2018, le Conseil électoral d’Elecam a retenu neuf postulants pour la présidentielle camerounaise du 7 octobre prochain. Il n’y aura que neuf personnes parmi lesquelles le choix de l’électeur s’effectuera. Ce chiffre est correct, car il permet de ne pas dissiper les consciences et surtout de resserrer les enjeux des programmes autour de possibles coalitions.
1- Pourquoi la nécessité de voter ?
L’on pourrait penser, hâtivement, que les dés sont jetés et que le président-candidat, comme à l’accoutumée, briguera l’essentiel des voix à sa cause. Seuls les larbins du régime et les suiveurs populaciers s’aligneraient derrière une telle hypothèse de facilité. La situation socio-économique du Cameroun n’est plus à décrire. Elle saute aux yeux, même pour le président-candidat. Ce dernier fit le bilan de son action et de sa gouvernance le 31 décembre 2013 lors de son traditionnel discours de fin d’année à la nation. Face aux compétences et à la résilience avérées des uns et des autres, il constata de manière cinglante que rien ne décollait véritablement. Le laxisme, le carriérisme, le népotisme et l’ultra-bureaucratie avaient tôt fait d’avoir le primat sur l’intérêt général. Résultat de course aujourd’hui, le Cameroun stagne et peine à afficher une politique humaniste qui assure à chaque citoyen le minimum le plus attendu en matière d’éducation, de santé, d’infrastructures énergétiques ou routières. On en est toujours à penser le développement comme une vue de l’esprit.
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Sur le plan politique et institutionnel, les acquis sont ceux permettant d’assurer au président-candidat son règne illimité. Une fois de plus, le souci est loin d’être porté vers la crédibilité des institutions et des lois qui devraient encadrer les prises de décisions justes au quotidien, mais tout semble entretenir une certaine forme de gloutonnerie des gouvernants au service d’un chef central à qui entière reconnaissance pour le décret de nomination finit par rendre son bénéficiaire inapte à tout esprit d’initiative. Faire la politique, dans un tel paysage, reviendrait à s’auto-disqualifier et à veiller, à partir de son poste de travail, à faire en sorte que nul autre ne fasse ombrage au président-candidat.
Il va de soi qu’un tel modèle (absurde) de gouvernance ne peut être salutaire et mériter d’un esprit libre un quelconque brin d’attention. Le Cameroun n’est pas inscrit dans la fatalité. Ce n’est pas un pays condamné à avoir à sa tête, comme le disait Mongo Beti, un vacancier sans conscience. Plus rien ne marche. Même la paix dont pouvait se targuer le régime en place finit par lui échapper. Ses incitations d’alors à la retenue ne sont plus qu’un souvenir qui, chaque jour, n’a de cesse de démontrer que la politique de l’autruche n’a rien de sage. La situation au Nord-Ouest et au Sud-Ouest dégénère tous les jours. Mais le cynisme politique en fait plutôt un argument de campagne et de garantie de réélection si tant est vrai que l’instabilité dans ces deux régions aura dispersé une bonne quantité de l’électorat aujourd’hui forcé à l’exil intramuros et extramuros.
2- Pour un vote-sanction
Ce qu’il faut faire, c’est sanctionner les fauteurs d’une telle déchéance aux conséquences quasi collectives. Les premiers à payer cette facture, ce sont les populations. Elles dont les parents ont effectivement leurs enfants qui vont à l’école et à l’université sur place au Cameroun. Elles que le taux de chômage n’épargne guère. Elles qui peinent à manger à leur faim, depuis que le président-candidat est en poste. Elles qui ne peuvent se soigner d’un simple paludisme parce qu’il n’y a pas d’argent pour s’acquitter de l’ordonnance médicale la plus minable possible. Elles qui ne peuvent rien revendiquer sans qu’on ne les violente à coups de matraque et de mise au bagne. Elles qui ne sont réduites qu’à un bout de pain, plus une queue de maquereau, plus une bouteille de bière pour deux, lors des campagnes électorales. Voilà de quelles populations il s’agit au Cameroun. Quand bien même il existerait une minorité de fonctionnaires ou de salariés du secteur privé, la qualité du traitement perçu ne peut que les exposer à la corruption pour essayer d’arrondir des fins de mois trop longs.
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Il faut sanctionner un tel régime politique. Et cela passe par la participation effective des électeurs inscrits au vote du 7 octobre 2018. Pas de raison de recourir au bulletin nul ou à l’abstention. Pas besoin d’être de l’opposition ou d’être anglophone pour sanctionner un tel régime. Il suffit tout simplement de considérer la pertinence de ce tableau réaliste évoqué ci-haut pour prendre fait et cause pour le changement. Ainsi, mêmes les affiliés du parti au pouvoir, mêmes les alliés à ce dernier, mêmes les sympathisants d’hier peuvent et doivent sanctionner ce régime. Pour ce faire, il n’existe qu’une seule garantie pour ne rien craindre : le bulletin de vote que l’on introduit dans l’urne est un choix secret que nul ne peut vouloir aliéner.
Choisissez de dire non au président-candidat. Refusez son bulletin de vote. N’ayez pas peur de tourner la page. Le changement ne fait peur qu’aux imbéciles. Le peuple camerounais ne peut pas avoir tant souffert pour s’interdire la possibilité d’une nouvelle ère sociopolitique. Une nouvelle alternative donc. L’habitude du malheur n’a que trop duré. L’inaction proclame l’avènement du statu quo. Or, il est question de rompre avec le statisme, l’immobilisme justement. Et cela passe par un vote collectif anti-Biya.
3- Pour qui voter donc ?
Jusqu’ici, il a été proposé aux partis de l’opposition de s’unir au sein d’une coalition. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas. Les 8 candidats retenus sont dans une sorte de fronde où chacun plaide pour sa propre chapelle. Toutefois, l’espoir reste à entretenir sur cette solidarité de l’opposition et la possibilité, pour ceux qui n’ont pas été retenus, de s’allier à l’un des 8 ; et pour les 8 aussi, de se choisir un champion.
En attendant que ces tractations se fassent, je dois prendre position. S’il y a coalition, je souhaiterais qu’elle se fasse autour du candidat Joshua Oshih. Il est originaire de la région anglophone et est favorable au fédéralisme. Il est député de la nation et est un républicain au discours constant et fiable. S’il y a une coalition autour de lui, le Cameroun mérite de s’engager dans une telle orientation politique et s’offrir un univers nouveau où son vivre-ensemble se construira plus sereinement.
S’il n’y a pas de candidature issue de la coalition et que les 8 candidats se retrouvent engagés individuellement comme adversaires, dans ce cas, je voterai pour Cabral Libii. C’est un candidat jeune, ambitieux et déterminé. Cela est suffisant pour grandir assez rapidement dans le manteau de président de la République, s’il est élu. On a fait le procès à Emmanuel Macron d’être jeune et non préparé à l’exercice, disait-on alors, trop sérieux de la fonction présidentielle. Pourtant, cela ne lui a pas pris de nombreux mois pour s’y imposer et imposer le respect qui lui est reconnu de nos jours.
Donc, c’est un faux argument de penser qu’il faut d’abord être pétri d’expériences pour asseoir sa vision d’une gouvernance d’Etat. La pertinence de l’idée seule suffit. Les institutions et le cadre réglementaire de l’Etat accordent, à quiconque a des arguments porteurs, les moyens d’implémenter son projet politique.
Je sais que les critiques ou attaques me seront faites sur la non prise en compte de Akere Muna ou Maurice Kamto. Mais, objectivement, ils ont un capital fédérateur assez fragile pour parvenir à évincer le camp du président-candidat. Je peux me tromper mais je tends plutôt à penser que je ne me trompe pas sur les deux hypothèses de vote que je propose.
Je vous exhorte donc à ne pas tomber sous le coup habituel de la résignation et du découragement qui amènent souvent les uns et les autres à se dire que les élections ne servent à rien au Cameroun. Que les résultats sont déjà d’avance connus. Qu’il y aura bourrage des urnes. Que c’est une perte de temps. Etc.
Non ! Là est le piège tendu par les psychologues du pouvoir en place. Ils ont pensé l’émasculation générale du peuple en le poussant à renoncer à son droit de vote. Allez voter ! Tel est votre droit. Allez veiller aussi à ce que votre vote ne soit pas volé ! Et puis, dites-vous qu’il vaut mieux qu’on vole l’expression claire et précise de votre prise de position contre un régime inopportun que de ne même pas l’exprimer, sous prétexte que cela ne sert à rien. Moi, quand je ne suis pas d’accord, je dis NON !
Maintenant, est-ce que celui à qui je dis non le prend en compte ? Peu m’importe ! Mon idée m’appartient et je l’exprime d’abord. Qu’en fait-on après ? Peu m’importe ! Je dis bien, peu m’importe ! L’essentiel est que je sois conforme avec mon aspiration intérieure. Dire non, c’est voter. Ne pas aller voter n’est rien d’autre que pure lâcheté. Laisser les autres voter est pire encore.
Puisse le 7 octobre 2018 être l’année où le peuple camerounais aura su dire (enfin) non au régime en place !