Arrivé à Yaoundé jeudi, le directeur général de la sécurité extérieure de France (Dgse) a été reçu en audience par le président de la République, Paul Biya, au palais de l’Unité. Au terme du tête-à-tête, le patron des services secrets français n’a pas fait de déclaration à la presse.
Il a repris les airs pour Paris, quelques heures plus tard, a-t-on appris. Paris qui a vécu une nuit de vendredi cauchemardesque. Plus de 130 morts sur le carreau, suite à des assauts barbares synchronisés. Selon toute vraisemblance, ces attaques terroristes ont surpris Bernard Bajolet dans les airs.
Qu’est ce qui urgeait pour que Bernard Bajolet fasse le déplacement de Yaoundé alors que des alertes des attentats à Paris étaient déclenchées ? La question taraude les esprits. Avec Paul Biya, il a sans doute été question du partage du renseignement, une donnée précieuse dans la guerre contre Boko Haram. Avec l’arrivée du contingent américain basé à Garoua, constitué de 300 soldats, il va de soi que le dispositif de veille a changé et Paris tient à ne pas perdre pied au Cameroun, du point de vue sécuritaire.
La médiatisation par les médias d’Etat de l’audience entre Paul Biya et Bernard Bajolet ne surprend pas moins les observateurs avertis, quand on sait que ce type de rencontre s’est généralement déroulé dans la discrétion absolue. Yaoundé a-t-il voulu démontrer que Paris est désormais à ses pieds, après les passages successifs de Laurent Fabius (ministre des Affaires étrangères), Bernard Cazeneuve (ministre de l’Intérieur) et François Hollande (président de la République), pour ne citer que ces personnalités ? Le rapport de force est-il en train d’être inversé ?
Nommé à la tête de la Dgse le 10 avril 2013, Bernard Bajolet a notamment servi comme ambassadeur de France en Afghanistan, en Algérie, en Irak, en Bosnie-Herzégovine et en Jordanie. De 1986 à 1990, il sert comme n°2 à l’ambassade de France en Syrie. Ce diplômé de l’Ecole nationale d’administration (Ena) a pour camarades de promotion, entre autres, Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (Omc), Alain Minc, Martine Aubry, Bernard Boucault, etc.
A la sortie de l’Ena, il choisit le ministère des Affaires étrangères, qui était depuis longtemps son objectif, et parmi la liste des postes offerts par le Quai d’Orsay, Alger, où il sert comme secrétaire d’ambassade. En 1978, ce diplomate y accueille le stagiaire de l’Ena, François Hollande, qui restera huit mois à Alger. Les deux hommes entretiennent aujourd’hui des rapports jugés excellents.
Le patron de l’espionnage français a souvent contribué à libérer des journalistes pris en otage. En Irak ou en Afghanistan, ils sont plusieurs (Christian Chesnot, Georges Malbrunot, Florence Aubenas, Hervé Ghesquière) à lui être redevables.
Sur le site d’information « Intelligence Online », l’on apprend que Bernard Bajolet « a depuis longtemps un pied dans la communauté française du renseignement. Coordinateur interministériel sur l’Algérie en 1991, il a collaboré avec la Dgse en Bosnie de 1999 à 2003… Coordinateur national du renseignement de 2008 à 2011 sous l’ère Sarkozy… ». Arabophone, Bernard Bajolet est né le 21 mai 1949 à Dombasle-sur-Meurthe (Meurthe-et-Mose). Il a remplacé à la tête de la Dgse Erard Corbin de Mangoux, nommé préfet des Yvelines.