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Lutte contre boko haram: qui fait quoi ?

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Tue, 21 Jul 2015 Source: Njoya Moussa

Des objets de friction demeurent, malgré la volonté de coopération bénéfique entre le Cameroun, le Nigeria et le Tchad.

La reconquête des villes de Damasak et de Malam Fatori par Boko Haram a été officialisée dans la journée du 15 juillet. Ceci marque, au-delà de la reprise du poil de la bête par la secte islamiste, les écueils qui minent le processus de lamise en place de la forcemultinationale mixte.

Censée entrer en fonction avant le 30 juillet prochain, après son inauguration officielle le 25 mai et surtout l’organisation de son état-major le 11 juin, cette force composée du Nigeria avec 3250 hommes, du Tchad, 3000 hommes, du Cameroun, 900 hommes, du Niger et du Benin, 750 personnes chacun, connait depuis ses débuts, d’importantes difficultés dues à certains antécédents historiques entre les Etats qui doivent la constituer.

Méfiance

La force multinationale mixte doit reposer sur trois pays : le Nigeria, qui assurera la direction de l’étatmajor, durant « tout l’effort de guerre » ; le Tchad qui abrite l’état-major à Ndjamena ; et le Cameroun qui en assurera le commandement en second, tout en jouant un rôle incontournable dans la « triangulation » de l’ennemi.

Les relations entre ces trois Etats ont toujours été empreintes de méfiance et de tensions. Entre le Cameroun et le Nigeria, les difficultés de cohabitation remontent aux premières heures de l’indépendance où les autorités de Yaoundé estimeront que celles de Lagos ont joué de la fraude pour les délester du Northern Cameroon lors du referendum de février 1961. Environ une décennie plus tard, c’est la guerre du Biafra qui jettera un froid entre les deux pays, puisque derrière cette rébellion se trouvait la France avec son bras séculier sur le continent qu’était l’Ocam, et dont le siège se trouvait à Yaoundé.

Il faudra attendre 1973, avec la sortie du Cameroun de cette organisation pour voir une normalisation des relations entre les deux voisins, et une certaine complicité entre Ahidjo, Gowon et autre Shagari. Mais la lune de miel sera de courte durée puisqu’au début des années 80, avec l’arrivée au pouvoir de Buhari, le Nigeria va réactiver ses revendications territoriales sur certaines entités camerounaises. Crise qui atteindra son optimum, en 1994 avec la guerre de Bakassi, et qui se soldera au forceps avec les accords de 2008. Les relations entre les deux pays sont si empreintes de méfiance que la plupart des officiers camerounais ont été formés dans la perspective d’une guerre à toutmoment avec le Nigeria, qui est surnommé « l’ennemi orange ». D’où toute la réticence de Paul Biya à accorder le droit de poursuite aux troupes nigérianes. Entre le Nigeria et le Tchad, la méfiance provient du fait que le versant nigérian du Lac Tchad, notamment des villes telles que Bagakawa, ont souvent hébergé des rebelles aux différents régimes de Ndjamena. Avec plus ou moins la bienveillance de Lagos ou d’Abuja.

C’est notamment le cas, en 1990, lorsqu’Idriss Deby arrive au pouvoir, et qu’une forte communauté de Goranes, l’ethnie d’Hissène Habré va se réfugier au Nigeria. Par ailleurs, il existe des conflits frontaliers entre le Tchad et le Nigeria à propos des eaux territoriales et du pourtour du lac Tchad. Conflit exacerbé ces dernières années par la raréfaction des ressources halieutiques dans la région, et surtout des potentielles réserves pétrolières.

Cette méfiance s’est manifestée à plusieurs reprises, au mois de mars notamment, où les forces tchadiennes ont été priées par les autorités nigérianes, 10 jours seulement après la libération de Dikwa, de quitter la ville. Ce qui a donné l’impression que les Nigérians ne jouaient pas franc jeu, avec les conséquences connues comme la prise de Baga qui était censée abriter l’état-major de la Mnjtf, en début janvier.

Ceci du fait de l’absence des troupes nigérianes qui devaient venir renforcer les Tchadiens et les Nigériens. A l’époque, on avait crié à la filouterie électoraliste de Goodluck Jonathan. Mais avec l’arrivée de Buhari, au-delà des effets d’annonces, les choses n’ont pas changé, puisqu’un responsablemilitaire tchadien, pour expliquer leur retrait de Damasak et Malam Fatori qui a conduit à sa reconquête hier, a affirmé sur Rfi, « Nous avons attendu en vain l'arrivée des Nigérians. Nous avons décidé de replier sur Diffa ».

Auteur: Njoya Moussa