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L'émouvant hommage à Modeste Mbami

Il a rendu un hommage au joueur

Mon, 9 Jan 2023 Source: Martin Camus MIMB

Le décès de Modeste Mbami, ancien icône de la sélection nationale camerounaise de football, a mis les populations sous le choc. Dans la foulée des hommages, le journaliste Martin Camus Mimb s'est également plié à l'exercice et livre un hommage poignant à l'illustre disparu.

Il n’y aucun congrès de la Dynamo de Douala depuis plus de vingt ans, où vous n’entendez pas parler le « l’argent de Mbami », c’est-à-dire l’argent issu de la vente de ce joueur à la fin des années 90 , début 2000, dans les multiples club européens. C’est probablement la volonté de clarté dans la gestion, mais c’est surtout un aveu: Modeste Mbami reste jusqu’à ce jour, le joueur le plus bancable que la Dynamo de Douala a eu sur ces deux dernières décennies. C’est surtout une reconnaissance non dite d’un talent dont Dynamo cherche encore l’équivalence. Mbami est donc parti, avec le mystère sur son « argent » qui reste jusqu’à ce jour, le front de bataille de plusieurs. Mais à la vérité, Modeste Mbami était un joueur à part dans la Dynamo. À une époque où le circuit des transferts n’était pas aussi verrouillé et informatisé, Mbami est l’un des rares joueurs qui au cours de la même saison, pouvait être vendu à Sharja, puis revenir au secours d’une Dynamo en agonie, qu’il repositionnait au classement, et repartait aussitôt. Avec Eric Ekounga, il avait fait de cette pratique, une stratégie de survie pour la Dynamo que les dirigeants ne boudaient pas. Les seuls bus de transport des joueurs que la Dynamo a eu, ont été achetés avec « l’argent de Mbami » qui dans l’esprit des suppporters, n’est jamais fini et c’est pourquoi le sujet n’est jamais clos.

Modeste Mbami appartenait à une génération dorée de la Dynamo de Douala, après la vieille garde des Sinkot, Njé Marius, Nyemb Mawa, Gwés et autres Tchobang. Il appartient à la génération qui a rallumé la flamme des Bon ba Djob, avec Eric Ekounga, Ndongo Mpessa, Gaspard Komol, Tcheutchoua, Nyemb Ibou Ba, Koube Salomon, Mbeng, Mabouka, Edimo…Une génération qui pouvait être champion à la phase aller, et tous les joueurs vendus à l’étranger à la phase retour et qui reviennent avant la fin de la saison, pour perfuser une Dynamo en agonie qu’ils avaient pourtant laissé vivant. Ces yoyo ont perturbé la carrière de ces génies et seuls Modeste a brillé plus haut, très haut. Mais il a décidé d’aller au ciel reconstituer cette équipe qui a commencé à faire le mercato de la mort de ces génies. Ndongo Mpessa et d’autres ont disparu dans des conditions tout aussi douteuses. Espérons que les mauvaises nouvelles sur la santé de « teacher » qui ont récemment inondé les réseaux, ne vont pas renforcer le Mercato macabre vers les cieux. Mais là avec Modeste, c’est le transfert le plus retentissant, qui bat tous les records. Son Président, celui qui a fait de lui le Modeste Mbami qu’il est devenu, Emmanuel Loga l’a précédé il y’a quelques mois. Il y allait de toute évidence pour préparer ce transfert qui nous laisse sans voix dans l’équipe de VIE FC. Quel hold up!

Son caractère s’est donc forgé au sein de la Dynamo et c’est pourquoi malgré tout le talent qu’on lui connaissait, sa carrière avec les Lions Indomptables n’aura pas été proportionnelle à ce talent. Il était identifié comme ce « rebelle » parce qu’il ne se couchait pas pour servir de paillasson, parce qu’il n’avalait pas les couleuvres que d’autres trouvaient succulentes. Il allait de clashes en clashes, avec les coéquipiers et les encadreurs, parce qu’il a été moulé dans un environnement où c’est le talent qui donnait le droit à la parole. Comme beaucoup d’autres joueurs venus donc de la Dynamo, son séjour dans les Lions aura été des plus tumultueux. Pour mieux comprendre ce caractère, je vous raconte cette anecdote. Nous sommes en 2003 à la Coupe des Confédérations. Les responsables de la Fecafoot ne veulent pas voir à l’hôtel des joueurs les journalistes des médias privés. La presse publique se pavane et nous sommes bloqués à l’extérieur. Modeste Mbami me voit a l’extérieur, appelle pour chercher à comprendre pourquoi je n’entre pas. Il descend, sort et vient rester avec moi devant le portail fermé. En colère contre cette injustice. Voilà exactement ce que les autres n’aimaient pas. Mais quand on essayait de lui dire qu’il aurait des problèmes, il nous répondait « ils n’ont qu’à ne plus m’appeler ». Souvenez-vous qu’il n’y a pas longtemps, il a refusé une nomination pourtant publiée par la Fecafoot dans le staff des sélections nationales. C’est ce côté rebelle qui a perturbé sa carrière avec les Lions, mais qui a fait de lui l’un des rares joueurs dans l’histoire du football français, que deux publics ennemis comme ceux de Paris et Marseille, ont adopté chacun comme un héros et une légende. Sacré talent!

On l’avait surnommé « Peinter » le peintre. Parceque je peux l’affirmer sans trembler, depuis l’époque des Abega et Mbida, c’est le milieu offensif le plus technique et le plus intelligent que ce pays a connu. Repose toi mon ami. Nous allons je l’espère, nous retrouver au ciel et je serai heureux de commenter tes longues transversales et tes passes géométriques. Pour ta dernière passe, nous voici avec un but en larmes. S’il peut te donner la victoire du paradis, que Dieu t’accueille dans son vestiaire et te remette le Ballon d’Or du footballeur le plus vrai que j’ai vu. Adieu frère.

Auteur: Martin Camus MIMB