Les chercheurs l’appellent le P4: ce laboratoire hautement sécurisé, l’un des deux seuls en Afrique à traiter les virus les plus dangereux, dont Ebola, est situé bien à l’écart des bâtiments principaux du Centre international de recherches médicales de Franceville (CIRMF) au Gabon.
“Seules quatre personnes, trois chercheurs et un technicien, sont autorisées à pénétrer dans le P4”, via un badge d’accès dédié, explique le docteur Illich Mombo, virologue et responsable de ce laboratoire bien particulier, placé sous vidéosurveillance et entouré d’une clôture électrique.
Dans l’immense parc de 40 hectares qui abrite le CIRMF en périphérie de Franceville, chef-lieu de la province du Haut-Ogooué (sud-est du Gabon), le P4 a été installé à 800 mètres des autres bâtiments datant des années 1970. Il est interdit de le photographier ou de le filmer.
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Quand il y pénètre pour “inactiver” des virus suspects et dangereux – parmi lesquels celui d’Ebola qui a fait depuis six semaines 28 morts en République démocratique du Congo (RDC) – le docteur Mombo revêt une combinaison qui le protège des pieds à la tête. Celle-ci sera ensuite détruite, une fois son travail terminé. “Même l’air qu’on respire est filtré”, détaille-t-il.
Des mesures draconiennes destinées à éviter tout risque de contamination aux effets potentiellement dévastateurs.
“En alerte”
Lorsque le virus a été “inactivé”, il passe avec d’infimes précautions du P4 vers d’autres laboratoires du CIRMF où sera déterminée avec une extrême précision sa nature, grâce à un matériel moderne et performant dont peu de laboratoires dans le monde sont équipés.
“Entre l’arrivée d’un échantillon suspect et le rendu des résultats du diagnostic, il faut en moyenne de 24 à 48 heures”, selon Illich Mombo.
Sur le continent africain, seuls le CIRMF et un centre de recherches de Johannesburg possèdent un laboratoire de ce type.
Face à l’épidémie d’Ebola en RDC et aux risques possibles d’extension à d’autres pays d’Afrique centrale, “nos équipes ont été mises en alerte pour recevoir des échantillons suspects”, déclare le directeur général du CIRMF, Jean-Sylvain Koumba, colonel de l’armée gabonaise et médecin militaire.
“Nous sommes un centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’Afrique centrale” pour les fièvres hémorragiques virales et les arboviroses (maladies virales), explique-t-il. “L’OMS nous a contactés pour que nous soyons prêts à recevoir des échantillons de RDC, actuellement traités par l’Institut national de recherche biomédicale de Kinshasa”.
Mais le centre de Franceville ne reste pas les bras croisés en attendant l’arrivée éventuelle de ces échantillons: outre le diagnostic sur les virus, il maintient une activité de “veille passive et active”, selon Gaël Darren Maganga, coresponsable de l’unité Emergence des maladies virales du CIRMF.
“La veille passive consiste à aller faire un prélèvement sur un animal mort à la suite d’une sollicitation, la veille active à aller nous-mêmes sur le terrain faire des recherches et des prélèvements”, explique-t-il.
Chauves-souris suspectes
Les équipes du CIRMF, où travaillent et vivent 150 personnes, sont dédiées à 60% à la recherche. Elles s’intéressent aussi de très près aux chauve-souris, “réservoir potentiel du virus Ebola”, selon le Dr Maganga. Elles vont ainsi régulièrement en capturer sur tout le territoire gabonais pour leur prélever des échantillons de salive, de matières fécales et de sang.
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“Cela reste des hypothèses, mais la transmission à l’homme peut se faire par contact direct, par exemple des griffures dans des grottes, ou par manipulation des grands singes infectés à la suite de la consommation des fruits contenant la salive des chauves-souris”, explique le virologue.
La consommation de viande de singe et autres animaux de brousse est courante en Afrique centrale.
Créé en 1979 par l’ancien président gabonais Omar Bongo Ondimba pour étudier l’hypofécondité dans son pays, le CIRMF a par la suite étendu ses activités à la recherche contre le sida, le paludisme, le cancer, les virus et les maladies tropicales négligées qui, selon l’OMS, affectent un milliard de personnes dans le monde.
Il est financé par l’Etat gabonais ainsi que par la coopération française. Sa réputation attire de nombreux chercheurs, étudiants et stagiaires venus d’Afrique, d’Asie, d’Europe et des Etats-Unis.