Le 04 juin 2017 à Douala lors de l’Assemblée générale de son nouveau parti politique d’opposition, le Mouvement patriotique pour un Cameroun nouveau (Mpcn), Paul Eric Kingue, l’ex Maire de Njombe-Penja, a annoncé sa candidature à la présidentielle 2018 qui se déroulera le 7 octobre prochain au Cameroun. Dans cet entretien, cet homme politique qui a fait huit années d’emprisonnement pour des raisons politiques, selon les organisations de défense des droits humains, apporte des précisions sur les raisons qui l’ont motivé à ne plus se porter candidat à la succession de Paul Biya.
Votre silence pendant le dépôt des candidatures pour la présidentielle 2018 a surpris plusieurs personnes, alors que vous avez annoncé votre candidature, comme candidat du Mouvement patriotique pour un Cameroun nouveau (MPCN). Pourquoi n’êtes-vous pas allé jusqu’au bout de ce projet ?
Votre question me semble fort intéressante, parce que, effectivement, la convocation de la présidentielle nous a surpris, car l’ordonnancement normal des élections en 2018 voulait que les élections municipales et législatives viennent avant la présidentielle. Au regard de ce que je viens de dire, ces deux élections auraient permis à mon parti de gagner plusieurs communes et des sièges de député, ce qui aurait permis au parti dont j’ai la charge de se présenter aisément et conformément à la loi qui régule les présidentielles.
La loi elle-même dit ; ne peuvent se présenter aux élections que les partis qui ont au moins un député et un conseiller municipal, et Le MPCN n’a lancé ses activités que le 04 juin 2017, c’est-à-dire 04 ans après les élections législatives et municipales. Normalement donc, nous ne pouvions avoir ni de conseillers municipaux, ni de députés. Seulement, une deuxième voie s’ouvrait à nous, c’était celle d’aller chercher 300 signatures sur l’ensemble du territoire en 10 jours. Ce qui aurait été suffisamment périlleux pour nous et presqu’impossible, compte tenu du délai.
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Face à cette situation qui nous a tant ébranlés, mes camarades et moi avons d’abord marqué un temps de silence, et ensuite j’ai convoqué le bureau national du parti le weekend dernier pour qu’il tranche sur cette question. Celui-ci a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’aller aux élections dans ces conditions, d’où le non dépôt de ma candidature. Je ne suis pas folklorique, sinon j’aurais déposé un dossier pour des simples questions de tapage médiatique, mais j’ai préféré rester grand et discret.
Est-ce que cet acte traduit-il votre retrait de la sphère politique camerounaise ?
Non, le fait que le parti ne soit pas aux élections présidentielles 2018 ne traduit en rien mon retrait de la sphère politique camerounaise, au contraire notre participation à cette présidentielle ne serait possible que si par consensus, l’opposition dégage un seul candidat comme ce fut le cas dans les années 90. Si cela arrivait donc, mon parti et moi-même seront prêts à mouiller le maillot jusqu’au bout dans l’objectif de faire partir le Président Paul BIYA.
Car nous estimons que non seulement son âge ne lui permet plus d’offrir le moindre espoir aux camerounais pour un pays prospère, mais aussi parce qu’il est aujourd’hui le plus gros boulon d’étranglement de notre pays, au regard de son âge. Aucun investisseur au monde par exemple ne peut apporter des financements dans un pays où le président a 86ans, car à cet âge, la vie n’est plus sûre.
Cette situation isole complètement le Cameroun du monde financier international. Tout investisseur aurait peur des troubles qui surviendraient au cas où le président viendrait à disparaître. Cet exemple ne constitue qu’un parmi tant d’autres que j’aurais pu lister ici, mais je préfère m’en tenir à celui-là.
Votre parti sera-t-il représenté aux prochaines échéances municipales et législatives ?
Après cette forte frustration que nous venons de subir du fait de notre disqualification à la prochaine présidentielle, notre parti a décidé de préparer minutieusement mais professionnellement, les échéances de 2019 c’est-à-dire les municipales et les législatives. Pour ces élections, nous irons villes après villes, quartiers après quartiers, maisons après maisons, de manière à garantir le plus grand nombre de suffrages aussi bien aux municipales qu’aux législatives.
Ici, nous nous donnons tous les moyens pour que notre parti sorte vainqueur de ces échéances sur l’ensemble du territoire camerounais. Car pour nous, ces élections sont de proximité, c’est-à-dire en réalité avec le quotidien des camerounais dont la plupart sont relégués dans une misère indescriptible. Nous nous battrons alors à apporter le réconfort à ces millions de camerounais dépassés par l’actuel régime, et le commas profond de son président qui vit dans une bulle et complètement coupé de ses citoyens.
Comment comptez-vous vivre cette période électorale au Cameroun, quand on sait que le pays traverse une période socio-politique plutôt critique ?
Le Mpcn sera présent à ces élections à la seule condition que l’opposition dégage un candidat unique, et nous nous réservons le droit au cas où celle-ci ne dégagerait pas un candidat unique, d’appeler nos militants et sympathisants sur l’ensemble du territoire à voter un bulletin nul. Pour nous, ne pas donner de candidat unique, c’est faire le jeu du régime en place. Or ce qui doit prévaloir aujourd’hui pour tous ceux qui se réclament de l’opposition, c’est les souffrances infligées par ce régime à la population camerounaise.
Ces souffrances doivent interpeller chacun de nous, tellement elles ont duré, donner sept autres années à monsieur Biya, c’est s’engager dans la voie d’un non soucis du collectif. Cet homme n’a plus rien à donner aux camerounais, parce qu’en 36ans, il n’a rien pu offrir aux camerounais. Son régime à la tête du Cameroun, est un gâchis qui prendra un siècle pour être réparé, il s’apparente à l’apocalypse et il faut y mettre un terme.
Quelle a été votre réaction à l’annonce de la candidature du Président sortant ?
A l’annonce de la candidature du président Paul Biya, j’ai coulé les larmes, la tristesse m’a envahi, j’ai demandé à Dieu ce que ce peuple a fait pour mériter cela. Le Président Paul Biya est l’un des rares hommes politiques au monde à avoir reçu le pouvoir comme on prend la communion à l’église, c’est-à-dire sans efforts particuliers.
Et pour cela, il aurait simplement honoré Dieu qui l’a créé et tout donné en se retirant simplement des affaires, mais il a choisi de faire un mandat de trop aux yeux des hommes et aux yeux de Dieu. Ce mandat ne lui sera pas de tout repos, il pourrait même le précipiter à la sortie, car pour une fois, les gens verront la colère de Dieu sur cet homme qui a tout reçu de Dieu et qui n’a rien donné à son peuple. Il ne laissera en héritage que désolation, vole, misère, corruption, frustrations, aigreur, assassinats, division du Cameroun, je fais référence à l’affaire dite anglophone etc.
Un tableau complètement sombre et triste qui aurait pu susciter en lui un peu de pitié pour ce peuple qu’il a sacrifié et amoindri jusqu’à la plus simple expression. 2018 lui aurait donné l’occasion de se réconcilier avec Dieu et l’histoire, mais il a refusé de le faire. Il partira du pouvoir en ayant dans sa conscience d’avoir divisé le Cameroun qu’il a pourtant trouvé uni. Même sa progéniture portera cela dans sa conscience. Son régime n’oubliera jamais qu’il nous a poussés à appeler nos frères anglophones terroristes, après les avoir massacrés par centaines.
De tous les candidats en lice, lequel comptez-vous accompagner ?
Je n’accompagnerais aucun candidat pris individuellement, parce que pour moi aucun n’a l’étoffe nécessaire pour battre tout seul Paul Biya tel que ce système a été conçu. Si nos candidats ont l’humilité de le savoir, tant mieux, mais s’ils n’en n’ont pas, ils ne verront ni moi, ni aucun de mes militants pour leurs aventures solitaires. Le Cameroun mérite d’être libéré et tout seul c’est impossible, nous œuvrerons uniquement dans un cadre mutuel.